Nguyên Thi Thu Hiêp est artiste de cirque. Cette jeune fille est aujourd’hui la seule au Vietnam à être capable de tirer à l’arc... avec les pieds. Le tout avec une précision redoutable s’il-vous-plaît. Robin des Bois n’a qu’à bien se tenir !
Dans la salle d’entraînement du Cirque de Hô Chi Minh-Ville, par un bel après-midi d’été, une jeune femme au menu gabarit place ses mains contre la table installée au milieu de la salle. Avec beaucoup de grâce, elle élève ses jambes vers le ciel, puis les courbe jusqu’à ce que ses deux pieds touchent son vertex. Gardant la même position, elle saisit de sa main droite l’arc puis la flèche mis à sa disposition (elle est à ce moment précis en équilibre sur son seul bras gauche). Puis elle positionne l’arc, pied droit, entre son gros orteil et les autres doigts de pied. Tenant la flèche pied gauche, elle exécute son tir et fait exploser le ballon placé à quelques mètres de là... Plutôt impressionnant comme démonstration.
Un effort physique et mental visiblement intense si l’on en croit la sueur qui mouille son petit T-shirt jaune et dégouline sur le plancher. L’exercice terminé, elle se plie à quelques gestes de contorsion supplémentaires avant de s’accorder une petite pause, ô combien méritée. « Le monde des artistes de cirque se résume à la salle d’entraînement et aux numéros sur scène. Il suffit de faire l’impasse sur un seul jour d’entraînement pour perdre une partie de vos facultés », nous dit Nguyên Thi Thu Hiêp, le visage rayonnant, en guise d’introduction.
Thu Hiêp est aujourd’hui l’une des grandes attractions du Cirque de Hô Chi Minh-Ville. En plus d’être une acrobate accomplie au sein de la troupe, elle est la seule au Vietnam capable de tirer à l’arc avec précision avec les pieds.
Un don pour l’acrobatie
Née dans une famille de commerçants dans la province de Binh Dinh (Centre), dès trois ans, Thu Hiêp et sa grande sœur se prêtaient à des acrobaties en tous genres, qu’elles réalisent avec une facilité déconcertante. Décelant la passion que vouent ses deux filles à tout ce qui à trait aux galipettes, le père a décidé de les inscrire à l’École de cirque de Hanoi. À 13 ans, Thu Hiêp et sa sœur Thu Hiên, 14 ans, ont quitté le cocon familial pour Hanoi et fait connaissance avec un environnement aussi nouveau qu’hostile. Mais cela, elles ne le savaient pas encore...
« Les premiers jours, il m’a fallu apprendre à me mettre debout sur une échelle longue de 4 m et à l’équilibrer une fois en l’air. J’étais effrayée. Me sentant incapable de le faire, il m’arrivait souvent de fondre en larmes », se souvient-elle.
Le cirque est un sport de démonstration qui exige de leurs artistes de réaliser ce que le commun des mortels est incapable de faire - voire d’imaginer - avec leur corps. D’où cette terrible exigence. Thu Hiêp, après s’être fait les armes avec différents numéros, trouve finalement quelque chose d’à la fois spectaculaire et insolite : le tir à l’arc avec les pieds.« Après être parvenue à maîtriser les techniques de maintien de l’arc et de la flèche avec les pieds, le défi suivant été la précision. Et là, c’était une autre paire de manches ! Au début, je ne touchais jamais la cible ».
La jeune fille a consacré trois années pleines d’entraînement avant de donner sa première représentation officielle sur scène. Une première réussie, à tel point qu’elle est la seule retenue - et la plus jeune - parmi des douzaines d’artistes pour être invitée à présenter son numéro dans l’Hexagone.
Foule sentimentale
Après ses études et son 20 e anniversaire, Thu Hiêp s’est installée à Hô Chi Minh-Ville avec sa grande soeur, aussi artiste de cirque. Elle a rejoint le Cirque de la municipalité et commençait à briller dans son domaine. Son agenda ne désemplit pas : elle effectue régulièrement des tournées dans le pays et à l’étranger, et participe notamment à des festivals internationaux de cirque organisés chaque année. Thu Hiêp a présenté son numéro au Japon, en Suisse, en Russie, en France, etc.
Sa tournée de trois mois au Japon en 2010 lui a laissé des souvenirs impérissables. Avec les artistes de la troupe, la jeune fille a subjugué les spectateurs du pays du Soleil-Levant. « Lors de la dernière représentation de notre délégation, alors que je venais juste de terminer mon numéro et recevais l’ovation du public, un vieux Japonais, les cheveux blancs, m’a approché et a pleuré d’émotion. Ses sentiments sincères m’ont fait pleurer à mon tour », confie-t-elle.
Lors de ce voyage, Thu Hiêp a été «adoptée» par un couple japonais et désormais, ils voyagent souvent au Vietnam pour rendre visite à celle qu’ils considèrent comme leur fille. Retraçant les beaux souvenirs qui ont émaillé sa carrière, l’artiste de 22 ans confie : « Je me sens heureuse car je m’aperçois que j’ai en ma possession beaucoup de choses plus importantes que l’argent. Plus je pratique ce métier, plus je l’aime et veux conquérir les sommets ! » - VNA