Les théâtres et acteurs d’arts scéniques traditionnels (nha nhac, chèo,tuông, cai luong, etc.) doivent faire face à bien des défis dans le mondecontemporain. Dans une société en constante évolution, à l’ère du numérique etdes nouvelles technologies, il leur est en effet de plus en plus difficile dese faire entendre et d’attirer un public plus captivé par les écrans que parles planchers en bois des scènes de théâtre.
C’est un fait: ces arts ont peu évolué alors que le public, lui, n’a plus rienà voir avec celui du XIXe et même du XXe siècle. En plusde la désaffection du public, l’autre problème majeur est que d’ici 2020, lesthéâtres publics devront parvenir à une autonomie financière totale. L’État sedésengage donc financièrement, ce qui implique que leurs rentrées budgétairesdevront venir en priorité des recettes des spectacles.
"Le manque de spectateurs estimputable à la fois à la tendance actuelle et aux artistes eux-mêmes. D’ici2020, notre théâtre devra assurer son autonomie financière. Je pense qu’ilsurvivra. Pour cela, on mettra l’accent sur le chant et la danse", a confié l’“ArtisteÉmérite” Chi Trung, directeur du Théâtre de la Jeunesse.
"Cette autonomie financière implique pour les théâtres de changer demodalités de gestion et d’élaborer des programmes attrayants, capables de fairerevenir le public. Le défi n’est pas mince", a insisté l’"ArtisteÉmérite" Tân Minh, directeur du Théâtre ThangLong.
Soutenir les formations, susciter des vocations
Selon l’arrêté gouvernemental No74, les élèves de nha nhac (musique deCour de Huê), de chèo (théâtre populaire), de tuông (théâtreclassique), de cai luong (théâtre rénové), de danse et de cirquebénéficient d’une réduction de 70% des frais de scolarité. Une mesure destinéeà stimuler l’apprentissage de ces arts en perte en vitesse.
"La coopération entre écoles d’art et théâtres permet aux élèves devivre dans un environnement artistique, de rencontrer et d’échanger avec desartistes professionnels, ainsi que de leur ouvrir des opportunités d’emplois",a estimé Lê Thi Thu Hiên, chef du Département de la formation du ministère dela Culture, des Sports et du Tourisme.
"Face à cette autonomie financière obligatoire, plusieurs écoles d’artont changé leurs programmes et méthodes d’enseignement. Concrètement, ellesproposent plus de cours de pratique et font intervenir des artistesprofessionnels", a informé Mme Hiên.
"Afin d’attirer plus d’élèves, nous avons besoin de politiquesprioritaires et de mécanismes spéciaux, dont des dispenses de frais d’étudespour l’enseignement supérieur", a partagé Pham Ngoc Tuân, directeur duThéâtre de tuông du Vietnam.
Politique de diffusion des arts traditionnels
Fin 2015, le ministre de la Culture, des Sports et du Tourisme, Hoàng Tuân Anh,a signé une décision approuvant le projet de "Formation des artistes etinstrumentalistes pour tuông, chèo, cai luong, chant et théâtre pour lapériode 2016-2020", qui vise à résoudre la pénurie d’artistes dans lesarts scéniques, perpétuer ces derniers et répondre à la demande dupublic.
La promotion et la diffusion des arts traditionnels à travers des programmestélévisés est un moyen efficace de faire connaître ce patrimoine, de rapprocherles citoyens de ces arts, voire de susciter des vocations notamment parmi lajeune génération.
La télévision apporte nha nhac, chèo, tuông et cai luong au seindes foyers, dont la plupart n’ont jamais assisté à un spectacle. Ces programmesmettent l’accent sur la créativité mais aussi sur des techniques scéniquesmodernes pour s’adapter à l’exigent public du XXIe siècle. Les programmestélévisés tels "Giong hat Viêt" (Voix vietnamienne) et "Vietnam'sGot Talent" aident à trouver de jeunes talents.
Ces programmes télévisés, s’ils sont efficaces, ne sont cependant pas lapanacée pour ramener le public dans les salles de spectacle. La stratégie doitaussi comprendre l’enseignement de ces arts traditionnels dans les écoles dèsla petite enfance. Plusieurs localités ont franchi le pas, avec des résultatsencourageants. De nombreux enfants ont ainsi appris à chanter des airs de chèo ou de tuông. Et parmi eux ont émergé de vrais talents qui,dans le futur, pourraient embrasser une carrière professionnelle.
Les théâtres, quant à eux, en plus d’améliorer la qualité et l’attractivité deleurs pièces, doivent redoubler d’efforts pour mieux se faire connaître auprèsdu public, et aussi mieux faire comprendre la beauté des arts traditionnels.Car, le public ne s’intéressera à ces arts que s’il les aime vraiment.
"Pour exister et se développer dans la période actuelle, les théâtresdoivent proposer des œuvres de qualité, attrayantes en termes de contenu et deforme. En particulier, elles doivent être en résonnance avec la périodeactuelle de même qu’avec l'identité du Vietnam et sa singularité", aestimé le Professeur associé-Docteur Dinh Quang Trung, un responsable del’Académie de théâtre et de cinéma de Hanoï.
"Le budget de l’État réservé aux répétitions et représentations esttrès modeste. Cela ne suffit pas à motiver les artistes et à attirer denouveaux talents. Une aide de l’État plus substantielle est nécessaire",a insisté l’"Artiste Émérite" Thanh Ngoan, directrice du Théâtre de chèo du Vietnam.
Il faudra en effet des politiques prioritaires pour soutenir les artistes ainsique susciter des vocations parmi la jeunesse. Malgré les difficultés, avec lesefforts des organes compétents, des organisations et des passionnés eux-mêmes,on peut demeurer optimiste en l’avenir radieux des arts traditionnels, un legshistorique et civilisationnel que les générations actuelles et futures ont ledevoir de perpétuer. – CVN/VNA