L’historien Alain Ruscio : "Diên Biên Phu, 70 ans après, est toujours d’actualité"

Alain Ruscio est un historien français qui a consacré beaucoup de travail à la colonisation française en Indochine et à la guerre d'Indochine. Il a publié plusieurs livres sur Dien Bien Phu comme La guerre française d’Indochine, Vo Nguyên Giáp, một cuộc đời, Dien Bien Phu - Mythes et réalités…
L’historien Alain Ruscio : "Diên Biên Phu, 70 ans après, est toujours d’actualité" ảnh 1L’historien Alain Ruscio présente ses livres sur Dien Bien Phu : La guerre française d’Indochine, Vo Nguyên Giáp, một cuộc đời, Dien Bien Phu - Mythes et réalités… Photo : VNA :

Paris (VNA) - Alain Ruscio est unhistorien français qui a consacré beaucoup de travail à la colonisationfrançaise en Indochine et à la guerre d'Indochine. Ancien correspondant du journalL'Humanité au Vietnam. Il a publié plusieurs livres sur Dien Bien Phu comme La guerre française d’Indochine, Vo NguyênGiáp, một cuộc đời, Dien Bien Phu - Mythes et réalités… À l’occasion du 70e anniversaire de cette bataille, il a accordé une interview à l’AgenceVietnamienne d’Information en insistant ses valeurs jusqu’aujourd’hui.

On pense que la victoire de Diên Biên Phu a confirmé la direction correcte et sage du Parti communiste du Vietnam et du Président Ho Chi Minh, et que l'esprit de grande solidarité nationale fut le facteur décisif pour la victoire du Vietnam dans cette bataille, ainsi que dans l’œuvre de défense de la Patrie. Que pensez-vous de cet avis ?

Le 2 septembre 1945, lorsque lePrésident Hô Chi Minh a proclamé l’indépendance du Vietnam et la naissance dela République démocratique du Vietnam, il a réussi à associer dans un mêmemouvement l’aspiration nationale patriotique, la volonté de se débarrasser ducolonialisme français et en même temps une aspiration sociale, qui pour luiétait incarnée par le socialisme. Il fonda pour cela la Ligue pourl’indépendance du Vietnam, rapidement appelée Viet Minh, dirigé par lescommunistes, dont notamment Hô Chi Minh, Vo Nguyên Giap, Pham Van Dông, TruongChinh... Donc, évidemment, cela a donné une certaine direction à la lutte delibération du Vietnam, ce qui n’était pas le cas dans d’autres pays, comme enInde, en Indonésie et en Birmanie. La particularité de la lutte du Vietnam, dueà la grande intelligence politique du président Hô Chi Minh, fut justementd’associer la totalité de la population à la lutte pour la libération nationaleet en même temps pour la libération sociale. C’est cela qui a fait cettespécificité. Les différents gouvernements français de la IVe Républiqueet l’armée, qui au début pensaient pouvoir écraser le mouvement pourl’indépendance n’ont pas compris qu’ils avaient face à eux une très forteproportion de la population vietnamienne qui soutenait la lutte du Front VietMinh, personnifiée par le président Hô Chi Minh. D’où les échecs de plus enplus grands, comme celui de la bataille des frontières de l’automne 1950, puisévidemment au bout de ce chemin, il y avait Diên Biên Phu. Ce cheminement nes’est pas fait facilement, la guerre a duré 7 ans. Mais l’armée et le peuplevietnamien avaient fait face à une armée française, très moderne et puissante,à l’époque soutenue par les Etats-Unis. Il ne faut pas oublier que, vers la finde cette guerre, les États-Unis ont fourni 80% de l’aide matérielle militaireaux français. Face à cela, fort heureusement, il y a eu un soutien des payssocialistes, qui s’est surtout manifesté après la victoire de la révolutionchinoise. Ça n’a pas été d’ailleurs un soutien sans faille, mais qui a quandmême compté bien-sûr. On peut pourtant affirmer que la victoire de 1954 a étédue essentiellement à la résistance du peuple vietnamien, guidé par laclairvoyance politique du président Hô Chi Minh.

