Un expert francais exhorte a continuer les negociations apres le verdict de la CPA hinh anh 1

Le professeur Pierre Journoud au micro. Photo: VNA

Paris (VNA) - Après ​la sentence de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye, les parties prenantes aux différends en Mer Orientale doivent s’asseoir autour d’une table pour négocier, négociations qui devraient durer encore très longtemps.

Il s'agit de l’opinion de Pierre Journoud, professeur d’histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, exprimée lors d'une  interview accordée aux correspondants de l’Agence vietnamienne d’information (VNA) à Paris.

Selon le professeur Pierre Journoud, la Chine a été déboutée de ses prétentions, et notamment de « ses droits historiques » sur la Mer de Chine méridionale dans le verdict long de 500 pages rendu le 12 juillet par la CPA.

C’est un premier pas important, car la Chine fondait sa position maximaliste sur des revendications historiques et économiques selon lesquelles il y a une présence ancienne de ses pêcheurs dans cet espace maritime.

La CPA a jugé le 12 juillet dernier qu’il n’y avait pas de droits historiques auxquels la Chine ​pouvait prétendre. Le 2e point est qu'elle estime que dans cette zone disputée, il n’y a pas d’îles au sens de la convention de Montego Bay.

Le 3e point, la CPA estime que la Chine a commis des dégâts graves et irréparables dans le domaine écologique dans cet espace revendiqué par les Philippines et la Chine, ce qui est un point ​relativement nouveau en droit international.

Le professeur Pierre Journoud est persuadé que cette décision n’engage pas que les parties au conflit, la Chine et les Etats d’Asie du Sud-Est, mais aussi les puissances maritimes que sont les Etats-Unis, le Japon, l’Inde, la France...

S'agissant des effets de cette sentence sur la situation stratégique en Mer Orientale, le professeur Pierre Journoud a estimé que, bien que le verdict donne clairement raison aux Philippines et qu’il encourage les Etats parties au conflit opposés à la Chine dans leur combat diplomatique et juridique, elle ne ​changera pas fondamentalement une situation qui s’intègre dans un panorama géopolitique beaucoup plus large que le seul problème de revendications de souveraineté sur des îlots et des récifs. Ce contexte plus large implique effectivement une transition de pouvoir et de puissance, ainsi qu'un équilibre des puissances.

Pour accompagner cette transition, Pierre Journoud évoque une coopération de plus en plus ​grande entre, d’une part, les Etats-Unis et la Chine - les grandes puissances maritimes dans cette zone et, d'autre part, le Japon, l’Inde et les Etats asiatiques parties à ces différends.

« La négociation se poursuit, elle va durer encore très longtemps car ce conflit va durer très longtemps. Les Etats sont condamnés à négocier s’ils veulent éviter ce que personne n’a intérêt à voir se concrétiser : un scénario de conflit, de guerre, qui serait finalement au détriment de tous ceux qui sont intéressés par l’avenir de cette région », a-t-il précisé.

Il a cité la coopération entre la Chine et le Vietnam dans le Golfe du Tonkin qui a fait l’objet d’une négociation débouchant à un accord en l’an 2000 en tant qu'exemple intéressant, méritant d’être étendu à d’autres zones de la Mer Orientale.

Il a indiqué que ce que l’on peut souhaiter de mieux est, effectivement, que la décision de la CPA conforte les partisans de la négociation, en particulier les Etats d’Asie du Sud-Est impliqués qui souhaitent respecter le droit international et, en particulier, le droit maritime international. Ainsi, la Chine et tous ceux que le conflit intéresse pourraient éviter le pire.

Selon lui, la position de l’Union européenne (UE) et celle de la France sont assez comparables dans le sens qu’elles défendent toutes deux la liberté de navigation, le droit international, dont la convention sur le droit de la mer de 1982.

Il a expliqué qu’officiellement, l’UE et la France sont neutres dans ce conflit de souveraineté territoriale en Mer Orientale. Mais l’UE est plus divisée qu’il y paraît, puisqu’il y a beaucoup de divergences entre ses membres. Et, finalement, ces derniers s’entendront sur le petit dénominateur commun, c’est-à-dire une affirmation de leur attachement aux grands principes de la liberté de navigation, de respect du droit international maritime et de neutralité dans ce conflit qui ne concerne ​que des revendications territoriales.

Quant à la France, il a estimé que par la voie officielle, ​elle appelle toutes les parties au conflit à négocier, et que c’​était là la seule solution qui vaille. Il a ​également souligné que, ces dernières années, la France s’est beaucoup rapprochée des pays d’Asie du Sud-Est et, ​plus particulièrement, des Philippines et du Vietnam à travers le partenariat stratégique signé avec le second en 2013, et celui de coopération dans la défense ​convenu récemment avec le premier.

« La France est une puissance d'Asie-Pacifique parce qu’elle y a des territoires. Ses moyens militaires sont modestes par rapport aux Etats-Unis, mais ils sont tout de même non négligeables dans cette région. En ​outre, elle y a surtout un passé de coopération, ayant joué un rôle très constructif sur le plan diplomatique pour aider les pays à sortir de la guerre, ce jusqu’à la conférence de Paris de 1991 qui a mis un terme au conflit ​cambodgien», a-t-il dit.

Le professeur Pierre Journoud a suggéré que l’UE et la France restent une force de proposition diplomatique et que la longue expérience de conflits terrestres et maritimes qu’ont les pays européens peut être mise à profit par les Etats d’Asie, en particulier des Etats d’Asie du Sud-Est.

« Je crois que nous avons encore du travail pour imaginer des solutions, des propositions innovantes et audacieuses qui puissent peut-être, un jour, aider les Etats impliqués à sortir enfin de ce cycle de tensions qui restent inquiétant ​aujourd'hui », a-t-il conclu. -VNA