Hanoi (VNA) – Le site archéologique de Man Bac, province de Ninh Binh (Nord), vieux de près de 4.000 ans, constitue l’un des témoignages majeurs de la préhistoire vietnamienne. Entre sépultures, poteries et vestiges d’habitat, il éclaire la transition entre le néolithique final et l’âge du bronze.
La découverte du site Man Bac en mars 1998 a marqué un tournant pour l’archéologie vietnamienne. Le mont éponyme, en forme de croissant, encercle la vallée fermée de Thung Vung. Au pied de cette montagne, sur une zone plane et légèrement surélevée, des traces d’habitations préhistoriques ont été mises au jour. Depuis lors, Man Bac s’est imposé comme un site de référence incontournable pour l’étude de la préhistoire du pays.
La prof.-Dr Lâm Thi My Dung, de l’Université des sciences sociales et humaines relevant de l’Université nationale de Hanoi, souligne “l’immense valeur” de ce site, qui attire de nombreux scientifiques vietnamiens et internationaux. Depuis 1999, plusieurs campagnes de fouilles ont permis de découvrir une abondance de données : outils en pierre, poteries, restes d’animaux et de plantes. Parmi les découvertes majeures figurent 105 sépultures abritant 107 individus, attribuées à la fin de la période culturelle de Phùng Nguyên (entre 2.000 et 1.500 av. J.-C.) et au début de celle de Dông Dâu (entre 1.500-1.000 av. J.-C.).
Stratégies de conservation
“Ces découvertes apportent des preuves scientifiques et historiques essentielles à la compréhension des aspects économiques et socio-culturels des habitants de Man Bac, ainsi que des anciens Vietnamiens en général, durant la période pré-Dông Son (entre 2.000 et 4.000 ans av. J.-C.)”, explique Lâm Thi My Dung. Le site révèle une communauté préhistorique installée sur place durant une longue période, dotée d’une organisation sociale avancée et d’une remarquable maîtrise des ressources naturelles. Il incarne la phase de transition entre la culture du néolithique final et l’usage précoce du métal au début de l’âge du bronze dans le Nord.
Au-delà de son rôle dans la compréhension des origines des Viêt anciens, Man Bac se distingue par ses poteries, considérées comme les ancêtres de la célèbre céramique de Bô Bat. Elles attestent de l’existence d’une culture céramique florissante à Ninh Binh, devenue un pilier de la production préhistorique du Nord. “La poterie découverte ici revêt une importance non seulement pour la vie quotidienne, mais aussi pour la vie spirituelle des populations locales, reflétant leur perception du monde naturel à cette époque-là”, ajoute la spécialiste.
En 2017, sur la base de ces artefacts et données précieux, le site archéologique de Man Bac a été classé vestige provincial.
Afin de préserver et de valoriser ce patrimoine exceptionnel, la province de Ninh Binh a lancé des recherches sur une superficie de 196 m². L’objectif est d’analyser la nature de l’habitat, les relations entre les zones résidentielles et funéraires, et de conserver les strates culturelles grâce à une méthode d’enregistrement stratigraphique multidimen-sionnelle, constituant ainsi une base de données pour des études interdisciplinaires.
Le Dr Hoàng Van Diêp, de l’Université des sciences sociales et humaines, détaille les fouilles menées en 2025. Celles-ci ont mis en évidence trois strates culturelles distinctes, correspondant à deux phases de développement continues, dans une couche d’environ deux mètres d’épaisseur. Une grande diversité d’artefacts a été exhumée : objets en pierre, en céramique, os, coquillages, etc.
“Ces découvertes montrent que, pour s’adapter à leur environnement naturel, les anciens habitants de Ninh Binh ont fait preuve d’une grande capacité d’innovation. Ils maîtrisèrent très tôt les techniques de la céramique cuite, parmi les plus anciennes connues dans la région”, souligne-t-il.
Des fouilles à la mise en valeur touristique
La valorisation de la céramique de Bô Bat ouvre ainsi des perspectives pour restaurer un artisanat ancestral, l’intégrer au tourisme culturel et en faire des souvenirs prisés des visiteurs nationaux et internationaux.
Ninh Binh s’engage résolument dans cette voie. Des politiques prioritaires soutiennent ce village de céramique, avec des projets de restauration, de promotion des valeurs du patrimoine de Man Bac et de mise en réseau avec d’autres sites culturels provinciaux. L’objectif est d’attirer davantage de visiteurs tout en préservant cet héritage.
Après six campagnes de fouilles, “le site a livré une mine d’informations scientifiques sur les habitants préhistoriques de la région”, affirme Nguyên Cao Tân, directeur adjoint du Département provincial du tourisme. “Il s’agit d’une ressource précieuse qui peut être efficacement intégrée aux autres sites archéologiques de la province, notamment à celui du patrimoine mondial du complexe paysager de Tràng An”, poursuit-il.
Cette intégration pourrait donner naissance à un espace touristique original, explorant le passé lointain des peuples préhistoriques, leurs adaptations à l’environnement et leurs traditions culturelles. Elle offrirait ainsi à Ninh Binh une nouvelle orientation touristique. La province prépare par ailleurs un dossier de proposition pour le classement de Man Bac comme vestige national.
Le site ne se contente pas de raconter l’histoire : il appelle à une stratégie de conservation durable, associant recherche scientifique, sensibilisation des populations locales et tourisme responsable. – CVN/VNA