Diên Biên (VNA) - Le Tu Cai est une cérémonie importante dans la vie d’un garçon de l’ethnie Dao. Ce rituel initiatique ancestral marque le passage de l’enfance à l’âge adulte.
 
Dans le Nord-Ouest, des rites de passage etonnants chez l’ethnie Dao hinh anh 1Cérémonie rituelle du Tu Cai de l’ethnie Dao. Photo: VNA

Faisant partie des 54 ethnies du Vietnam, les Dao vivent pour l’essentiel dans la région montagneuse du Nord-Ouest du pays. Dans la province de Diên Biên, on y compte quelque 6.000 personnes (soit 1% de la population de la province) qui s’éparpillent le long de la frontière commune avec les provinces de Son La et Lai Châu. La commune reculée de Huôi So ("le ravin") est considérée comme la "métropole" des Dao. Là, plus de 2.000 autochtones (regroupés dans six villages côtiers du Sông Dà, ou rivière Noire) forment une communauté dite Dao quân chet (Dao au pantalon serré) qui préservent jalousement leurs coutumes ancestrales, dont notamment la cérémonie séculaire du Tu Cai.

Un grand jalon de la vie d’un garçon

Huôi So est la commune la plus reculée de Diên Biên. