Créé en 1996 à Hanoi, le Centre de réadaptation et de formation professionnel pour jeunes aveugles offre logement, formations, emploi et activités culturelles aux adultes exclus du monde du travail. Un point de chute par défaut, faute de mieux.

Le marché de l’emploi reste peu ouvert à l’embauche de personnes à mobilité réduite, et le Vietnam ne fait pas exception, bien au contraire. Dans le pays, le handicap renvoie une image des plus négatives, empreinte de pitié. D’où la difficulté de séduire les employeurs. C’est dans cette optique qu’il y a 17 ans, un docteur de physique a décidé d’ouvrir un centre, apportant un appui professionnel, social et culturel aux adultes malvoyants. Il propose un enseignement pratique en massage et en informatique, ainsi que sauna, massages et cours de gym à destination du grand public. Cet établissement jouxte l’école Nguyên Dinh Chiêu, qui accueille des enfants malvoyants et voyants, dans le quartier Hai Ba Trung.

Pour une vie meilleure

Aujourd’hui, dix jeunes entre 24 et 34 ans vivent dans une pièce unique, dans le bâtiment principal de l’établissement. Parmi eux, sept pratiquent les massages : des séances d’une heure pour la somme dérisoire de 70.000 dôngs, dont une moitié revient à la structure et l’autre moitié au résident. «Le centre ne vit que des massages et des cours de gym, il est donc difficile de s’en sortir. On ne reçoit aucune autre aide. Le seul soutien du gouvernement est le prêt des locaux», indique Trinh, 30 ans, qui habite les lieux depuis sept ans. «Je viens de la province de Hung Yên, au sud-est de Hanoi. J’ai étudié à l’Université d’économie et de droit mais j’ai dû gagner ma vie et je me suis installée ici pour faire des massages. Je n’aime pas cet emploi, je suis petite et c’est dur physiquement. J’ai donc repris les cours et j’étudie le week-end. Une amie vient également trois fois par semaine m’enseigner l’anglais. Par la suite, j’aimerais retourner dans ma région pour venir en aide aux non-voyants. Ils y sont nombreux».

De fait, les jeunes installés ici considèrent plutôt cet endroit comme un tremplin en attendant de trouver un emploi plus rémunérateur. S’ils y arrivent. La plupart ont étudié à l’école pour malvoyants qui jouxte le centre et prennent, comme Trinh, des cours le week-end en parallèle de leur travail de masseur. Un extra qui a un coût. Vui a 26 ans et vient de la province de Bac Ninh, à 20km de la capitale. Elle souhaite s’inscrire à l’université en septembre pour perfectionner son anglais. «J’aimerais être traductrice», nous explique-t-elle dans un anglais moyen mais bien meilleur que certains de ses camarades. Il est vrai que même si ces jeunes se soutiennent mutuellement - et on sait combien l’aspect communautaire compte pour les Vietnamiens -, le confort sur place est plus que rudimentaire, et ils aspirent simplement à une meilleure qualité de vie et à fonder une famille.

Les activités du centre


Une fois par semaine, les jeunes résidents répètent des chansons dans plusieurs langues. Leur chorale Espoir se produit lors des évènements officiels.   

L’entrée du centre est peu accueillante car mal agencée et quelque peu délabrée. Toutefois, les membres ont installé des salles de massage propres et confortables. Même si ces dernières restent très modestes, à l’image des moyens dont dispose l’établissement. Les séances sont axées sur la circulation du sang. Les masseurs n’utilisant que le toucher, ils perçoivent plus distinctement les points sur lesquels il est nécessaire d’appuyer pour le maximum de résultat. Une compétence que n’ont pas les voyants et qui constitue pour eux un véritable atout. Encore faut-il trouver un employeur dépourvu de préjugés.

Les cours de sport de leur côté ne sont pas dispensés par des non-voyants. Il s’agit de gymnastique intégrale traditionnelle (GIT) : gymnastique musculaire et articulaire (souple et relaxante), des organes internes (techniques de respiration et de mouvements internes), et du cerveau (libération du stress et de la fatigue, relaxation et méditation). Des séances ouvertes au grand public qui aident le centre à subvenir à ses besoins.

Enfin, depuis une dizaine d’années, la majorité des résidents, hommes et femmes, sont membres d’une chorale baptisée Espoir et d’un orchestre d’instruments traditionnels vietnamiens, et répètent chaque semaine dans une petite pièce du bâtiment central où est installé un piano. Se produisant régulièrement lors des évènements officiels et notamment les fêtes nationales étrangères, Espoir est désormais reconnue des institutions locales et internationales, même si elle reçoit rarement de cachet. Un moyen donc de sortir de l’ombre pour certains, et d’exister en tant qu’artiste pour d’autres, comme Thanh, 22 ans, qui étudie la cithare à 16 cordes au Conservatoire de musique de Hanoi, comme trois de ses camarades. De là à devenir professionnel, le chemin est encore long, et l’espoir est mince. Pourtant, certains membres de la chorale n’habitent pas dans les locaux du centre, ils ont trouvé un emploi dans la comptabilité ou l’accueil. En attendant donc que le marché de l’emploi daigne les accepter, ceux qui résident ici tentent de s’en sortir avec ce qu’ils ont dans les mains et dans la voix. – VNA