Tang Ba Hoành sur les traces de la céramique de Chu Dâu
Les gens le surnomment l’«homme bizarre des anciens tombeaux»,
puisque chaque tombeau que l’archéologue Ba Hoành étudie révèle ses
secrets.
Un archéologue autodidacte
Tang Ba Hoành
est attaché à l’archéologie depuis plus de 40 ans. Chose surprenante,
cet homme n’a suivi aucune formation particulière. Esprit curieux de
nature, autodidacte comme il n’en existe plus guère, il va au fond des
choses quant un sujet le passionne.
Le petit Hoành a quitté
l’école tôt en raison de conditions familiales difficiles. Mais, sa
passion pour les études était telle qu’en plus d’aider ses parents, le
gamin se plongeait dans les livres. Il a même réussi l’exploit de
réussir le bac sans aller à l’école et a appris tout seul les caractères
chinois et le français !
À l’âge adulte, le jeune Hoành a, en
même temps, travaillé et fait des études à l’École secondaire du
travail, des invalides de guerres et des affaires sociales. Il est
devenu en 1968 gardien des dépôts du Musée de la province de Hai Duong.
Là, il a constaté que l’histoire vietnamienne cachait de nombreux
secrets. Pour les dévoiler, il fallait des connaissances sur l’histoire
et les caractères chinois. Donc, après ses heures de travail, il s’est
plongé dans les livres.
C’est par passion pour l’archéologie
qu’en 1974 M.Hoành a tenté et réussi le concours d’entrée au
Département d’histoire de l’Université des sciences sociales et
humaines. En avril 1979, il a mené sa première fouille à Côn Son
(district de Chi Linh, province de Hai Duong). «J’ai choisi Côn Son car
on y dénombre de nombreux vestiges liés à des hommes célèbres du pays
comme Nguyên Trai, Trân Nguyên Han, Phap Loa», dit-il. Il ajoute que le
professeur Pham Huy Thông, historien renommé, a hautement apprécié son
travail de 40 jours et lui a réservé la moitié d’une journée pour le
présenter lors d’un colloque à Hanoi. Ces fouilles ont véritablement
lancé sa carrière.
Le mystère des céramiques
Pour
l’archéologue Tang Ba Hoành, chaque fouille est un problème de
mathématiques qu’il faut résoudre par tous les moyens. En plus de 40 ans
de carrière, il a consacré 20 ans à la céramique vietnamienne, dont
celle de Chu Dâu caractérisée par un émail blanc et des motifs
ornementaux bleues (d’où son nom de «céramique bleue et blanche» ou
céramique hoa lam ).
En 1983, plus de 40 musées dans le
monde conservaient ces céramiques. Leur origine est longtemps demeurée
incertaine. Certains experts étrangers pensaient qu’elles venaient du
village de Bat Tràng (en banlieue de Hanoi, Vietnam), d’autres de
Chine...
Le musée de Topkapi Saray, à Istanbul (Turquie), expose
une jarre en céramique bleue et blanche sur laquelle est inscrite le
nom de Bùi Thi Hy. Dans les années 1980, Makoto Anabuki, premier
secrétaire de l'ambassade du Japon au Vietnam de l'époque, a visité ce
musée. Sur l’une d’entre elle, il a noté une inscription en caractères
sino-vietnamiens ( nôm ), traduite par R. L. Hobson en 1933, indiquant :
"Peint par la potière Bùi Thi Hy", dans la 8 e année de l'ère Thai Hoà
(période des Lê postérieurs, équivalent à 1442-1459), dans le district
de Thanh Lam (aujourd'hui un village de la province de Hai Duong, 50 km
au sud-est de Hanoi). Makoto Anabuki en a informé le secrétaire de
l’organisation du Parti de la province de Hai Duong via une lettre.
«Cette lettre nous a permis de remonter au village de Chu Dâu, où vécu
cette potière, et ainsi de déterminer que l’origine de la céramique +hoa
lam+ est ce village, et non Bat Tràng ou la Chine», partage M. Hoành,
directeur du Musée de Hai Duong.
Une potière talentueuse
L'histoire de l'auteur de la jarre multiséculaire a été découverte par
l’archéologue Tang Ba Hoành. Lors de fouilles menées en novembre 2011
dans la commune de Quang Tiên (commune de Dông Quang (district de Gia
Lôc, province de Hai Duong), sur les terrains de la famille de Bùi Van
Loi, il a découvert de nombreuses pièces de Bùi Thi Hy.
Cette
potière (autre nom : Vong Nguyêt) est née en 1420 au village de Quang
Anh (Quang Tiên aujourd'hui, commune de Dông Quang, district de Gia
Lôc). Issue d'une famille d’intellectuels - son père Bùi Dinh Nghia,
était mandarin à la cour, son grand-père Bùi Quôc Hung général-, Bùi Thi
Hy est une femme lettrée et douée pour la peinture. Elle s'est mariée
avec Dang Sy, patron d'une manufacture de céramique du village de Chu
Dâu, district de Thanh Lâm.
L'artisane avait un talent
extraordinaire pour fabriquer des jarres en céramique. En 1452, elle et
son mari reviennent à son village natal de Quang Anh pour aider son
frère à fonder un atelier. Leurs produits sont exportés vers la Chine,
le Japon et les pays occidentaux. La céramiste Bùi Thi Hy n'a pas eu
d'enfant et elle est décédée dans son village natal en 1499, à l'âge de
80 ans. L'histoire de cette fameuse artisane apparaît dans le registre
familial de la lignée Bùi. – VNA