En route vers la Communauté économique de l’ASEAN
L’institution de la Communauté économique de l’ASEAN (AEC) sera une
véritable révolution pour tous les acteurs économiques de la région.
Toutefois, pour en retirer tous les avantages, le gouvernement comme les
entreprises vietnamiennes doivent disposer d’une stratégie et prendre
des mesures adéquates pour une pleine intégration à la région.
La «libéralisation AEC» a, de fait, bénéficié de la phase précédente,
celle de la mise en place de l’AFTA. En effet, 99,11% des tarifs
douaniers au sein de l’ASEAN 6 (les six pays les plus développés de
l’ASEAN, à savoir Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Brunei et
Philippines), ont été supprimés fin 2010, et au sein de l’ASEAN 4
(Cambodge, Laos, Vietnam, Myanmar), 98,6% des tarifs l’ont été ou été
ramenés à 5% au plus. Une libéralisation tarifaire totale aux alentours
de 2015 est donc en bonne voie.
Pour atteindre
l’objectif de l’AEC, l’ASEAN devra relever collectivement plusieurs
défis: passer d’une économie de revenu moyen à une économie pleinement
développée, parvenir à une intégration géographique - interconnectivité
des réseaux d’infrastructures de communications, industrielle mais aussi
sociale, améliorer sa résilience aux conséquences de crises économiques
ou de désastres naturels, assurer la pérennité de son tissu économique,
devenir un acteur majeur au cœur d’une Asie émergente en termes de
puissance économique régionale dans le monde, sur la base de nombreuses
entreprises moyennes fortement compétitives dans leur secteur
d’activité.
Avantages et challenge pour le Vietnam
L’AEC est un marché qui intégrera l’ensemble des économies de l’Asie du
Sud-Est, un vaste marché commun de près de 600 millions de personnes et
d’un PIB de 2.200 milliards de dollars. La circulation des biens, des
personnes comme des capitaux étant libre, les produits et prestations
des entreprises vietnamiennes connaîtront une amélioration significative
de leur compétitivité devant leurs concurrents de Chine, du Japon,
d’Inde, d’Australie et d’Union européenne, donnant un nouvel essor à
l’économie vietnamienne. La règle valant pour tous les membres de la
communauté, la consommation domestique augmentera également, de même que
l’afflux des capitaux étrangers, de l’AEC mais aussi des pays
extérieurs qui souhaitent profiter de ce marché commun.
Le Vietnam s’est déjà préparé pour exploiter pleinement ce futur marché
commun qui a vocation à devenir à terme un marché unique, plus
particulièrement depuis son entrée à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) qui lui a permis de réformer de nombreuses institutions,
d’améliorer son environnement d’investissement et d’affaires, ainsi que
d’améliorer ses capacités d’administration publique. La tâche n’est pas
encore achevée, le gouvernement accélérant actuellement la conduite des
réformes et des programmes de restructuration afin d’être fin prêt,
d’ici un an et demi environ, à l’apparition de l’AEC.
Le
Vietnam possède la deuxième population de l’Asie du Sud-Est et
bénéficie de nombreux atouts pour développer pleinement son économie. À
ce titre, il ambitionne d’être l’un des acteurs majeurs de l’AEC. Dans
ce cadre, le Vietnam aura d’immenses opportunités de croissance de son
commerce extérieur, d’attraction de davantage de capitaux étrangers et
d’augmentation ses investissements dans la région. En d’autres termes,
l’AEC lui permettra, sinon d’accélérer, tout au moins de soutenir la
croissance de son économie, de diminuer les risques d’instabilité de
cette dernière en étant intégrée à une économie régionale, ainsi que
d’améliorer sa compétitivité prix.
Il y a toutefois de
nombreux challenges pour exploiter les potentiels de l’AEC, notamment
sur le plan institutionnel, des infrastructures et de ressources
humaines qualifiées. En prévision, le Vietnam applique un train de
mesures sur le long terme et devra en prendre d’autres encore d’ici 2015
et au-delà. Il s’agit en premier lieu d’exploiter les potentiels en
matière d’exportation, d’investissement et d’envoi de personnel au sein
de l’AEC. Puis, à une échéance de 10 à 15 ans, d’autres seront prises
pour assurer des relations étroites et durables entre les pays de la
communauté.
