Nguyên Vy, la photographie sur feuille, l’art et la manière
Compositeur, poète, photographe, spécialiste de l’art décoratif, il est aussi l’inventeur de la photographie sur pierre, et tout récemment sur feuille… Lê Nguyên Vy, 62 ans, a décidemment de multiples cordes à son arc.
Les «photos sur feuille» de Lê Nguyên Vy ont surpris tout le monde, professionnel comme amateur. Il s’agit d’œuvres d’art originales d’une grande beauté. Imaginez une vraie feuille, de la grandeur d’une main, au milieu de laquelle apparaît un cliché. Effet garanti ! Et ne vous méprenez pas : « Cette +feuille photo+, si mince, résiste au temps, puisqu’ayant été soumise à un traitement chimique spécial», dévoile l’inventeur.
Lê NguyênVy a passé six mois dans son
laboratoire à mettre au point cette technique, avec pour support une
feuille de figuier sacré. Mais le jeu en valait la chandelle, tant le
résultat est saisissant. Et puis, celui à qui l’on pourrait
affectueusement donner le sobriquet de «savant fou» n’en est pas à son
coup d’essai, lui qui a déjà consacré 18 ans à la recherche d’un procédé
de «photo sur pierre», en s’inspirant de la lithographie. Des travaux
qu’il poursuit toujours à l’heure actuelle, l’homme étant un
perfectionniste. En 2007, le Centre national du Livre des records l’a
d’ailleurs reconnu comme «le premier producteur de photos sur pierre du
Vietnam».
De la «photo sur pierre»…
Né en 1950 à Dà
Nang, au Centre, Lê Nguyên Vy est un «touche à tout». Dans les années
1960, il a été un compositeur reconnu. Après 1975, pour gagner sa vie à
cette époque difficile où le pays entamait son processus de conversion
vers l’économie de marché, il a dû mettre de côté sa «vie d’artiste»
pour se consacrer à l’artisanat : production de simili cuir, de poissons
en conserve, puis de moules pour fonderie, avant de passer à la
typographie (sur les sacs plastique)...
L’idée de fixer des
photos sur la pierre lui est venue en 1995, en observant de beaux
cailloux luisant dans les eaux d’un ruisseau sous les rayons du soleil.
«La beauté du caillou sera transcendée si l’on y appose une image
marquante», s’est-il dit alors. Et de se livrer passionnément aux études
de l’art lithographique. Un an plus tard, Vy présentait au public ses
premières œuvres.
Une satisfaction qui n’a pas duré bien
longtemps : les clients préférant très vite la couleur au noir et blanc.
À vau-l’eau la petite affaire de Vy...
Que cela ne tienne ! Cet
homme, audacieux et déterminé, a décidé de se consacrer corps et âme à
son laboratoire, cette fois pour la «photo sur pierre», en couleur. Une
période très difficile pour lui qui, ayant déjà investi toutes ses
économies pour la lithographie en noir blanc, s’est retrouvé «nu comme
un ver»… «Imaginez toute une famille - parents et enfants - recherchant à
mettre au point une technique inconnue, sans prêter attention à comment
subvenir à ses besoins... Et de se contenter de deux repas frugaux
chaque jour. Heureusement, la réussite a finalement été au rendez-vous
!», confie-t-il, petit sourire aux coins des lèvres.
La
réussite, Vy l’a obtenue en 2005, avec sa première «photo sur pierre» en
couleur le montrant, lui et sa femme, le jour de leur mariage.
Le
processus de fixation dure de trois à cinq heures, selon la dimension
du support. L’œuvre est ensuite couverte d’un fixatif chimique. Cette
technique s’adapte aux pierres de toute forme, même celles dont la
surface est inégale. Il peut aussi le faire sur des coquilles, du bois
ou encore des noix de coco. « Je viens de reproduire la photo de Che
Guevara sur une noix de coco», nous montre-t-il.
… à la «photo sur feuille»
La feuille est donc la dernière trouvaille de Lê Nguyên Vy. C’est au
début de 2012 que germe cette idée, qu’il parvient à concrétiser après
seulement 6 mois.
« Seules les feuilles du figuier sacré et de
l’érable sont utilisables, grâce à la densité du tissu de leurs nervures
et à leur résistance », précise l’artisan photographe. Une photo de
qualité dépend en premier lieu du processus de traitement de la feuille,
le but étant de ne laisser que sa trame, la partie charnue étant
retirée. L’image sera alors fixée grâce à un «procédé» issu de la
technologie photographique numérique.
La photo sur feuille
présente plus d’un avantage : originale et légère, elle est, de
surcroît, beaucoup moins onéreuse que la photo sur pierre (30.000-50.000
dôngs/pièce contre 2 à 3 millions).
Et ça marche ! Son atelier
de photo, qui emploie tous les membres de sa famille, ploie sous les
commandes. Lê Nguyên Vy a de la suite dans les idées, et s’affaire dans
la préparation d’une expo-photo sur feuille. « Ce sera ma première
exposition du genre, et elle sera destinée exclusivement aux portraits
et paysages », révèle-t-il.
Il nourrit encore une autre ambition
: publier un livre en feuilles représentant des «classiques
littéraires» du Vietnam, comme Nam quôc son ha (Le pays du Sud) de Ly
Thuong Kiêt (XI e siècle), Hich tuong si (Appel aux généraux et
soldats) de Trân Hung Dao (XIII e siècle), Binh Ngô dai cao
(Proclamation de l’indépendance nationale après la victoire sur les
agresseurs chinois) de Nguyên Trai (XV e siècle), Tuyên ngôn dôc lâp
(Proclamation de l’indépendance nationale) de Hô Chi Minh (en 1945)… Lê
Nguyên Vy ne part pas cette fois en terre inconnue, puisqu’il a déjà
réussi à les «imprimer» sur les cailloux, à raison de mille mots sur 4
cm².
« Je suis en train de chercher des feuilles plus larges que
celle du figuier pour y +imprimer+ des portraits de grandes
personnalités du pays aujourd’hui décédées », confie-t-il. Que son vœu
soit exaucé ! – AVI