Alexandre Yersin a beaucoup apporté à la région d'Asie du Sud-Est, eten particulier au Vietnam, où il a passé presque 50 ans de sa vie. C'estl'un des seuls étrangers au monde à avoir une rue à son nom à Hô ChiMinh-Ville, à Hanoi, à Nha Trang, et à Dalat.
Yersin est né en Suisse, en 1863. Poursuivant ses études médecine, ilarrive en France en 1885, à l'Hôtel-Dieu de Paris. Là, il fait une desrencontres les plus importantes de sa vie en la personne d'Émile Roux,qui lui ouvre les portes de l'Institut Pasteur et avec qui il participeaux séances de vaccination contre la rage, et découvre, en 1886, latoxine diphtérique.
Mais le jeune homme a envie devoyager. Il part en Indochine française où il devient médecin desMessageries maritimes. Épris de ce pays, il réussit, en 1891, à obtenirdes Messageries la permission d’explorer la région. De là, prendrontnaissance trois expéditions à travers la jungle d’Indochine, qui était,alors, l'une des terres les plus sauvages et dangereuses du monde. C'estlors de l'un de ces voyages qu'il tombe amoureux de Nha Trang, paisiblevillage de pêcheur au Sud du Vietnam.
De la découverte du bacille de la peste à son retour à Nha Trang
En 1894, une épidémie de peste originaire de Mongolie atteint en lacôte sud de la Chine et notamment Hong Kong. Le Gouvernement françaisainsi que l’Institut Pasteur mandatent Yersin pour y étudier les raisonsde l’épidémie. C'est là qu'il découvre le bacille de la peste, quipermettra, deux ans plus tard, de mettre au point un sérum anti-pesteux,et trois ans plus tard, un vaccin. Le mérite de Yersin ne seraofficiellement reconnu qu'en 1970. Le «bacille de Yersin» fut d'ailleurstoujours le seul utilisé pour la préparation du vaccin contre la peste.
Mais rapidement, le trentenaire veut retourner àNha Trang pour poursuivre ses recherches, et en fait la demande auprèsde l'Institut Pasteur. Un choix qui peut sembler singulier car levillage n'était nullement équipé en matériel scientifique. " Il avaitbesoin d'espace, d'aventure. Il aimait Livingstone, et était d'abordexplorateur. Une des premières choses qu'il ait faites au Vietnam, c'estla création d'un laboratoire personnel à Nha Trang, en 1895, reconnu en1904 Institut Pasteur", nous indique Nicolas Leymonerie, représentantdu Vietnam de l'association Les Amis de Dalat .. sur les traces deYersin.
De nombreuses actions au Vietnam
Dans son laboratoire, Yersin travaillait sur l'animal, et notamment lemouton, avec lequel il faisait des recherches contre la maladie ducharbon. Par ailleurs, " il soignait souvent gratuitement, nonseulement les animaux, aidant ainsi les agriculteurs locaux, mais aussiles pêcheurs et les enfants du village. Il avait toujours sur lui lesérum anti-pesteux, ce qui a permis d'aider à contrôler la peste enIndochine ", ajoute Nicolas Leymonerie.
Tout ceciayant un prix, Yersin se lance également dans la culture pour trouverles financements nécessaires. Ainsi, dès 1898, il s’intéresse à laculture d'hévéa, l'arbre à caoutchouc. Il réussit à l'introduire en 1899et ses récoltes de latex sont achetées dès 1894 par Michelin,participant de fait au développement économique du pays. Cet arbre estencore à l’heure actuelle l'une des ressources du Vietnam.
Enfin, notre explorateur s'intéressait à tout et de manière générale àtoutes les nouvelles technologies de l'époque. Selon NicolasLeymonerie, "il était passionné de météorologie, et avertissait lespêcheurs de Nha Trang lorsqu'une tempête se préparait pour éviter qu'ilsne prennent la mer. C'était devenu une habitude. Le jour de la mort deYersin, sans indications du scientifique, les pêcheurs sont restés àquai de peur du mauvais temps. C'était toutefois aussi une manière delui rendre hommage, car il était très apprécié au village, et son décèssoudain en 1943 a choqué tous ceux qu'il avait aidés" . Pourtant, àl'époque, le pays était en train de se battre pour récupérer sonindépendance face aux Français. L'explorateur était en fait tellementapprécié qu'il faisait partie de la famille. " Aujourd'hui encore, prèsde sa tombe de Suoi Dau (à 18 km au Sud-Ouest de Nha Trang), del'encens brûle toute l'année dans un pagodon en sa mémoire, comme unsain que l'on voudrait protéger, selon les croyances vietnamiennes.Officiellement, il n'avait ni femme, ni enfants, sa famille c'était lespêcheurs et les enfants du village. À ces derniers, il montraitrégulièrement les étoiles à travers son télescope, et même des films deChaplin ".
