Mer Orientale: le marchand chinois de fables est passé
Voici l'article de l ’ambassadeur Nguyên Tât Thành publié dans le journal Matichon daté du 7 juillet.
Le 23 juin 2014, l'ambassadeur Ning Fukui s’est exprimé dans
le journal Matichon sur la question de la Mer de Chine
méridionale – appelé "Mer Orientale" par le Vietnam. Afin de mieux
informer le public de cette question, je tiens à présenter ici
certains faits et informations pour aider les lecteurs du
quotidien à avoir une évaluation plus complète de ce "Qui est
le fauteur de troubles en Mer de Chine méridionale?"
Premièrement, l'information utilisée par l’ambassadeur Ning
dans son article pour faire valoir que le Vietnam a " perturbé"
les activités de la Chine était, en fait, copiée d'un
article publié le 8 juin 2014 sur le site Web du ministère
chinois des Affaires étrangères. Cependant je remarque que le
représentant du ministère chinois des Affaires étrangères n'a pas
pu avancer une moindre preuve convaincante et impartiale pour
soutenir les points de vue présentés dans cet article ainsi que
dans d'autres conférences de presse. Dans cette ère de
l'information il ne serait pas difficile pour les lecteurs
thaïlandais de vérifier toutes les informations à partir de
sources publiques et impartiales et de savoir la vérité
derrière les déclarations de l'ambassadeur Ning.
En fait, l'installation illégale par la Chine de sa
plate-forme pétrolière ainsi que les actions inhumaines et
agressives de ses navires d'escorte ont été entièrement couverts
par de nombreux médias régionaux et internationaux. Les commentateurs, universitaires et politiciens sont tous d'avis que les
actions inilatérales et provoquantes, contraires au droit
international et à la Déclaration sur la conduite des parties en
Mer Orientale ( DOC) ont provoqué la tension actuelle.
Deuxièmement, je ne peux pas être d'accord avec le point de vue de
l'ambassadeur Ning selon lequel le gouvernement chinois aurait toujours
exercé sa souveraineté continue et légitime sur l'archipel de Hoàng Sa
(Paracel) depuis le milieu du Xe siècle. Ce point de vue est non
seulement en contradiction avec l'histoire, mais aussi entièrement dénué
de base juridique.
Le Vietnam possède
suffisamment de preuves historiques et juridiques pour prouver sa
souveraineté sur l'archipel de Hoàng Sa. Le Vietnam était le
premier pays à occuper et à exercer sa souveraineté de manière
continue et pacifique sur l'archipel de Hoàng Sa, au moins
depuis le XVIIe e siècle , lorsque ce territoire était terra
nullius. Les rois Nguyên du Vietnam ont aussi créé des milices
connues comme la flotille de Hoàng Sa, pour administrer et
développer cet archipel. La flotille de Hoàng Sa était chargée de se
rendre tous les ans à Hoàng Sa pour exploiter les ressources naturelles,
d'effectuer des enquêtes , planter des arbres, ériger des monuments, construire des pagodes, porter assistance aux navires hauturiers,
etc. Toutes ces activités sont notées dans les documents officiels.
Je tiens à souligner qu'il y avait
des contradictions avec l'histoire dans les déclarations de
l'ambassadeur Ning. Autant que je sache, en 1898, lorsque les
propriétaires des navires Bellona et Himeji Maru ont demandé
aux autorités chinoises des dédommagements comme les pêcheurs chinois
ont pillé ces navires quand ils s’étaient échoués à Hoàng Sa , le
vice-roi de Guangdong a déclaré que l’archipel de Hoàng Sa
Paracels était terra nullius, qu'il n'appartenait pas à la Chine, et qu'il n'avait rien à voir avec aucun district de Hainan sur
le plan administratif et nulle autorité spéciale n'était chargée de
leur police. C ela est compréhensible parce que pendant une longue
période dans l'histoire, les dynasties Ming et Qing avaient suivi la
politique de "Haijin", affichant leur profonde préoccupation
pour les menaces maritimes plutôt qu'un désir de s'éloigner du
continent et de maîtriser la mer.
