Hanoi (VNA) – "Song Lang", premier long-métrage de Leon Lê, un Viêt kiêu des États-Unis, est récemment sorti en salle. Un succès qui en dit long sur l’amour du réalisateur pour le "cai luong" et son ambition de préserver cet art propre au Sud du Vietnam.
Leon Lê est rentré au Vietnam, dans son pays natal, il y a quelques années avec le désir de monter une pièce de "cai luong" (théâtre classique rénové). Un rêve qui ne fait pas l’unanimité de son entourage qui essaye de l’en dissuader car jugé trop risqué. Le jeune homme n’en démord pas. "Il s’agit d’un art scénique chantant que j’affectionne tout particulièrement depuis mon enfance. Je l’ai dans le sang", explique-t-il.
Originaire de Hô Chi Minh-Ville, où le cai luong était en vogue, le petit Leon Lê, alors âgé de 13 ans, a dû quitter le Vietnam avec sa famille pour les États-Unis. Ses parents ont choisi de s’y installer en espérant notamment que leur fils arrête de penser aux arts de la scène et de se rêver en comédien. "En effet, à l’époque, ma maison se situait tout près du théâtre Minh Châu où se produisaient souvent des pièces de cai luong . Je m’y rendais en cachette le soir, je me plaçais à la porte et regardais la scène à travers les trous sur le battant de la porte. Et bien sûr, je me faisais toujours réprimander par mes parents en rentrant…", se rappelle-t-il.
Sa famille n’était pas issue d’un milieu aisé, ainsi, rares étaient les fois où son père pouvait le conduire au Palais culturel des travailleurs du quartier pour voir une pièce complète. "Qu’à cela ne tienne. Les chants de cai luong ont depuis imprégné mon cœur et mon âme d’un amour infini pour cet art".
Des cassettes de cai luong en mémoire
En faisant ses valises pour le Vietnam, Leon Lê emporte un bagage particulier: une malle remplie de cassettes audio de "cai luong". Ces anciennes cassettes, il a pris soin de les réunir avant de quitter le Vietnam, et de les conserver précieusement toutes ces années durant, aux États-Unis. Dans ce pays d’accueil, Leon Lê choisit d’étudier les arts scéniques. Admis au Conservatoire de New York, il empoche le diplôme des arts musicaux de Broadway. À cette époque-là, il a 20 ans et déjà il s’est produit et a réalisé de nombreux spectacles aux États-Unis.
Cependant, la nostalgie et l’appel du pays sont plus forts et sont accentués par les mélodies incessantes de "cai luong" qui résonnent dans son cœur. Leon Lê décide donc de rentrer au bercail. Et ces vielles cassettes de cai luong serviront de matériaux et d’accessoires précieux pour la réalisation de son premier long-métrage: "Song Lang".
En effet, de retour au Vietnam, Leon Lê nourrit le rêve de monter lui-même une pièce scénique de cai luong d’origine, afin de faire revivre une tranche de la vie des habitants des années 1980. Et puis, après mûres réflexions, il prit une décision importante qui changea son destin: remplacer le projet scénique par un projet cinématographique. "Le cai luong a évolué et a bien changé de nos jours. Ainsi, monter une pièce chantante avec des airs d’origine serait une affaire aventureuse, risquée, mais surtout coûteuse, confie-t-il. J’ai ainsi décidé que mon futur long-métrage sera un film chantant, rythmé d’airs de cai luong , bien sûr".
Du théâtre chantant au film musical
Une fois sa décision prise, Leon Lê s’est immédiatement adonné à l’étude des techniques cinématographiques. "C’était une réelle chance que les scénaristes et cinéastes de renom Charlie Nguyên et Johnny Tri Nguyên, qui habitaient près de chez-moi, m’aient accordé leur aide précieuse", dit-il.
Dans le passé, Leon Lê avait d’ores et déjà écrit des scénarios, puis réalisé des courts-métrages, parmi lesquels "Dawn" (produit en 2013) et "Talking to my mother" (produit en 2015) qui ont tout deux fait parler d’eux.
En 2016, en collaboration avec l’écrivain Nguyên Thi Minh Ngoc, Leon Lê commence à concrétiser le projet de "Song Lang", son premier long-métrage. Le film prend vie peu à peu et s’achève début 2018. "Song Lang" raconte l’histoire d’un passionné de "cai luong" et d’un comédien d’une troupe de "cai luong" du Sud, dans un Vietnam des années 1980. Le film couvre de nombreuses notions qui définissent la vie humaine et laisse transparaître les tourments qui en découlent, le bien et le mal, les relations de cause à effet, le bonheur et le malheur, l’amour, etc. Le tout se reflète à travers des airs mélodieux de "cai luong" interprétés par des chanteurs professionnels. Il est cependant nécessaire de surligner la chose suivante: c’est Leon Lê lui-même qui a composé les paroles pour les airs de musique folkloriques présents dans le film.
Sorti en salle depuis le début de cette année, "Song Lang" a reçu de nombreux échos. "J’ai tellement aimé le film que je l’ai déjà vu deux fois. Il s’agit réellement d’un film musical réalisé dans les règles de l’art, que ce soit en termes de technique de tournage, de sens esthétique, de contenu... Sans oublier les paysages magnifiques", partage un expert critique du 7e art.
En ce qui concerne l’auteur, "avec Song Lang, je ne m’attends pas à révolutionner le monde musical du cinéma. Mon vœu est simplement de présenter aux spectateurs, étrangers notamment, un art chantant original du Vietnam. De faire revivre et d’être capable de préserver et de diffuser les airs anciens de cai luong ... Cela me remplit de bonheur", confie Leon Lê. – CVN/VNA