Du haut de ses quelques 89 printemps, Alang Avel est le seul de sa région à tout savoir, ou presque, sur les instruments de musique traditionnels de sa minorité ethnique Co Tu. Il est devenu un symbole dans son village de Tà Làng, (province de Quang Nam, Centre).

En dépit de son âge avancé, Alang Avel est encore assez sagace : «Voici la flûte, le tambour, l’instrument à corde... » , ainsi nous a t-il présenté tous les instruments qu'il avait fabriqué depuis plus de 70 ans.

De fait, il connaît sur le bout des doigts les instruments de musique traditionnels des Co Tu tels que la flûte, le Ahen, le Ta rel, le Tuôt, ou le Catool Areng. «J'ai commencé à apprendre à confectionner mes propres instruments à l’âge de 10 ans, après avoir entendu le son de la flûte de mon grand-père» , raconte-t-il.

En fait, ce dernier était connu pour la fabrication d’instruments de musique Co Tu, et a transmis ce savoir-faire à son petit-fils. C'est ainsi que notre homme a crée son premier chef d'oeuvre : une flûte Abel. Un instrument qui l'accompagne encore aujourd'hui lors des festivités Co Tu du district de Tây Giang. 

Mais selon lui, les deux instruments les plus populaires encore aujourd'hui chez les Co Tu, sont l'Apel et l'Atoong. Ce dernier est un instrument à cordes surprenant, composé de sept barres en bois léger d'environ un mètre de long, 20 cm de large et 3 cm d'épaisseur. Il émet un son qui ressemble aux gazouillements que l'on entend parfois dans la forêt. L’Apel, quant à lui, est semblable au dan nhi de l’ethnie Kinh (un violon à deux cordes). Il est empreint de romantisme et séduit souvent les amoureux.
C'est d'ailleurs ainsi que notre octogénaire a en partie réussi à conquérir sa belle, il y a des années, lui qui profitait des soirs de pleine lune pour jouer de l'Abel et de l’Apel. « Ces instruments séduisaient beaucoup de villageois, surtout les jeunes filles. J'adorais le son de la flûte Abel d’Alang », nous a commenté Trieng Te, son épouse.

Selon Brui Liêc, secrétaire de l’organisation du Parti du district de Tây Giang, «afin de protéger la musique traditionnelle des Co Tu, nous avons enregistré certains morceaux, et avons mis par écrit les étapes de fabrication utilisées par Alang Avel. Le but étant de les transmettre à la génération suivante.»

Aujourd'hui, au coeur des montagnes et des forêts de la cordillère Truong Son, les airs des instruments Co Tu rythment toujours la vie quotidienne de ses habitants. – AVI