Sur la base de
cette pensée chinoise en ce qui concerne sa souveraineté sur
la mer et le Paracel, une carte dessinée par Jean- Baptiste
Bourguignon d'Anville, un célèbre cartographe français, et
publiée en Allemagne au XVIIIe siècle, a seulement montré que
l’extrémité méridionale de la Chine sous le règne de l'empereur
Qianlong (1736 - 1795) était l'île de Hainan ( sans couvrir les
îles de la Mer Orientale tels que le Paracel ) Cette carte a été
présentée au président chinois Xi Jinping par la chancelière
allemande Angela Merkel lors de sa visite en Allemagne in
mars 2014.
Dans le même temps, la
souveraineté du Vietnam sur le Paracel a été reconnue dans les
documents chinois, tels que le HaiwaiJishi ( 1696) ou la
Hailu ( 1820), et dans les documents internationaux, comme le
Journal de la Société asiatique du Bengale ( 1837) ou le
Journal de la Société géographique de Londres (1849 ).
Quant à la base juridique, il n'existe pas de documents officiels
internationaux qui mentionnent que le Paracel a été dévolué à
la Chine par le Japon en 1946 comme indiqué par l'ambassadeur
Ning . Au contraire, à la Conférence de San Francisco de 1951 ,
la proposition visant à demander la reconnaissance par le Japon de
la souveraineté de la Chine sur le Paracel a été rejetée par
46 voix parmi les 51 participants. Egalement à cette conférence,
le chef de la délégation vietnamienne, le Premier ministre Trân
Van Huu, a affirmé la souveraineté du Vietnam sur le
Paracel sans aucune objection. Plus tard, la Conférence de
Genève de 1954 sur rétablissement de la paix en Indochine a
déclaré que les parties concernées doivent respecter
l'indépendance et de l'intégrité territoriale du Vietnam . Cette
disposition inclut le Paracel qui était sous le contrôle des
Français et de la République du Vietnam .
L'ambassadeur Ning a déclaré que la Chine a entrepris des actes pour « chasser» les forces sud-vietnamiennes du Paracel. Pourtant, la Chine, en tant que partie à la Conférence de Genève de 1954 , doit être pleinement consciente que le Vietnam a la souveraineté sur le Paracel. Il s'agissait en réalité d'un acte d'invasion par la force et fermement condamné par le gouvernement de la République du Vietnam ainsi que le Front national de libération du Sud Vietnam. Cela ne pouvait pas constituer une preuve pour la Chine pour revendiquer sa souveraineté comme indiquée dans le mémorandum du ministère chinois des Affaires étrangères du 12 mai 1988 et publié le même jour dans le Quotidien du Peuple.
Troisièmement,
l'ambassadeur Ning a déclaré que l'opération de la plate-forme
Haiyang Shiyou-981 cette fois faisait suite à un processus de
forage existant au cours des 10 dernières années et son
emplacement était sous la souveraineté et la juridiction de la Chine, et que le Vietnam n'avait pas le droit de commenter ni
interférer ou empêcher. Cependant, les actes illégaux
entrepris par la Chine , tels que des explorations et des
enquêtes dans les eaux vietnamiennes en Mer Orientale au cours des
10 dernières années, ont toujours été opposés par le Vietnam
par divers moyens et à différents niveaux . E n outre, contre
l'attitude peu coopérative de la Chine et ses violations graves
des droits légitimes du Vietnam en Mer Orientale , le porte-parole du
ministère vietnamien des Affaires étrangères a fermement condamné
les actions de la Chine " le 5 a oût 2010. La forte objection
du Vietnam aux activités de la plate-forme Haiyang Shiyou-981 cette
fois peut être considérée comme une mesure visant à protéger son
propre jardin et ses arbres contre la tentative illégale de son
voisin de l’occuper.
En réalité ,
l'implantation illégale par la Chine de la plate-forme Haiyang
Shiyou-981 est située à 60-80 milles marins à l'intérieur de la
zone économique exclusive et du plateau continental du Vietnam .
