L’esthétique d’une écriture peut donner envie de lire une lettre, ou aucontraire repousser tout désir de lecture. La calligraphie fait partiedonc du message, prépare à sa réception, et crée ainsi un climatesthétique et intellectuel. Cet art de bien former les caractèresd’écriture manuscrite, qui hérite d’une longue histoire, se retrouvedans divers pays, diverses cultures.
Au Vietnam, la calligraphie occidentale ou latine n’était pas vraimentétudiée par les jeunes. Mais Dào Huy Hoàng s’est pris d’une passionardente pour cet art qui a amené l’ancien étudiant de l’École supérieurede commerce extérieur de Hanoï sur un chemin inattendu et plein desuccès.
La belle écriture du grand-père
Hoàng est né dans la province de Hung Yên, tout proche de Hanoï, deparents fonctionnaires. Son grand-père était professeur et travaillaitcomme joaillier une fois sa retraite venue. Renommé dans la région poursa belle écriture, le vieil homme ne pouvait imaginer que son petit-filsturbulent puisse devenir un jour un adepte de l’art de l’écriture.
"Je n’y trouvais aucune joie quand j’étais petit. Je dessinais n’importe quoi pour chasser l’ennui",se souvient Hoàng. Mais petit à petit, il a commencé à prêter plusd’attention aux petits carnets manuscrits de son grand-père, sur le Truyên Kiêu (L’histoire de Kiêu), Luc Vân Tiên, etc. "Ils sont devenus des compagnons qui m’ont aidé à traverser des journées ennuyeuses et insipides". Puis,le jeune homme est passé à autre chose lorsqu’il est venu à Hanoï pourétudier à l’École supérieure de commerce extérieur. En parallèle à sesétudes, il a effectué maints jobs : tuteur, serveur dans un salon decafé. Il s’est même essayé à l’investissement en Bourse et dans lebitcoin ! Mais Hoàng trouvait toujours sa vie "inintéressante".
Seulement 20 jours de formation
Pour passer ces journées "ennuyeuses", Hoàng se mit à écrire des lettres. "J’aicommencé à apprendre la calligraphie dès l’entrée à l’université en2011. Au début, c’était juste un loisir. Immédiatement hypnotisé par cetart, j’ai décidé de chercher des documents sur le design graphique. Delà, j’ai appris à copier les lettres manuscrites sur Internet et j’aimieux compris ce qu’était la calligraphie".
"Rapidement, je me suis mis à pratiquer n’importe où : à l’école,chez moi, dans les cafés…, de sorte que mes amis me taquinaient en medisant que j’allais bientôt pouvoir exposer ma calligraphie au Temple dela Littérature à Hanoï". Hoàng a envoyé son travail à de nombreuxcalligraphes connus pour demander une formation plus poussée mais n’areçu qu’une seule réponse.
À cette époque-là, la calligraphie occidentale restant peu répandueau Vietnam, Hoàng a fouillé des documents et s’est acharné à apprendreen ligne les techniques d’écriture les plus difficiles, sans aucunespoir de devenir professionnel. Pour lui, il écrivait et dessinaitjuste "pour lui-même". Il s’est englouti dans sa passionardente pour la calligraphie en parallèle avec ses études àl’université, jusqu’à ce que son sort prenne un nouveau tournant.
En 2013, Hoàng a eu l’occasion pour la première fois de suivre un coursde calligraphie gratuit pendant dix jours avec un professeur américain,ce qui lui a ouvert de nouvelles perspectives. Ainsi, il a vraiment pucomprendre de manière systématique et approfondie la calligraphielatine, après trois ans d’auto-apprentissage.
"Il a fallu attendre 2013 pour que je puisse travaillersérieusement la calligraphie. On ne se rend pas compte de toutes lestechniques qu’il faut maîtriser : le dessin mais aussi la dorure et surdifférents matériels. Jadis, la calligraphie latine servait à recopierles textes importants et les décrets royaux. Au fil du temps, à partirdu XXe siècle, elle est devenue plus répandue et largement présentée au grand public".
Très rapidement, le jeune homme a pu mettre son talent à profit pourde grandes marques comme Hermès, Gucci. Dès 2014, il a commencé à donnerdes formations et est devenu membre officiel de l’IAMPETH, uneassociation spécialisée en calligraphie aux États-Unis. En 2016, Hoàng asuivi une autre formation de cinq jours avec un professeur norvégien,avant de s’inscrire à un cours de cinq jours avec un calligrapheaméricain renommé. Au total, il a suivi seulement 20 jours de formationpour devenir un calligraphe professionnel, aujourd’hui honoré parplusieurs magazines étrangers comme Pen World (États-Unis) ou Culture et Vie (Thaïlande).
Un livre en gestation
Outre son travail et son enseignement au Vietnam, Dào Huy Hoàng donneaussi des formations en calligraphie dans d’autres pays d’Asie duSud-Est tels que les Philippines, la Malaisie, à Singapour, l’Indonésieou la Thaïlande. Il n’hésite pas non plus à parler en public de sapassion à travers de talk-shows ou tables rondes.
"Je souhaite participer à plus d’évènements publics pour que mesapprentis puissent exprimer leur passion en calligraphie et que les gensen général puissent tenter d’écrire avec des outils spécifiques surdivers matériels. Les expositions individuelles ou en groupe sont aussiune belle manière de rapprocher la calligraphie de la communauté. Oubien, travailler en collaboration avec des calligraphes locaux, pourdémontrer les échanges culturels entre la calligraphie orientale etoccidentale", partage Hoàng, ne cachant pas ses projets ambitieux.
Ses classes à Hanoï ont déjà attiré un grand nombre d’apprenants. ThuyNgân, une amoureuse de la calligraphie, se montre "fascinée" par lestechniques d’écriture de son tuteur. "Je suis intéressée parl’écriture des différentes lettres sous différentes manières, même lesplus anciennes. Grâce à Hoàng, j’ai pu m’entraîner davantage etconnaître de nouvelles techniques dans la calligraphie", rapporte-t-elle.
Jeune et talentueux, Hoàng inspire une grande communauté attirée par lacalligraphie occidentale au Vietnam. Il est également connu pour sessavoir-faire experts dans la fabrication de stylos spécifiques. Eneffet, Dào Huy Hoàng a commandé en 2013 ses premiers stylos pour lacalligraphie. À ce moment-là, le prix de ces outils indispensables pourson travail était assez élevé. Le jeune homme a alors décidé defabriquer lui-même des stylos et d’en faire de véritables œuvres d’art.
La calligraphie occidentale a connu un fort développement et une largepropagation dans le monde, notamment depuis l’explosion des réseauxsociaux comme Instagram. Elle est appliquée largement dans la mode,l’imprimerie et de nombreux autres secteurs. Au Vietnam, cet art estutilisé abondamment, surtout dans le design de cartons d’invitation etde magazines.
Actuellement, Dào Huy Hoàng continue de poursuivre sa passion. Ilenvisage de publier son propre livre qui sera un guide d’instructionspour la calligraphie. En dépit de la pandémie, le jeune artiste continueà donner des cours en ligne via YouTube ou Facebook. Son objectif :rapprocher un art apparemment savant du grand public et préserver lesécritures manuscrites originelles à l’ère du numérique. - CVN/VNA