En vogue dans les années 1990 dans la capitale vietnamienne Hanoi, la photographie ambulante paie un lourd tribut à la démocratisation de la photographie numérique et de Photoshop , comme ses acteurs d’ailleurs.

Au bord du lac de l’Épée restitué, le photographe ambulant Nguyên Tiên Bach a du vague à l'âme. «La carrière de photographe ambulant me suit depuis des dizaines d’années. Elle me permet à peine un revenu suffisant pour nourrir ma famille. Aujourd’hui, peu de personnes veulent prendre des photos. Il m’est arrivé des jours où je n’en prends aucune», soupire-t-il.

Nguyên Tiên Bach a appris l’art de photographier chez le professeur Cao Cuong, réputé dans le monde de la photographie à l’époque. Ce dernier avait beaucoup d’élèves. Pourtant, l’enseignement et l’apprentissage ne se faisaient que par l’oral et la pratique. Il n’y avait pas de méthodes à appliquer comme aujourd’hui.

Dans ces années-là, le syndicat de la photographie du lac de l’Ouest a vu le jour avec 15 membres au départ, puis s’est développé au fil du temps. Pour devenir le membre de ce club très fermé, il fallait participer à un concours de photographes pour être sélectionné parmi les meilleurs.

Nguyên Thi Hiên, photographe ambulante au lac de l’Ouest depuis les années 1990, raconte que le nombre de personnes sélectionnées était très restreint. À part la netteté de l’image, le jury appréciait aussi les photos en fonction de leurs plans et de la profondeur qui s’y dégageait.

«Dans les années 1990, très peu de personnes possédaient d’appareil photo mais beaucoup de gens qui venaient dans la capitale, voulaient emporter avec eux des souvenirs. C’est pour cela que métier de la photographie était en vogue», confie Nguyên Thi Hai, femme de Nguyên Tiên Bach. C’est d’ailleurs grâce à la photographie que monsieur Bach a rencontré sa femme.

Aux cours de ces dernières années, grâce à l’ouverture économique du pays, la vie de la population s’est nettement améliorée. Maintenant, il est facile de s’acheter un appareil photo. La preuve, on aperçoit tout au long des rues Hàng Khay et Tràng Thi des magasins d’appareils photo.

Puis l’apparition des appareils photographiques numériques apporte une sorte d’indépendance pour les familles, la plupart d’entre elles n’ont plus besoin de professionnels pour le développement des photos, puisqu’elles peuvent elles-mêmes garder les images dans leurs ordinateurs, cadres numériques, etc.

Le marché de l’argentique diminue inexorablement. Et pour cause. «Si tu as du temps de libre, rappelles-toi que tu peux venir au lac de l’Ouest prendre des photos juste pour le plaisir. J’en serais ravi. Nous savons qu’après ma génération, ce métier aura disparu», confie Nguyên Tiên Bach, toujours avec cette lueur lointaine dans les yeux. – AVI