Des chaises et tabourets en plastique installés sur le trottoir, la gargote de M me Thanh à Hô Chi Minh-Ville est bondée de touristes étrangers le midi. Sa réputation provient d’un menu proposant de plats à base de nouilles que tout gastronome digne de ce nom se doit de découvrir.

Il est midi, trois motos Minsk s’arrêtent dans un angle de la rue Truong Sa (1 er arrondissement de Hô Chi Minh-Ville). Cinq Tây ba lô (le surnom que donnent souvent affectueusement les Vietnamiens aux touristes et routards occidentaux) scrutent les environs, ayant l’air de chercher quelque chose. Soudain, l’un d’eux s’écrie et pointe du doigt, derrière lui : « I found it, Lunch Lady is here ! » (Je l’ai trouvé, Lunch Lady est là !).

À quelques mètres de là, sur le trottoir, des tables et tabourets en plastique rouges vifs trônent au pied d’un grand badamier, dont l’ombre est plus que la bienvenue par cette chaleur. Derrière le comptoir protégé par une vitre, une femme de forte corpulence tient des bols en main. Pas de doute, on est bien chez Lunch Lady, au 23, rue Hoàng Sa. Le store qui sert de devanture le confirme.

Les cinq Tây ba lô sont invités par la patronne à s’asseoir. À la table d’à côté, un groupe de Viêt kiêu (Vietnamiens d’outre-mer), dans l’attente d’être servis, conversent à l’italienne. Pourquoi Lunch Lady ? Ce nom anglais a en fait été donné par le «Roi de la gastronomie mondiale», Anthony Bourdain, qui y a déjeuné lors de sa visite à Hô Chi Minh-Ville. Depuis, cette petite auberge, qui propose une carte variée de plats à base de nouilles, accueille chaque midi toute une flopée de touristes étrangers et de Viêt kiêu. Et force est de constater que la qualité est au rendez-vous.

Vous ne serez pas déçus !

Serviettes main gauche, baguettes main droite, David Kagawa hume avec délectation son grand bol de Bun bo Huê (vermicelles au bœuf sauté à la huéenne), avant d’entrer dans le vif du sujet. Puis, entre deux bouchées, ce touriste américain nous dit, l’air amusé : « Il y a trois choses à ne pas manquer lors d’une virée à Saigon : marchander au marché de Bên Thành, traverser les rues aux heures de pointe, et manger chez Lunch Lady. Ce dernier m’a servi le meilleur +bun+ que j’ai jamais mangé au Vietnam ».

Tous les jours, de 11h00 à 14h00, l’auberge accueille de nombreux clients, pour la plupart des touristes étrangers. Et le week-end, l’établissement peut servir plusieurs centaines de couverts, même s’il n’y a qu’une vingtaine de tables à disposition.

Accompagné de deux amis, Taylor Buser, un Australien enseignant l’anglais à Saigon depuis un an, déclare : « Avant de venir au Vietnam, j’ai vu Lunch Lady sur l’émission télévisée +No Reservations+ sur la chaîne Travel Channel. Je me demandais quel était le secret de ses recettes si appétissantes ? Maintenant, j’y vais tous les deux jours avec des amis ».

N’espérez pas trouver un lieu cossu et climatisé. Ici, on est en plein air, avec les bruits de la rue qui vont avec. Mais c’est aussi ce qui fait son charme. « Vous avez besoin d’un climatiseur? C’est lui, ce grand badamier, indique Kathryn Sparks, touriste britannique. J’adore manger en regardant le soleil à travers le feuillage, en sentant le vent lécher délicatement mon visage dans ce doux capharnaüm ».

Cette adresse n’est pas l’apanage des touristes étrangers, les Viêt kiêu , on l’a vu, y viennent aussi nombreux. Michelle Wang, Viêt kiêu de Singapour, se déplace près de la cuisine pour immortaliser la grande marmite d’eau qui bout à gros bouillons. « À Singapour, je ne mange qu’au Foodcourt (petits «boui-boui» qui font des nouilles sautées le plus souvent végétariennes ou avec un peu de poulet, ndlr). Mais ces images populaires ont disparu depuis des lustres ! », regrette-t-elle.

Qui gère Lunch Lady ?

Pourquoi Lunch Lady est-il si attractif ? La réponse réside dans son menu de plats vietnamiens tous plus succulents les uns que les autres, dans le savoir-faire mais aussi dans la gentillesse de sa patronne à la bouille impayable.

Chapeau conique vissé sur la tête, M me Thanh ne chôme pas. Elle hache la viande, dispose les nouilles ou vermicelles dans les bols en un éclair et, ceci fait, part servir les clients pour converser avec eux, leur demander leurs impressions sur les mets, et même s’excuser, à l’heure du «coup de feu», de devoir les faire patienter un moment. Le tout en anglais ou en allemand s’il-vous-plaît !

Cela fait maintenant 15 ans que M me Thanh, parée de son indéfectible sourire, tient son resto. Et elle change le menu tous les jours. M me Thanh et son auberge ont été présentées dans l’émission télévisée de découverte de la gastronomie et de la culture No Reservations, de l’Américain Anthony Michael (Tony) Bourdain. Un coup de pub fantastique pour Lunch Lady, qui a fait ensuite l’objet de nombreux articles dans les colonnes de journaux et magazines étrangers aussi prestigieux que The New York Times, The Sydney Morning Herald ou encore AsiaLIFE . Mais un succès amplement mérité ! – AVI