Cinquante-deux ans se sont écoulés depuis le largage, par l’armée américaine, de milliers de tonnes d’agent orange sur le Vietnam. Contenant de la dioxine, l’agent orange, détériore tant l’environnement que la vie humaine. Plusieurs millions de Vietnamiens en souffrent encore. Reportage de la Voix du Vietnam.

Il y a 10 ans, l’Association des victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine (VAVA) a déposé une plainte contre 37 compagnies chimiques américaines ayant produit cette substance, afin de rendre justice à ces victimes. Leur combat se poursuit encore aujourd’hui.

Le Vietnam compte plus de 3 millions de personnes atteintes d’au moins une maladie liée à la dioxine. Nombre d’entre elles ont donné naissance à des enfants malformés et toutes vivent dans des situations extrêmement difficiles. Des milliers de personnes sont mortes, des milliers d’autres se sont vu priver du droit à la procréation, et autant de nouveaux-nés, du droit à la vie.

Obstétricienne chevronnée ayant travaillé pendant une quarantaine d’années à l’hôpital Tu Du, à Hô Chi Minh-Ville, la doctoresse Nguyen Thi Ngoc Phuong a assisté, dès 1965, à la naissance des premiers enfants contaminés par la dioxine. La majorité était des êtres congénitalement malformés, sans cerveau, sans yeux, sans bras ni jambes... ou des siamois. Ces images terribles l’ont obsédée à tel point qu’elle a décidé de s’engager dans la lutte pour la justice des victimes de l’agent orange. Depuis 1987, elle se rend dans différents congrès internationaux de médecine pour présenter la situation des victimes vietnamiennes.


La doctoresse Nguyen Thi Ngoc Phuong

Récemment, Nguyen Thi Ngoc Phuong a pu parler à des parlementaires, étudiants et professeurs américains. Ses témoignages les ont profondément touchés. Elle raconte : « À l’Université de Washington, un professeur m’a dit : « Doctoresse, j’ai vraiment honte et me sens humilié de voir à quel point le gouvernement américain a causé du tort à la population vietnamienne. Que devons-nous faire maintenant pour réparer en partie nos péchés ? ». Vous voyez, il est clair que les Américains en général nous soutiennent. Les anciens combattants américains ont eux-mêmes porté plainte contre les firmes chimiques impliquées. C’est pourquoi notre procès bénéficie de leur soutien total. »

Engagé dès le début dans la lutte pour la justice des victimes vietnamiennes de la dioxine, le professeur et juriste Luu Van Dat, l’un des 4 avocats de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, nous donne les analyses suivantes : en dépit de l’évidence des conséquences de l’agent orange, il n’est pas facile d’obliger les firmes chimiques américaines à dédommager les Vietnamiens. Ce procès dure longtemps puisqu’il concerne la guerre au Vietnam et la responsabilité des Etats-Unis. C’est un procès sans précédent dans le monde. La partie mise en cause comprend des groupes économiques ultrapuissants. Cependant, le Vietnam jouit de certains avantages. Plusieurs avocats performants lui ont offert leur aide, et ce sans toucher le moindre frais.

L’avocat Luu Van Dat explique : « Tant que justice ne sera pas faite, la lutte continuera. Je veux vous dire que dans un avenir proche, il pourrait y avoir de nouveaux procès civils intentés par les victimes vietnamiennes de l’agent orange. Nous nous dirigeons vers le succès. J’espère que bientôt, les compagnies chimiques américaines comprendront le problème, seront moins obstinées et accepteront soit d’obéir au tribunal, soit de négocier le règlement du dossier avec le Vietnam . »

Entre 1967-1968, plusieurs scientifiques américains ont confirmé à leur président que l’agent orange contenait de la dioxine. Les organisations non gouvernementales dans le monde n’ont pas tardé à condamner le largage de l’agent orange au Vietnam, en appelant le gouvernement et les producteurs chimiques américains à dédommager les Vietnamiens. Le Conseil mondial de la Paix a décrété le 10 août comme « journée pour les victimes vietnamiennes de l’agent orange ». Une bonne quarantaine de partis communistes dans le monde ont publié des résolutions exhortant le gouvernement américain à endosser sa responsabilité vis-à-vis des Vietnamiens. Le général Nguyen Van Rinh, président de l’Association des victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine en est convaincu : avec le soutien des peuples épris de justice dans le monde, la lutte des victimes vietnamiennes aboutira.

« Notre premier objectif est de persévérer dans cette lutte pour la justice, pour réclamer l’égalité dans le traitement des victimes de l’agent orange, dit-il. Nous demandons à ce que les victimes vietnamiennes soient indemnisées de la même façon que les victimes américaines et sud-coréennes, qui ont déjà reçu des dédommagements de la part des compagnies chimiques américaines. Deuxièmement, nous exhortons le gouvernement et les producteurs chimiques américains à dépolluer l’environnement. Enfin, nous appelons les compagnies américaines à apporter des aides humanitaires aux victimes vietnamiennes de l’agent orange. »

L’agent orange/dioxine a eu des impacts sur la troisième, voire la quatrième génération de bon nombre de familles vietnamiennes. Et tant que justice ne sera pas faite, les victimes et leurs compagnons de combat ne s’arrêteront pas. – VNA