La diaspora vietnamienne en France est marquée par un double attachement à la Patrie adoptive et au pays natal. Du moins, les premières générations.

L’imposant Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France (Éditions Pierre Laffont - Paris 2013) publié sous la direction de Pascal Ory est un monument élevé en hommage à tous les étrangers qui ont contribué, depuis la proclamation solennelle de la Nation en juin 1789, à «faire la France», et écrit des pages essentielles de son histoire (4e page de la couverture). Cet ouvrage encyclopédique regroupe près de mille deux cents notices rédigées par une soixantaine de spécialistes.

Quelques figures mondialement connues

Dans son article Vietnamiens, Michelle Guillon, Professeurs Émérite de géographie, donne un court aperçu de l’apport des Franco-Vietnamiens à cette œuvre commune : «Les Franco-Vietnamiens sont nombreux parmi les ingénieurs, comme dans les milieux de l’enseignement et de la recherche. Dans le monde des sciences, le physicien Trân Thanh Vân (né au Vietnam en 1936) et l’astrophysicien Nguyên Quang Riêu (né au Vietnam en 1932) sont des chercheurs de réputation mondiale. Ils ont fait leurs études en France, sont rattachés aux laboratoires scientifiques du Sud parisien, mais travaillent parallèlement au développement de la recherche au Vietnam.

De son côté, l’astrophysicien américain Trin Xian Thuan (né à Hanoi en 1948) publie, en français, des ouvrages à la frontière de l’astrophysique et de la philosophie (Le Chaos et l’harmonie, 1998 ; Le Cosmos et le lotus, 2011). Plus rares, quelques artistes vietnamiens ont élu domicile en France comme Lô Phô (1907-2001), dont une toile orne le hall du bâtiment vietnamien de la Cité universitaire à Paris, ou Yan Pei-Ming dont une des œuvres est entrée dans la collection du musée du Louvre».

Dans ce passage, il y a quelques erreurs de nom : Yan Pei-Ming, le fameux peintre des funérailles, n’est pas Vietnamien, il est Chinois. Lô Phô doit s’écrire Lê Phô, l’orthographe de Trin Xian Thuan est Trinh Xuân Thuân. Il est aussi regrettable que des personnalités qualifiées de «réputation mondiale» telle que Trân Thanh Vân et Nguyên Quang Riêu ne bénéficient pas de notice spéciale. Le seul Vietnamien à avoir ce privilège est le cinéaste Trân Anh Hùng.

Par ailleurs, si la Francophonie n’est pas un mot de décoration, le dictionnaire ne doit pas oublier de mentionner les écrivains vietnamiens qui, avec des auteurs français, ont créé une littérature indochinoise originale, ainsi que les peintres vietnamiens modernes formés par l’École des beaux-arts d’Indochine, fondée par V. Tardieu et Nam Son, fruits de l’acculturation franco-vietnamienne. L’article de Michelle Guillon retrace avec précision et clarté l’évolution historique du Vietnam contemporain et les relations franco-vietnamiennes, faisant une analogie élaborée de la diaspora vietnamienne en France. D’abord au sujet du nombre de Vietnamiens en France :

Les données proposées par l’Insee en 2007 font état d’à peine 17.877 personnes de nationalité vietnamienne, mais de près de 75.000 «nés au Vietnam». La fréquence des naturalisations est liée au statut de réfugié pendant les années 1970, décennie du plus grand afflux.

La colonisation française dure de 1880 environ à 1945. Avant 1945, dans la première moitié du XXe siècle, les Vietnamiens venus en France sont des enrôlés des deux guerres mondiales, des navigateurs, cuisiniers des lignes maritimes, des ONS (ouvriers non spécialisés) mobilisés pour la Seconde Guerre mondiale, des intellectuels et des étudiants dont certains ont finalement participé à la lutte pour l’indépendance de leur pays.

1945-1975, période de décolonisation

Après la défaite de Diên Biên Phu, les Vietnamiens qui avaient acquis la nationalité française, militaires et fonctionnaires accompagnés de leur famille, environ 36.000, sont «rapatriés» en France. Il en est de même des épouses, compagnes ou veuves de Français, avec leurs enfants eurasiens, 1.200 personnes dont 740 enfants.

Après la guerre, entre 1976 et 1990, environ 50.000 Vietnamiens ont quitté leur pays pour s’installer en France. Michelle Guillon remarque que «les Vietnamiens vivent en France sans perdre leur identité». Elle cite à ce propos le Professeur Lê Huu Khoa qui affirme que les immigrés vietnamiens emportent avec eux leurs ancêtres.

«…Fiers de leur identité, les réfugiés quel que soit leur niveau social, attendent de leurs enfants qu’ils gèrent leur vie dans deux cadres culturels distincts. «Nous voulons que nos enfants soient comme des Français dehors, mais comme des Vietnamiens à la maison. Cette éducation s’appuie fortement sur les principes confucéens, même dans les familles catholiques. Elle est fondée sur le rôle prépondérant de la famille, le respect des personnes âgées, la politesse envers les autres, le travail assidu à l’école, le respect des enseignants, la piété filiale, l’entraide dans la fratrie, la discrétion, le respect de la hiérarchie sociale, le perfectionnement de l’individu fondé sur le savoir».

Michelle Guillon met l’accent sur le culte des ancêtres : «Le culte des ancêtres fait partie des traditions que les Vietnamiens de France continuent à transmettre à leurs descendants. Les cendres des parents qui sont décédés en France sont déposées dans une pagode pour pouvoir assurer leur retour définitif au pays lors d’un voyage au Vietnam. Pour les immigrés âgés de la première génération, retourner au pays natal et rejoindre les ancêtres est une véritable obsession».

Il y a deux principales communautés vietnamiennes en France, à Paris et à Marseille. L’insertion des Vietnamiens dans l’espace, la société et l’économie français est loin d’être aisée : héritiers d’une histoire de colonisation douloureuse, ils sont intégrés avec discrétion en restant fidèles à leurs traditions et en contribuant à enrichir la société française dans toutes les stratifications. Point n’est étonnant que nombre de Vietnamiens optent pour une double nationalité, française et vietnamienne. -CVN/VNA