Les parents etgrands-parents de Vinh Hiên ont quitté en 1955 le village de Ngu Xa(quartier de Ngu Xa, arrondissement de Ba Dinh, Hanoi). L’enfant avait alors trois ans. Ils se sont installés dans le quartier de Công Bà Xêp (Hoa Hung, 3e arrondissement actuel de Hô Chi Minh-Ville) pour gagner leur vie. Cinq autres familles du village de Ngu Xa les ont également rejoints. Ils ont construit ensemble leur carrièreet ont promu l’artisanat traditionnel du cuivre à cet endroit, en vendant des objets typiques de leur localité d’origine. Vinh Hiên a ainsi commencé à apprendre son métier. Il avait sept ans.
Aujourd’hui, l’homme a quelque 60 printemps et n’a plus l’énergie d’antan. Pourtant, avec sa femme Vu Thi Mui, ils s’efforcent de préserver ce noble métier. À Hô Chi Minh-Ville, le couple continue de travailler. Ils ont conservé minutieusement leurs outils de transformation et de coulage du cuivre, ainsi que leurs créations. Desobjets ciselés et gravés avec la plus grande dextérité, portant ainsi lamarque du village Ngu Xa et de la citadelle de Thang Long d’autrefois.
Le moulage du cuivre façon Ngu Xa
Lesartisans de Ngu Xa sont reconnus pour leur habilité, leur imagination,leur précision et leur sens de la retenue, mais ils recèlent égalementde nombreux secrets de fabrication, avec l’expérience qu’ils ont acquisedepuis plusieurs générations. Ils sont particulièrement compétents dansles étapes initiales (préparation des moules, fonte et coulage).
« Nous sommes nés à Ngu Xa, donc, nous connaissons bien notreprofession et nous préservons du mieux possible les aspects fondamentauxde cet artisanat. Aujourd’hui, nous continuons à créer de nouveauxmoules en terre glaise et tout est fait à la main. Chaque produitfabriqué est unique», a fait savoir Vinh Hiên.
Le villagetravaille toutes sortes de cuivre, y compris les rouges de très grandevaleur. En son temps, la famille de Vinh Hiên a beaucoup investi dansl’installation d’un immense four et de deux plus petits pour le moulageet la création de formes. De nombreux apprentis avaient alors étéembauchés pour fondre les centaines de kilo du précieux métal.Aujourd’hui, le quartier où réside Vinh Hiên et sa famille est considérécomme un «petit Ngu Xa».
D’après Vinh Hiên, un bon fondeur debronze doit connaître parfaitement toutes les phases de production :technique de création de modèles et de formes, préparation, fonte,versement du cuivre dans le moule, correction, gravure et propreté.L’étape la plus difficile semble être celle de la création de moules,tant ce travail est minutieux. Même si, notons-le, y verser le cuivredemande une certaine pratique et une attention toute particulière.
Enfin,les températures de fusion varient avec les différentes variétés decuivre. Certains seront chauffés au bois (entre 500o C et 600o C)alors que d’autres - comme les cuivres rouges purs - seront fondus avecdu charbon (800o C). Trois à cinq heures sont nécessaires parfois selonles quantités.
Ngu Xa est spécialisé dans les statues, même sichacune d’entre elle représente un nouveau défi pour les artisans. Lasubtilité étant de donner aux personnages, et notamment aux Bouddhas,une «âme» et une émotion. Réaliser une statue d’environ 50 cm demandeenviron un mois, l’étape du moulage occupant la moitié de ce temps. Àcôté, créer des objets de la vie quotidienne reste pour eux un vrai jeud’enfants.
À la recherche d’un héritier
La société aévolué et comme chacun sait, bon nombre de métiers traditionnelsrisquent de disparaître face à des productions plus rentables. De fait,le cuivre laisse progressivement la place à d’autres métaux. Vinh Hiên aenseigné ce métier à ses enfants qui ont choisi d’autres voies,davantage lucratives.
À Hô Chi Minh-Ville, il est donc le seul à vendre le savoir-faire de son village. «Actuellement, beaucoup declients arrivent chez moi pour passer commande mais nous ne prenons quecelles des habitués. Chaque mois, nous faisons une ou deux statues quinous rapportent autour de 8 millions de dôngs. C’est suffisant pourvivre», a-t-il indiqué.
Selon des traditions ancestrales, iln’est pas permis d’enseigner cet artisanat à des personnes extérieures àla famille. Mais Vinh Hiên a tout de même formé de jeunes apprentis,qui sont partis à cause de la pénibilité du travail ou de leurimpatience. «Mon problème actuel est de ne pas trouver d’héritier. Jevais devoir prendre ma retraite d’ici deux ans pour des raisons desanté, et je regretterais amèrement ne pas pouvoir transmettre messavoir-faire acquis au cours de toutes ces années avant de partir.Toutefois, afin de faire connaître ce métier, je vais rédiger un livrequi mettra en avant les techniques et les secrets de fabrication.L’objectif : s’initier à cette activité et être capable de la mettre enpratique à la simple étude de l’ouvrage».
Actuellement, lesnouvelles technologies et les machines ouvrent une voie bien plusmoderne à la profession, même si les produits artisanaux restentinéluctablement un gage de qualité, et reflètent une certaine idée del’artisanat propre au village de Ngu Xa.
Le village de Ngu Xa à Hanoi
Le village de Ngu Xa (Hanoi) pratique la fonte du cuivre depuis plusde quatre siècles. Ce village est réputé pour ses statues et sescloches. La statue de Huyên Thiên Trân Vu est l’une de ses plus bellesœuvres. D’une hauteur de 3,95 m, pesant environ 4 tonnes, il s’agit d’unprêtre taoïste assis, sous le règne de Lê Hy Tông. Actuellement, lastatue est installée dans le temple Quan Thanh (Hanoi). De même, lastatue de Bouddha de la pagode Thân Quang, située dans le village de NguXa, mesure quelque 5,5 m de haut pour 12,3 tonnes, dont plus de 10tonnes pour le corps. Elle représente un Bouddha assis sur un trône delotus à 96 pétales. Cette œuvre, qui a nécessité 1,6 tonne de cuivre, aété achevée en octobre 1952. - VNA