En 1902, Yersin participa à lafondation de l'École de médecine de Hanoi et en devint le directeurpendant quelques années. Et en 1904, l’Institut Pasteur de Paris luidonne la responsabilité de l'Institut Pasteur de Saïgon, fondé en 1890par Albert Calmette.
En 1935, Dà Lat décida derebaptiser son lycée du nom de celui qui était à l'origine de lafondation de la ville. Car quelques années plus tôt, en 1893, lors de sadeuxième expédition, Yersin découvrit les hauts plateaux du Sud duVietnam. C'est l'endroit qu'il proposera à Paul Doumer, gouverneur del'Indochine, pour permettre aux fonctionnaires français de se reposer duclimat tropical et de profiter des conditions météorologiques agréablesdurant la période estivale. Dalat fut ainsi crée. Un sanatorium y serainstallé. Ce lieu est devenu par la suite une école normale, et a perdule nom de Yersin.
L'explorateur était surnommé"Monsieur Nam". " Selon la version vietnamienne, ce surnom, signifiantmonsieur cinq en français, venait du statut que Yersin avait au sein deNha Trang : il était considéré comme le 5 e membre de la famille.Toutefois, selon les biographies officielles, ce surnom viendrait de sescinq galons de colonel, lorsqu'il était militaire. Je ne sais paslaquelle est vraie ".
Un nom resté dans la mémoire du pays
Aujourd'hui, l'Institut Pasteur de Nha Trang, fondé par Yersin est unlaboratoire de microbiologie, virologie et épidémiologie.
Pour rendre hommage au savant, la ville a décidé en 2003 de restaurerson ancienne résidence. Plus exactement, celle-ci a été rebâtie sur sonancien emplacement pour en faire un musée. Elle se trouve au sein mêmede l'Institut Pasteur. En août 2012, Nha Trang a érigé un grand buste del'explorateur, "Bienfaiteur et humaniste, vénéré par le peuplevietnamien".
Le statur d'Alexandre Yersin à Nha Trang
En 2006, la ville de Dà Lat a inauguréson Université Yersin. Un établissement spécialisé dans l'économie, lagestion, le tourisme, l'informatique, l'architecture, et lemédico-social. De même, à Hanoi, le lycée français porte également lenom du médecin.
En août dernier, l'écrivain françaisPatrick Deville a sorti le biographie romancée de Yersin "Peste etCholéra", ouvrage récompensé par le prix Fémina en novembre 2012. Ilsera traduit en vietnamien dans les mois à venir. " J'avais déjàmentionné son nom dans un livre précédent. Mais il en méritait un à luitout seul. Il a eu une vie magnifique. C'est un roman sans fiction. Toutest vrai. J'ai fait de nombreuses recherches, notamment à Nha Trang etDà Lat" , nous a commenté l'auteur, venu à Hanoi pour la promotion deson livre il y a quelques jours. À l'Espace français comme à lalibrairie française, les Vietnamiens étaient très nombreux à vouloir unedédicace de l'écrivain.
Ce premier week-end demars, à l'occasion du 70 e anniversaire de la mort de Yersin,l'association Les Amis de Dà Lat .. sur les traces de Yersin, enpartenariat avec l'Organisation internationale de la francophonie,organise un circuit à Dà Lat et Nha Trang. Une conférence sera donnée àl'Université Yersin sur le thème "Un francophone à l'origine de Dà Lat",et des collégiens de Dà Lat joueront une pièce en français. Toutes cesactions rentrent dans le cadre de l'année France-Vietnam 2013.
Nicolas Leymonerie étant, professionnellement, spécialisé dans lesjeux vidéos, il a, notons le, crée une application numérique àdestination des enfants, avec un quiz sur la vie de Yersin. Il a étéaidé de la famille de l'explorateur. - AVI