L’Association des journalistes vietnamiens (AJV) compte achever cetteannée le projet de construction du Musée de la presse du Vietnam quipermettra de revisiter l’histoire de la presse vietnamienne et perpétuersa mémoire, son esprit et ses valeurs.
Hoàng Tùnget Hông Hà, deux grandes figures du journalisme national, devenus par lasuite des hommes politiques, sont décédés il y a peu, emportant dansleur tombe de nombreux souvenirs de leur métier que personne n’avaitjamais songé à collecter de leur vivant.
«L’idée derassembler des documents relatifs à de grands journalistes en vue deconstituer un musée de la presse m’est venue en pensant à ces deuxillustres confrères», confie Minh Phan, du journal Nguoi Làm Báo (LeJournaliste). D’après lui, la collecte de documents et d’objetsd’anciens journalistes, mais aussi de confidences filmées ouenregistrées, est une «course contre la montre». Sinon, toute unemémoire risque de disparaître.
Pas collectionneurdans l’âme, Minh Phan a commencé à rassembler «un peu par hasard» desdocuments relatifs à un certain nombre de ses confrères connus qu’ilavait eu la chance de rencontrer, d’interviewer. Par exemple, lacouverture du numéro du Têt de 1942 de l’hebdomadaire Tiêu Thuyêt Thu Bả y (Romans du Samedi) qui connut un grand rayonnement à l’époque.
«Le journaliste et écrivain Thanh Châu m’a donné ceprécieux document lors d’une rencontre, il y a 20 ans, où j’étais venul’écouter parler de sa vie journalistique», raconte-t-il. Il montreaussi une lettre dactylographiée jaunie par le temps dureporter-photographe Nguyên Bá Kho ả n, adressée en 1983 à Hà XuânTruong, qui était alors président de la Commission cen trale del’idéologie du Parti communiste vietnamien. Et aussi des pagesmanuscrites d’une écriture tremblotante du journaliste Hoàng Tùngenvoyées au magazine Nguoi Làm Báo. Des documents ordinaires pourcertains, mais «ô combien précieux» pour Minh Phan.
Les articles de journaux relatent les grands événements, alors quesouvenirs et objets retracent la vie de celui qui a couché les lignessur le papier. Parfois la petite histoire permet de mieux comprendrel’Histoire, celle avec un grand H. «La rencontre avec ces journalistesm’a laissé des souvenirs impérissables. Plus d’une fois, j’ai voulufaire quelque chose à leur sujet, mais je n’ai jamais su concrétisercette idée. Si j’avais eu plus de temps et le matériel suffisant, jeserais allé à leur rencontre pour les enregistrer, les filmer», regretteMinh Phan.
Les membres de l’Association desjournalistes de Hanoi sont tous conscients de l’importance de rassemblerce genre de documents. «Nous avons déjà pas mal d’objets comme des sacsà dos de journalistes qui ont couvert les champs de bataille, deshaut-parleurs, des magnétophones de la Radio et Télévision de Hanoiutilisés lors de la libération de la capitale en 1954, un filmdocumentaire sur feu le président de l’AJV, Xuân Thuy... Tout cela estprêt à être exposé au Musée de la presse», informe Viêm Hoàng,vice-président de l’Association des journalistes de Hanoi.
D’après lui, la collecte est un travail qui demande beaucoupd’attention, de précision et donc de professionnalisme. Et étant donnéque les journalistes qui ont couvert les années de guerre, périodeglorieuse de la presse nationale, sont au minimum quinquagénaires, cetravail ne doit pas tarder... «Auparavant, nous n’étions pas vraimentconscients de l’importance de garder des traces, et c’est bien dommage,de nombreux documents et objets sont perdus à jamais !», déplore lejournaliste Viêm Hoàng.
Pour Luu Vinh, rédacteur enchef adjoint du journal Công an nhân dân (Police populaire), il apparaît«indispensable» de mettre sur pied un musée dédié à la pressevietnamienne. Les journalistes ont toujours été aux côtés de la nation,pendant la guerre et après. Pendant les années de résistance, descentaines d’entre eux ont été tués sur les champs de bataille. La paixrevenue, ils ont grandement contribué à l’édification et à la défense dela Patrie. «Le musée de la presse, qui présentera l’histoire dujournalisme national et aussi les grandes figures de ce métier,permettra aux générations futures de mieux comprendre ce que fut lapresse nationale durant et après la guerre», considère le journalisteLuu Vinh.
Un point de vue partagé par Đào Hùng,rédacteur en chef adjoint de la revue Xua và Nay (Hier et Aujourd’hui),qui insiste aussi sur «la difficulté de collecter des documents sur lespremières années de la presse nationale». Selon lui, le musée devracomporter deux espaces, l’un consacré au journalisme et l’autre auxjournalistes. Le second réunira des témoignages audio-visuels ou écrits,ainsi que des objets personnels de ces hommes et femmes de l’ombre.
«L’histoire de la presse est très vaste, les documentssont abondants. Si l’on ne peut trouver des originaux, on devrarecourir à des copies et à des reproductions. Le Musée de la révolutiondu Vietnam, qui possède un bon atelier de restauration de documents,pourra nous aider le cas échéant», suggère le journaliste Đào Hùng. -AVI