Le chef de l'Etat égyptien Hosni Moubarak, sous la pression d'une contestation populaire sans précédent, a délégué jeudi ses prérogatives au vice-président tout en s'accrochant au pouvoir, déclenchant la fureur des manifestants.

"J'ai décidé de déléguer au vice-président les prérogatives du président de la République conformément à ce que prévoit la Constitution", a déclaré M. Moubarak à la télévision.

Après le discours, l'ambassadeur d'Egypte à Washington, Sameh Choukri, a affirmé sur CNN que le vice-président Omar Souleimane était désormais le "président de facto" du pays.

Le président des Etats-Unis Barack Obama a lui jugé que ce transfert de pouvoirs n'était pas "suffisant".

Au Caire, le discours télévisé de M. Moubarak, très attendu, a provoqué la déception et la fureur parmi les 200.000 manifestants réclamant depuis le 25 janvier son départ immédiat, place Tahrir, rapporte l'AFP.

Le vice-président, récemment nommé à un poste non pourvu depuis 1981, a appelé un peu plus tard les manifestants à rentrer chez eux, en s'engageant à "préserver la sécurité" et la "révolution des jeunes".

De nouveaux appels à des manifestations massives ont été lancés pour vendredi. Place Tahrir, des centaines de manifestants ont brandi leurs chaussures en direction de l'écran sur lequel était retransmis le discours du président, geste insultant et méprisant dans le monde arabe.

D'autres ont appelé à une grève générale immédiate en réclamant que l'armée, déployée en force autour des manifestants, prenne position: "le régime ou le peuple". L'opposant égyptien le plus en vue, Mohammed ElBaradei, a averti, après l'intervention du président, sur le micro-blog Twitter que l'Egypte allait "exploser" et affirmé que l'armée devait intervenir pour "sauver le pays".

Plusieurs dirigeants de pays étrangers ont fait part de leur déception ou craintes de voir émerger des extrémistes.

"Le président Moubarak n'a pas encore ouvert la voie pour des réformes plus rapides et plus profondes", a déploré la chef de la diplomatie de l'UE Catherine Ashton, tandis que le Premier ministre australien, Julia Gillard, a jugé que "le changement devait venir en Egypte".

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, s'est montré déçu par le discours qui selon lui "n'était pas le pas espéré vers l'avant"; le président français Nicolas Sarkozy souhaitant que l'Egypte trouve le chemin de la démocratie et "pas de la dictature religieuse comme en Iran".

Le mouvement de protestation s'est étendu jeudi à divers secteurs sociaux. Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme. Des heurts se sont produits entre policiers et manifestants les premiers jours, puis entre pro et anti Moubarak le 2 février.

Les violences ont fait environ 300 morts selon un bilan de l'ONU et Human Rights Watch depuis le début du mouvement. - AVI