En 2010, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de France et l’Institut vietnamien de chimie industrielle (VIIC) ont collaboré sur un projet ayant abouti à la création d’une méthode originale de préparation d’un biosolvant. Il devrait être prochainement produit à grande échelle.

Au Vietnam, le besoin en solvant est important, il est estimé à plusieurs centaines de milliers de tonnes par an. Cependant, le pays en importe la totalité. En parallèle, l’Union européenne est de plus en plus restrictive vis-à-vis des nombreux solvants nocifs toujours utilisés dans l’industrie. Face à ce constat, les scientifiques du Laboratoire prioritaire en technologie de raffinage et de pétrochimie (relevant du VIIC) et l’Institut de recherche sur la catalyse et l’environnement du CNRS ont décidé de coopérer afin d’élaborer un solvant original, non pas d’origine fossile, mais d’origine végétale. Un choix stratégique important alors que de plus en plus d’industriels de la chimie traditionnelle se tournent vers les produits biosourcés.

Après deux ans de travail, les chercheurs ont mis au point un nouveau procédé permettant de préparer un biosolvant inédit à base de lactate d’éthyle et d’ester méthylique d’huile végétale, tous deux issus de matières premières renouvelables. Il est utilisable dans le nettoyage industriel, la peinture, l’imprimerie mais aussi dans la cosmétique. Les avantages de ce nouveau produit sont considérables, il est respectueux de l’environnement et de ses utilisateurs, il peut être entièrement produit à partir de déchets végétaux et cela, dans les conditions douces, avec des équipements standards et compacts pouvant notamment être fabriqués au Vietnam. Les deux parties ont d’ailleurs déposé en 2010 un brevet pour leur innovation. «Elle est ainsi protégée aux États-Unis, en Europe, au Brésil et au Vietnam», indique la Dr Vu Thi Thu Hà, directrice adjointe du VIIC et directrice du Laboratoire prioritaire en technologie de raffinage et de pétrochimie.

Le projet est par ailleurs apprécié par le ministre vietnamien des Sciences et des Technologies, Nguyên Quân. « C’est un programme réussi avec des résultats concrets . Les scientifiques des deux pays ont bien coopéré du début à la fin. Les frais de dépôt de brevet coûtent cher, la moitié a été financée par la France », déclare le ministre.

100.000 litres de biosolvants par an


Les premières applications ayant rencontré le succès escompté, les scientifiques français et vietnamiens souhaitent maintenant déployer le projet à grande échelle dans les deux pays, en produisant dans un premier temps, 100.000 litres de biosolvants par an. Un programme d’envergure pour ces pays qui expérimenteront ce nouveau produit en avant-première mondiale. Un symbole important pour le Vietnam qui peine encore à s’engager dans la protection de l’environnement.

Afin de le mettre en œuvre, des experts français analysent actuellement et depuis plusieurs années les marchés vietnamiens et européens. « L’objectif de notre travail est de mesurer la faisabilité du projet, de préparer les infrastructures ainsi que de réunir toutes les conditions au bon déroulement du projet , indique Eddie Essayem, membre du programme qui travaille avec les deux parties. Nous évaluons soigneusement les impacts du projet, tant sur les aspects économiques, environnementaux que structurels, pour la filière chimie du végétale».

Par ailleurs, les scientifiques du VIIC et du CNRS prévoient de réaliser une autre série de projets expérimentaux et pré-industriels afin de parfaire la maîtrise de ce solvant.

Formation professionnelle

« L’accord-cadre de coopération entre le CNRS et le VIIC a été signé en 2003. Selon ce texte, la partie française doit aider les scientifiques vietnamiens à construire un laboratoire national de raffinage et de pétrochimie, et à former son personnel », souligne le Docteur Vu Thi Thu Hà, directrice adjointe du VIIC et directrice du Laboratoire prioritaire en technologie de raffinage et de pétrochimie.

Dans le cadre de cette coopération, trois formations thématiques ont eu lieu au Vietnam, animées par des professeurs français, et réunissant 180 chercheurs, enseignants universitaires et thésards. Trois docteurs et deux Masters du VIIC ont également été formés en France. Sans parler des stages d’études et des visites de travail de nombreux experts vietnamiens dans l’Hexagone. Selon Nadine Essayem, directrice de recherche à l’Institut de recherche sur la catalyse et l’environnement du CNRS, co-auteur du brevet, «les scientifiques vietnamiens sont hautement qualifiés et bien équipés. Ils peuvent mener les recherches nécessaires et également assurer l’ensemble de la production et de la commercialisation».

Pour conclure, l’un des piliers de ce programme, la Dr Vu Thi Thu Hà, a déclaré : «Il s’agit d’une des coopérations les plus réussies du VIIC. Elle nous ouvre une nouvelle porte sur le domaine des sciences et des technologies à l’international, nous donne l’opportunité d’accéder à des techniques de nouvelle génération, et améliore de manière générale le niveau de notre centre et donc sa crédibilité». – VNA