
Paris (VNA) - A l'occasion de la célébration du 10e anniversaire del'établissement d'un partenariat stratégique entre le Vietnam et la France, BenoitGuidée, directeur d'Asie et d'Océanie du ministère français des Affairesétrangères, a partagé avec l'Agence vietnamienne d'information ses estimations sur la coopération bilatérale durant ces 10 dernières années et lesperspectives d'avenir du partenariat stratégique.
Pourriez-vous évaluer les changementsquantitatifs et qualitatifs, au cours de ces 10 dernières années, dans lesrelations de partenariat stratégique France-Vietnam ?
Benoit Guidée : Après la visite du Président Mitterrand en 1993, la France a apportéune contribution significative au développement économique et social duVietnam. Sur cette base solide, les deux gouvernements ont décidé le 25septembre 2013 de signer un partenariat stratégique afin d’approfondir nosrelations de coopération dans un contexte marqué par l’émergence rapide duVietnam sur la scène régionale et internationale. C’est dans ce nouveau cadreque des changements importants sont intervenus.
En matière économique, 2013 a aussi été l’année du lancement du «Dialogue économique de haut niveau », mis en place alors que le Vietnamdevenait un pays à revenu intermédiaire. Des coopérations industrielles dansdes secteurs stratégiques pour le développement du Vietnam (énergie,aéronautique et spatial, secteur bancaire, technologies de l’information,agro-alimentaire, transports, environnement, infrastructures) ont été mises enplace, mais nous restons encore loin du potentiel de la relation. Nous devonsfaire plus dans ce domaine et nous appuyer pour cela sur la dynamique née del’accord de libre-échange UE-Vietnam.
Au-delà des coopérations bilatérales classiques, notre partenariats’est fortement développé ces dernières années autour des enjeux globaux. Lalutte contre le changement climatique est devenue une préoccupation majeure, aucœur de notre partenariat. Nous travaillons ensemble à réduire les émissions degaz à effet de serre afin d’éviter un changement climatiquecatastrophique : c’est tout l’enjeu de la transition climatique eténergétique. Mais le changement climatique est déjà là, et nous travaillonsensemble sur des projets d’adaptation, par exemple pour faire face auxincursions salines dans les deltas du fleuve rouge et du Mékong.
Le dernier changement que je mentionnerais, c’est l’évolution del’environnement régional et international. La crise sanitaire du COVID-19 abien sûr confirmé la solidité de nos relations et la force de la solidarité quiexiste entre nos pays. Il y a aussi les tensions géopolitiques, dansl’environnement régional du Vietnam et ailleurs—je pensenotamment aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie maiségalement aux tensions entre les Etats-Unis et la Chine, ou aux incidents enmer de Chine méridionale. Pour répondre à ces changements rapides qui menacentles principes auxquels nous sommes attachés, telles que le multilatéralisme, lerespect du droit international, la liberté de navigation et de survol, nousdevons intensifier notre dialogue.
Que pensez-vous du potentiel decoopération entre les deux pays, tant dans les relations bilatérales que dansla coordination sur la scène internationale et dans les forums multilatéraux ?

Benoit Guidée : Je vous remercie d’utiliser le terme de potentiel, car c’est bien decela qu’il s’agit. Ma conviction est qu’il existe des marges de progression, auniveau bilatéral et sur la scène internationale et multilatérale qui rejoignentnos priorités :
C’est d’abord la priorité de notre dialogue sur les questionsinternationales de paix et sécurité. Nos échanges ont ainsi été fructueuxlorsque le Vietnam a siégé au Conseil de Sécurité des Nations unies en2020-2021. Nous travaillons ensemble par exemple dans le domaine de laformation aux opérations de maintien de la paix. Nous pouvons faire davantage,pour contribuer à la stabilité de l’Indopacifique, espace dans lequel la Franceest très présente. Nous souhaitons travailler davantage avec l’ASEAN, dont la France estPartenaire de Développement.
La deuxième priorité porte sur les enjeux globaux à commencer par ledéfi climatique. Le partenariat international sur la transition énergétiquejuste (JET-P) engagé par le Vietnam avec les pays du G7 offre un cadre decoopération dans lequel la France est très impliquée, avec ses experts et sesentreprises, sur un sujet-clé pour l’avenir du pays. Nous pouvons, nous devons même, faire plus. LaFrance entend travailler encore davantage avec le Vietnam, notamment à traversl’Agence française de Développement bien sûr mais également nos entreprisesdont certaines ont une expertise mondialement reconnue dans des domaines telsque la ville durable, les transports et les énergies décarbonées. Nous devonsaussi faire davantage pour préserver la biodiversité et lutter contre lapollution, notamment les plastiques qui impactent notre santé, la pêche et letourisme ou œuvrer pour l’amélioration de la qualité de l’air.
La troisième priorité concerne les échanges économiques. Noussouhaitons encourager les investissements vietnamiens en France, à l’image dece que fait la société Vinfast dans notre pays. Pour mémoire, nos échangescommerciaux ont dépassé les 8 Mds EUR en 2022, soit le niveau le plus hautjamais atteint. Mais ces échanges sont très déséquilibrés et en deçà despossibilités. En matière d’IDE, la France se classait fin 2022 au 16e rang desinvestisseurs avec 660 projets pour 3,8 Mds USD. Ce n’est pas à la hauteur denos ambitions, même si ces chiffres ne disent pas tout - certains flux passantpar Hong Kong et Singapour ne sont pas comptabilisés - et occultent la naturestratégique de certains projets. Il existe beaucoup d’occasions avec saisir,avec notamment les besoins du Vietnam dans la transition environnementale eténergétique. Et c’est dans cet état d’esprit que le Ministre délégué auCommerce extérieur, M. Olivier Becht, s’est rendu au Vietnam en mars dernier.
La quatrième priorité reste le renforcement des liens entre nospopulations. La spécificité des relations entre le Vietnam et la France tienten effet à la densité des liens humains entre nos deux pays, qui s’appuienotamment sur un tissu actif de coopérations décentralisées et d’associationsfranco-vietnamiennes jouant un rôle important dans la relation. Elle s’appuieégalement sur les nombreux étudiants vietnamiens qui poursuivent leur cursus enFrance et sur notre riche réseau culturel dans le pays. - VNA