À cette époque-là, la victoire de Diên Biên Phu a exercé une grande influence en faveur du mouvement de décolonisation dans le monde. Pourriez-vous nous parler de ce mouvement ?

Cette guerre d’Indochine étaitobservée par le monde entier. La France et le Vietnam étaient bien sûr lesadversaires, mais il y eut très tôt une dimension internationale. N’oubliez pasqu’à la même époque, on avait eu également la guerre de Corée. L’Asie étaitvéritablement l’endroit du monde où les forces du socialisme et les forces ducapitalisme s’affrontaient. Mais la guerre a également été internationale, neserait-ce que par la composition de l’armée française, qui recruta desAlgériens, des Marocains, des Tunisiens, des Africains. Les guérilleros, lespropagandistes du Viêt Minh envoyaient régulièrement à ces soldats venus descolonies des tracts, envoyaient régulièrement des appels pour faire appel à lasolidarité. Dans les colonies françaises en particulier, la lutte du Vietnamétait observée très près, à Madagascar, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, enAfrique, on a observé cette guerre avec un espoir secret que l’armée françaisserait vaincue. Et évidemment lorsque l’armée française a été vaincue à DiênBiên Phu, ça n’a pas été considéré non seulement comme une victoirevietnamienne, mais comme une victoire de tous les peuples colonisés. Ça a étéen quelque sorte une éclaircie, une ouverture de la voie vers la libérationnationale. Il ne faut pas oublier que la victoire de Diên Biên Phu date du 7mai 1954, les accords de Genève du 20 juillet 1954 et que la guerre d’Algérie acommencé le 1er novembre 1954. Ce n’est donc pas tout à faire unecoïncidence, ce n’est pas un hasard. Beaucoup de colonisés se sont dit puisqueles Vietnamiens l’ont fait, nous allons pouvoir entamer des luttes quin’étaient pas toujours des luttes militaires, politiques, mais en tous cas, c’étaitune lueur d’espoir et tous les témoignages montrent qu’il a eu dans de nombreusescolonies françaises une explosion de joie, alors que les français colonialistesétaient tristes.

Il y a actuellement beaucoup de conflits dans le monde, d'après vous, les leçons tirées de la campagne Diên Biên Phu sont-t-elle toujours valables dans ce contexte ?

Je pense que la force brute, laforce militaire toute seule ne peut jamais l’emporter. Il faut toujours penserqu’il y a des peuples derrière et que lorsque ces peuples refusent unesolution, que ce soient malheureusement l’agression russe en Ukraine ou que cesoient l’effroyable bilan de l’agression sioniste israélienne contre laPalestine contre Gaza. A chaque fois, il y a le même schéma, il y a toujoursune armée qui pense que la force mécanique est suffisante pour vaincre et enface des populations qui refusent cette force mécanique. Malgré tout, à unmoment à un autre, il y a forcément une ouverture vers une libération. Donc, jepense que Diên Biên Phu a également cette signification historique de direqu’un peuple uni, qu’un peuple qui refuse l’oppression trouvera toujours unmoyen, peut-être malheureusement avec beaucoup de malheurs. Quand on observe lasituation en Palestine, on s’aperçoit que le peuple Palestinien souffreénormément et qu’il y a aujourd’hui des dizaines de milliers de morts à Gaza etdes enfants morts tous les jours de faim, de malnutrition, de manque de soin…mais malgré tout, le peuple palestinien un jour ou l’autre triomphera dusionisme israélien. Donc, je pense que Diên Biên Phu, 70 ans après, esttoujours d’actualité.

Sept décennies se sont passées depuis et les deux pays ont connu une amitié de 50 ans dont 10 ans de partenariat stratégique, d'après vous, qu'est-ce que les deux parties doivent faire pour commémorer ensemble à cet évènement ?

