L’implantation illégale par la Chine de la plate-forme Haiyang Shiyou-981 dans la zone économique exclusive et le plateau continental vietnamien remet sérieusement en question la confiance stratégique entre la Chine et ses voisins.

C’est ce qu’a écrit le professeur Carlyle Thayer, expert de l’Asie du Sud-Est de l’Université australienne de New South Wales dans un article publié lundi 30 juin sur le site web Chinausfocus.com.

"La confiance stratégique peut être caractérisée comme une relation qui se développe entre deux Etats qui se concertent régulièrement avec le temps. Cela se traduit par les habitudes de consultation et une plus grande prévisibilité dans le comportement de chaque côté", a-t-il indiqué.

"La décision de la Chine de déployer une gigantesque plate-forme pétrolière dans les eaux faisant partie de la zone économique exclusive du Vietnam (ZEE) était inattendue, provocatrice et, à mon avis professionnel, illégale", a commenté l’expert.

Début mai 2014, la Chine a illégalement implanté sa plate-forme de forage Haiyang Shiyou-981 protégée par des dizaines de navires, dont plusieurs bâtiments de guerre, et des avions dans les eaux vietnamiennes, 80 milles marins à l’intérieur du plateau continental et dans la zone économique exclusive du Vietnam.

En dépit des protestations du Vietnam, la Chine a élargi la sphère d’activité de sa plate-forme en la déplaçant à 15 degrés 33 minutes 36 secondes de latitude Nord et 111 degrés 34 minutes et 11 secondes de longitude Est, 60 milles marins à l’intérieur du plateau continental et de zone économique exclusive du Vietnam.

Selon le professeur Carlyle Thayer, la décision prise par Pékin surprend par sa nature tant belliciste qu’illicite. Elle a "sapé les efforts d’édification de la confiance stratégique" entre la Chine et les autres pays.

"Elle est d’autant plus surprenante que le Vietnam n’a jamais commis aucun acte provocateur susceptible de justifier son comportement indu", a-t-il fait remarquer.

Qui plus est, la Chine avait signé avec le Vietnam des conventions de haut niveau sur les modalités et les mécanismes de règlement des litiges maritimes, lesquels passent pour être la plus grande problématique entre les deux pays.

"Les actions de la Chine étaient provoquantes parce que c’était la première fois que la Chine avait installé une plate-forme pétrolière dans la zone économique exclusive d’un autre Etat sans son autorisation préalable", a-t-il expliqué.

"En plus, la plate-forme pétrolière est escortée par une armada de navires de guerre de la Marine de l’Armée populaire de libération de Chine, de garde-côtes et de chalutiers. La taille de l’armada a augmenté rapidement de cinquante à plus d’une centaine de navires en quelques jours. La Chine a également envoyé des avions militaires et autres appareils", a-t-il encore indiqué.

"Lorsque le Vietnam a répondu par l’envoi de ses bien plus petits garde-côtes pour faire face aux Chinois et leur demander de se retirer de la zone économique exclusive du Vietnam, la Chine a répondu de manière agressive. Ses plus grands navires ont délibérément percuté les bateaux vietnamiens dans le but d’infliger des dégâts suffisamment importants pour forcer leur retraite".

Rien que du 3 mai au 5 juin dernier, les navires d’escorte chinois ont attaqué avec des canons à eau et délibérément percuté les navires administratifs vietnamiens, blessant 12 surveillants de la pêche et endommageant 24 navires. Le 26 mai, un gros chalutier chinois a poursuivi et renversé un bateau de pêche vietnamien, qui a fini par sombrer. Les pêcheurs ont failli se noyer, mais s’en sont sortis.

"Les navires des Garde-côtes chinois ont délibérément pris pour cible des antennes de communication radio avec leurs canons à eau puissants. Enfin, les Chinois ont décapuchonné les canons et d’autres armes sur leurs navires et délibérément visé les navires des Garde-côtes du Vietnam", a-t-il observé, estimant que la Chine a défié le droit international.

Selon le professeur Carlyle Thayer, pas la peine d’examiner les revendications de souveraineté et de droit de juridiction très "vagues" de la Chine, rien que l’agressivité de sa demande de "droits souverains" suivant un scénario conçu depuis longtemps montre toute la nature de la question.

Le Vietnam a fait preuve de retenue maximale et exprimé sa bonne volonté, épuisé tous canaux de dialogue et de contact à différents niveaux avec la Chine pour protester et demander à la Chine de retirer immédiatement sa plate-forme et ses navires des eaux vietnamiennes, et de ne pas laisser reproduire d’actes similiaires.

Le professeur Carlyle Thayer a apprécié la bonne volonté du Vietnam qui persiste à recourir à différents canaux de communication, dont le téléphone rouge et les envoyés spéciaux, dans l’optique de résoudre pacifiquement les différends.

"Le Vietnam a adopté une approche très conciliante. Le Vietnam a appelé en vain à l’activation de sa ligne de téléphone rouge avec la Chine et à la Chine de recevoir un envoyé spécial pour discuter de la façon de gérer sinon résoudre les tensions actuelles," a-t-il encore indiqué.

Mais jusqu’à présent, la Chine n’a pas répondu à ces requêtes légitimes, en calomniant au contraire le Vietnam et en poursuivant l’usage de la force, et multipliant ses actes d’intimidation et ses atteintes qui sont de plus en plus périlleuses et sérieuses. – VNA