Le jumelage entre villages, une richesse culturelle du delta du fleuve Rouge
Phúc Linh et Hương Câu sont deux villages
d’une même commune, Hương Lâm, dans la province de Bắc Giang. Ils se
trouvent à 5km l’un de l’autre. Aucun habitant n’est en mesure de dire
précisément à quand remonte le jumelage entre les deux villages. Mais
les légendes foisonnent, comme celle que nous raconte Tạ Đăng Thịnh, un
aîné du village de Phúc Linh:
«A l’époque féodale, cette
région était peu habitée. C’est avant tout pour faciliter la production
et pour se protéger des agresseurs et des catastrophes naturelles que
les villages du delta du Fleuve Rouge ont spontanément établi des
jumelages. Cette coutume, appelée «kết chạ», consiste donc à créer des
villages jumeaux qui s’entraident pour faire face à toutes les
difficultés.»
Dans les années 1980, le village de Phúc
Linh décida de construire un nouveau chemin. Un matin, les villageois, à
peine réveillés, furent surpris de voir que tout ce qui était
nécessaire à la construction du chemin était déjà là. Tạ Văn Thuỷ a
témoigné de cet événement:
«Les villageois de Hương Câu
nous avaient amené des cailloux pour la construction du nouveau tracé.
Ils l’avaient fait en pleine nuit, à notre insu. Une fois réveillés,
nous avons réalisé que quelqu’un avait fait venir des cailloux, disposés
en tas depuis la maison communale jusqu’à l’entrée du village. C’était
comme un miracle!»
Quand on s’adresse aux villageois de
Hương Câu, tous nous disent, comme s’il s’agissait d’une évidence, que
leurs «frères jumeaux» de Phúc Linh les aident aussi volontiers, et ce
en toutes circonstances. Hoàng Văn Lịch est président du comité
populaire de la commune de Hương Lâm, celle qui abrite ces deux
villages: «Autrefois, pour les travaux champêtres, on devait utiliser
des écopes pour puiser l’eau. Et lorsque les habitants d’un village
devaient puiser de l’eau dans une rizière, ceux de l’autre venaient
aussitôt leur donner un coup de main. Certains amenaient des buffles
pour labourer le champ, d’autres aidaient au repiquage du riz. C’était
très efficace.»
La maison communale de Hương Câu est le
fruit d’une remarquable architecture traditionnelle. Au début des années
2000, elle était à ce point endommagée que les habitants ont décidé de
la restaurer. Lors des préparatifs, tout avait été prévu par les
villageois, si ce n’est... les plans de leurs «frères jumeaux» de Phúc
Linh bien décidés à les aider. Dans la nuit, toutes les tuiles
nécessaires avaient été acheminées sur le site. Phúc Linh a d’ailleurs
continué à fournir de la main-d’œuvre volontaire à Hương Câu jusqu’à la
dernière touche des travaux de restauration. Ngô Văn Kiên, un villageois
de Phuc Linh, se souvient:
«Lorsqu’on a appris que
Hương Câu voulait restaurer sa maison communale, tous les habitants de
Phúc Linh ont contribué aux travaux, notamment en y apportant des
tuiles. On les a transportées avec nos propres véhicules, selon les
moyens de chacun.»
Unis par le jumelage, les habitants
des deux villages se considèrent comme faisant partie d’une même
fratrie. Quand les uns sont en difficulté, les autres leur viennent en
aide, sans la moindre hésitation. Hương Câu appelle Phúc Linh
«grand-frère», en retour Phúc Linh qualifie également son voisin de
«grand-frère». Cependant, cette question de hiérarchie est sans
importance, c’est avant tout une marque de respect qu’un village adresse
à son jumeau.
Cette tradition millénaire s’est
conservée malgré la vie moderne. Dans le delta du fleuve Rouge, on
compte encore aujourd’hui plusieurs «couples» de villages jumelés. C’est
le cas de Hoàng Mai et Mai Vũ du district de Việt Yên, dans la province
de Bắc Giang, Trâu Lỗ et Kim Lũ du district de Sóc Sơn, en banlieue de
Hanoï, et bon nombre d’autres villages de la province de Bắc Ninh. -VOV/VNA