Au Sud, pour l’amour des pigeons voyageurs
Entre le poussin à peine éclôt et le
pigeon adulte capable de s’avaler des centaines de kilomètres d’un trait
- et de revenir au colombier qui l’a vu naître -, que de patience et de
persévérance !
Selon Vy, membre de l’Association
vietnamienne de colombophilie, «la première étape est de bien
sélectionner la race» . Les meilleurs pigeons viennent de l’étranger
mais il est très difficile d’en importer. Dans les marchés, les
colombophiles tombent parfois sur des pigeons venus d’ailleurs, égarés
ou piégés, dont la destinée était de finir dans le bol de riz. Ils les
achètent aussitôt.
Une bague dite «matricule» est placée à
la patte dès la naissance (vers 6-7 jours) ; elle équivaut à sa carte
d’identité, et elle est changée chaque année. Cette bague est complétée
par une autre indiquant l’adresse et le numéro de téléphone du
propriétaire.
L’entraînement commence le premier mois de
vie du jeune oiseau, lorsqu’il commence à savoir voler. Les
colombophiles comptent sur les oiseaux adultes, si possible les parents,
pour l’entraîner. La première étape est de le lâcher avec les parents à
500 m du colombier. Jour après jour, la distance est allongée. Puis
vient le vol en solo, sans papa et maman à côté. Lorsqu’il vole
parfaitement, il est lâché dans la banlieue de Hô Chi Minh-Ville, puis
de plus en plus loin, jusqu’à des centaines de kilomètres de son logis.
Compétitions : plaisir et inquiétude à la fois
Un oiseau entraîné régulièrement sera d’autant plus performant, comme un athlète de haut niveau.
«
Attendre que les oiseaux reviennent est assez stressant. Je ne sais
pas s’ils iront à la bonne maison, s’ils seront capturés par des
piégeurs ou des rapaces. En moyenne, sur 20 oiseaux 10 reviennent. De
l’amertume c’est sûr, un peu de tristesse aussi. Parfois certains sont
tellement épuisés qu’ils meurent dans le colombier», confie Vy.
Parfois
ils s’égarent et se retrouvent dans des lieux improbables comme cet
oiseau capturé par des marins-pêcheurs, qui a eu la chance que ceux-ci
appellent Vy. Ce dernier a été le chercher au retour du bateau au port !
Ou encore un autre recueilli par un militaire sur l’île de Thô Chu (Phu
Quôc, province de Kiên Giang), qui a aussi passé un coup de fil au
propriétaire. Ce dernier lui a demandé d’en prendre soin, en attendant
qu’il vienne le chercher.
Cuong, un autre colombophile, explique :
«Pour les compétitions, les pigeons sont équipés d’un timbre avec un
code. Quand l’oiseau revient, l’éleveur prend le timbre, relève le
numéro et envoie un message au comité d’organisation».
Et le
plaisir de l’éleveur est-il dans le moment du lâcher ou dans l’attente
du retour. « Les deux, explique Vy. Quand on lâche les oiseaux, on
suit du regard le sien pour voir s’il prend la bonne direction, et si
c’est le cas alors on est heureux. Après, il y a l’attente. On espère
qu’il ne rencontrera pas de problèmes. Et quand enfin il revient, en
pleine forme, alors là c’est la joie et la fierté. Je pourrais même dire
que c’est comme lorsqu’un membre de la famille revient après une longue
absence».
Parfois il y a des moments comiques dans les
compétitions. Par exemple lorsque l’oiseau s’est perché dans un arbre à
côté du colombier, et n’est pas vraiment pressé d’y rentrer. Au pied de
l’arbre, son «maître» trépigne d’impatience et essaie de le faire
descendre par tous les moyens.
Un pigeon primé est un pigeon qui
prend de la valeur. Un champion peu atteindre 30 millions de dôngs, à
quoi s’ajoute la fierté de l’éleveur qui préfère souvent le garder pour
le faire se reproduire, et ainsi avoir une belle lignée de champions -
comme les chevaux de course.
En plus d’entraîner son «poulain»,
le colombophile doit aussi veiller à le traiter contre certaines
maladies, notamment la grippe H5N1. Heureusement, jusqu’à maintenant,
aucun colombophile n’a eu affaire à cette maladie.
L’objectif de
l’association est de mettre sur pied une course transvietnamienne
Hanoi-Hô Chi Minh-Ville. Combien de temps faudra-t-il au meilleur pigeon
pour faire cette traversée, qui devra probablement l’amener au dessus
du Laos et du Cambodge. Réponse dans quelques années ! – AVI