J’espère qu’en France 2024 marqueraun moment important où l’on parlera d’histoire, pas seulement de l’histoirebien-sûr, également de l’actualité. Evidemment, on ne peut pas demander auxFrançais à fêter Diên Biên Phu. Mais je crois qu’il faut mettre en avant ladéfaite non pas de la France, mais d’un système ancien d’oppression, que l’onappelait colonialisme, qui de toute façon devait mourir. Je pense que lemeilleur moment pour parler d’histoire sera la célébration des Accords deGenève : il sera alors utile qu’on ait une réflexion en commun pour savoirpourquoi il y a eu cette guerre, pourquoi il y a eu ce colonialisme. N’oublionspas que le colonialisme français au Vietnam a duré un siècle, donc, c’est unepériode extrêmement longue dans l’histoire d’un peuple. Pourquoi il y a eu lecolonialisme ? Pourquoi il y a eu cette domination qui était basée sur uneconception raciste sur une conception de domination des populations indigènes.Et pourquoi à un certain moment il a fallu sortir de cette situation. C’est unmoment également je pense où l’on doit se rappeler qu’il a eu beaucoup deFrançais qui ont été solidaires avec le Vietnam. C’est peut-être également uneoccasion pour nous de réfléchir à la solidarité. Il faut savoir qu’il y atoujours eu, dans toute l’histoire, même à la pire époque coloniale, desFrançais qui se sont levés contre la colonisation et contre les exactions imposéesau peuple vietnamien, mais aussi aux cambodgiens et laotiens. Je pense à desarticles de Jean Jaurès avant 1914, je pense par exemple au voyage de GabrielPéri, député communiste, au Vietnam en 1934 pour porter la protestation. Jepense à une journaliste, Andrée Viollis , à Romain Rolland, à HenriBarbusse, qui avaient fondé un Comité de défense des prisonniers indochinois, jepense à des gens comme ça. Et puis pendant la guerre française d’Indochine,beaucoup de Français se sont révoltés contre la guerre, je pense à Henri Martinbien-sûr qui a passé 3 ans de sa vie en prison à cause de sa lutte contre laguerre, ou à Raymonde Dien qui a passé 10 mois en prison pour avoir tentéd’arrêter un train chargé d’armes destinées au Vietnam.

Et puis, ma génération, nous avonsmanifesté beaucoup en faveur du Vietnam lorsque le Vietnam a été bombardé parles impérialistes américains. Donc, tout ça, ça laisse des traces. Il n’y a paseu que des Français réactionnaires, conservateurs, colonialistes. Et je pensequ’il y a également eu des Français de droite qui se sont opposés, je pense parexemple au Général de Gaulle à Phnom Penh en 1966 qui a prononcé un discours trèscourageux dans lequel il a dénoncé l’intervention américaine en disant aux Américainsqu’ils ne réussiront jamais à faire plier les peuples d’Indochine donc je pensequ’il y a eu toutes ces traditions qui font qu’aujourd’hui encore il y a unerelation très particulière entre la France et le Vietnam.

Quelques combattants français souhaitent construire un monument aux morts, des deux côtés, dédiés à Dien Bien Phu sur le champ de bataille d’autrefois et aider les habitants locaux ? Que pensez-vous de cette proposition ?

Je pense que les combattantsfrançais qui sont morts à Diên Biên Phu, ceux qui ont été blessés, ceux qui ontété prisonniers, les victimes françaises en général sont également des victimesdu colonialisme.  Ils n’avaient pasdemandé à venir souffrir ou malheureusement à mourir sur les terres du Vietnam.Ce sont les gouvernements qui ont imposé ces guerres, ce sont les officierssupérieurs, les généraux ont mené ces guerres, et puis les Américains qui leur ontfourni des bombes et du Napalm. Bien sûr, certains combattants français se sonttrès mal conduit, par exemple par l’usage de la torture. Mais la grandemajorité des combattants français étaient également des victimes du système. 70ans après, il n’y a plus malheureusement beaucoup de survivants, mais les raressurvivants et nous, les descendants, les enfants des survivants peuvent seretrouver autour d’une mémoire commune tout en sachant quand même qu’il y avaitd’un côté une mauvaise cause, celle du colonialisme de la volontéd’imposer sa loi au Vietnam et de l’autre côté une bonne cause, celle del’indépendance nationale personnifiée par le président Hô Chi Minh. -VNA

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