Cela viole les droits souverains et la juridiction du Vietnam,
tels que stipulés par la Convention des Nations unies sur le droit de
la mer de 1982 ( CNUDM ) , à laquelle le Vietnam et la
Chine sont tous parties. L 'ambassadeur Ning a affirmé que la
plate-forme Haiyang Shiyou-981 est située dans les eaux
territoriales de l '« île Xisha» (archipel de Hoàng Sa du Vietnam
), étant à 17 milles marins de la ligne de base de cet archipel
et à 120-140 milles marins de celle du Vietnam. Le tracé chinois
autour de l'« île Xisha» est invalide et va à l'encontre de
la CNUDM. Je voudrais ajouter que la Chine n'a pas tenu sa
parole en ignorant la déclaration de Deng Xiaoping en
septembre 1975 selon laquelle le Vietnam et la Chine devaient
négocier pour régler la souveraineté sur l'archipel de Hoàng
Sa, déclaration enregistrée le 12 mai 1988 dans le Mémorandum
du ministère chinois des Affaires étrangères.
Afin de soutenir les activités illégales de sa plate-forme
Haiyang Shiyou-981, la Chine a utilisé une armada de navires et avions,
parfois jusqu 'à 140 navires, dont les navires de guerre armés
modernes, pour empêcher les garde-côtes et navires de surveillance de la
pêche vietnamiens de mener leurs activités normales dans les eaux
vietnamiennes. A 10 milles marins de la plate-forme pétrolière,
les navires chinois ont percuté et attaqué avec des canons à eau
les navires vietnamiens, faisant des dizaines de blessés parmi les
surveillants de la pêche et les pêcheurs vietnamiens, et endomnageant
de nombreux navires chargés de l'application de la loi du Vietnam.
Il est d'autant plus inhumain qu'après avoir coulé un bateau de
pêche vietnamien dans la zone économique exclusive du Vietnam, des
navires chinois ont encore empêché les navires vietnamiens de
porter secours aux 10 membres de l'équipage du bateau échoué.
Les actions de la Chine violent gravement le droit
international, dont la CNUDM, la DOC ainsi que les accords
entre les dirigeants des deux pays. Ce n'est plus une question
bilatérale entre le Vietnam et la Chine, mais une menace pour la
sécurité, la sûreté, la liberté de navigation et la stabilité
régionale. Par conséquent, d'autres pays dans le monde ont fait
écho au Vietnam, exprimé leurs préoccupations et demandé à
Chine de mettre fin immédiatement ses actes provoquants.
Enfin, dans son article, l'ambassadeur Ning a déclaré : «La
Chine est un grand pays responsable» et «Nous n'avons pas provoqué
des troubles ni avoir la moindre envie de voir l'instabilité
dans notre voisinage». Mais ce qui m'inquiète vraiment, c'est
que j'ai vu dans les actions de la Chine relatives à la plate-forme
Haiyang Shiyou-981 un grand écart entre ses paroles et ses actes.
Néanmoins, je me félicite de la déclaration de l'ambassadeur Ning
selon laquelle la «Chine fera tout ce qu'il faut pour
désamorcer la tension». Je crois que le retrait immédiat par la
Chine de sa plate-forme Haiyang Shiyou-981 et de ses navires
d'escorte hors des eaux vietnamiennes et sa coopération avec le
Vietnam pour résoudre les problèmes juridiques concernés seraient
la solution la plus significative .
Concernant
ce dernier point, je crois l'ambassadeur Ning et moi doivent
faire usage de nos connaissances et de notre compréhension sur le
litige actuel autour de la plate-forme Haiyang Shiyou-981 en Mer
Orientale pour faire des recommandations pertinentes aux agences
compétentes de chaque pays, y compris des propositions aux deux
gouvernements afin de soumettre leurs preuves historiques et leurs
arguments juridiques à un tribunal international en vue d'une
décision plutôt que de présenter simplement leurs vues à travers
les médias. L 'accord de la Chine d'utiliser des moyens pacifiques
pour régler ce litige, et plus important encore, son respect de
la décision d'un tribunal international, sont des actions
concrètes pour convaincre les petits pays comme le Vietnam et la
Thaïlande de croire que la Chine est vraiment « un grand pays
responsable» . – VNA