Les brocatelles des Bahnar
La tradition Bahnar veut que chaque jeune fille
confectionne elle-même sa robe de mariée, ce qui n’est pas une mince
affaire, si l’on en juge par le temps et le savoir-faire qui sont
nécessaires. Et comme il n’est jamais trop tôt pour bien faire, dès
l’âge de 12-13 ans, les fillettes sont initiées aux joies du tissage,
sous l’œil vigilant de leurs mères ou de leurs grand-mères, lesquelles,
ayant connu exactement le même sort, ne font ainsi que perpétuer la
tradition. Naturellement, qui dit tissage dit métier-à-tisser, le
métier-à-tisser étant à la tisserande ce que l’arbalète est à
l’arbalétrier : plus qu’un outil, un compagnon indispensable…
Etonnant, cela étant, de voir à quel point une machine aussi
rudimentaire peut servir à créer des motifs aussi raffinés… Dao Thu
Nguyet, du musée d’ethnographie de Dak Lak : « On cultive le coton pour
obtenir des fils. Mais pour obtenir ces fils, il faut passer par toutes
sortes d’étapes : égrenage, cardage, peignage, filature, teinture....
Aujourd’hui, on peut acheter des fils au marché, mais le tissage
lui-même reste entièrement manuel ».
Les Bahnar aiment
les couleurs contrastées : le noir, le rouge, le jaune… A chaque étoffe
une histoire, en rapport avec leur conception de l’univers, et à chaque
couleur une signification : le noir symbolise les forêts fertiles, le
rouge représente l’ambition et l’amour, le jaune reflète la lumière
éclatante... Bui Van Nam, de la province de Dak Lak : « Les tissus de
brocatelle sont très résistants et surtout très beaux. Une étoffe
demande parfois des années de travail, mais la qualité est indiscutable
».
Comme nous vous le disions un peu plus haut, le
tissage est une tradition, qui se transmet de mère en fille. Seulement,
depuis quelques années, les brocatelles des Bahnar doivent faire face à
une concurrence féroce sur le marché alors qu’il y a de moins en moins
de tisseuses. Autant dire qu’il est urgent de réagir pour préserver ce
qui reste l’un des fleurons de l’artisanat traditionnel de notre pays.
Fort heureusement, le problème n’a pas échappé à la sagacité du
gouvernement, lequel a pris des mesures, comme nous l’explique Luong
Thanh Son, la directrice du musée d’ethnographie de Dak Lak : «
Plusieurs ateliers ont été ouverts pour apprendre les jeunes filles
Bahnar à tisser. Et puis il y a tout un travail de sensibilisation qui a
été entrepris. Il serait quand même navrant que les Bahnars délaissent
ainsi leurs traditions... ».
Effectivement ! Mais qu’on
se rassure, les brocatelles des Bahnar ressurgissent dans les
manifestations folkloriques. Et elles ont visiblement gardé tout leur
pouvoir de séduction. Il faut dire qu’elles sont de véritables hymnes à
la nature, une nature tout à la fois protectrice et nourricière.
-VOV/VNA