Les entreprises vietnamiennes devront
veiller tout particulièrement à améliorer leur compétitivité lorsque les
barrières tarifaires seront tombées après 2015. Un des problèmes les
plus préoccupants, c’est que les milieux d’affaires vietnamiens ne sont
pas encore prêts à exploiter toutes les opportunités que représente
l’AEC. Pour se préparer, elles doivent améliorer leurs capacités de
production ainsi que la qualité de leurs produits et de leurs
services... Par ailleurs, les autorités doivent élaborer des politiques
adéquates de soutien de ses entreprises pour saisir les opportunités et
surmonter les challenges qui résulteront de la naissance de l’AEC.
Nouvel environnement économique
Certes, l’un des trois «piliers» de l’AEC est l’économie, c’est-à-dire
le commerce, les services et l’investissement, mais la création de l’AEC
ne se résume pas seulement à cette dimension économique. C’est la
raison pour laquelle, d’ailleurs, le Vietnam considère de plus en plus
l’ASEAN depuis l’an 2000 pour son rôle croissant.
L’instauration de l’AEC fin 2015 permettra d’abord au Vietnam de
renforcer sa position et son prestige au sein du forum qu’est l’ASEAN,
en sa qualité de membre. Mais cette communauté sera aussi un outil
privilégié de son intégration au monde en modifiant fondamentalement le
statut du Vietnam en matière de coopération. En effet, de pays
bénéficiaire de coopération internationale ou étrangère, il deviendra
l’auteur de telles initiatives au niveau de la région. Et, en ce
domaine, l’ASEAN aura besoin de pionniers dès après 2015, et le Vietnam
sera l’un d’eux. En outre, la Communauté de l’ASEAN, en tant qu’entité
propre, bénéficiera à plus ou moins moyen terme de l’assistance
financière des bailleurs internationaux dans le cadre du soutien de son
développement socioéconomique, et le Vietnam en bénéficiera
indirectement.
Cela dit, comment les entreprises
nationales se préparent-elles pour tirer le meilleur de l’AEC, un marché
de 600 millions de personnes ? Une question essentielle car cette
communauté est une immense opportunité pour les entreprises
vietnamiennes. Une perspective bien comprise depuis quelques années par
celles-ci qui se préparent à l’arrivée de cet événement historique.
De l’avis de Nguyên Duc Thanh, directeur du Centre de recherche
économique et politique, les entreprises domestiques doivent se montrer
plus actives dans la recherche des opportunités qu’offrira ce marché en
vue de définir une stratégie de croissance effective. «Le Vietnam est
dans une position favorable pour la coopération entre l’ASEAN et l’Asie
du Nord-Est, laquelle sera renforcée une fois tombées les barrières au
commerce et aux capitaux. Il est donc essentiel que les entreprises
élaborent des produits spécifiques et compétitifs», déclare-t-il.
L’AEC offre de belles perspectives, mais les challenges à relever sont
de taille, explique Trân Thanh Hai, directeur adjoint du Département de
l’import-export (ministère de l’Industrie et du Commerce). Si elles
veulent bénéficier des avantages fiscaux de l’AEC, les entreprises
locales devront satisfaire plusieurs critères, à commencer par celui de
l’origine des produits. «Au moins 40% des matières premières du produit
fini à exporter devront provenir des pays aséaniens. La baisse des
droits de douanes ne leur profitera pas si les entreprises ne répondent
pas à cette norme. Au surplus, les entreprises devront faire attention
aux barrières non tarifaires que les pays importateurs pourraient
imposer à fin de protectionnisme déguisé, ou à l’exploitation de
certains principes, comme la lutte anti-dumping par exemple, dans un but
identique».
Enfin, se préparer à ce grand défi, c’est
aussi développer des ressources humaines qualifiées, mieux recourir au
marketing produit, davantage connaître les goûts du consommateur
aséanien, ou encore établir un partenariat avec les distributeurs du
pays importateur. -VNA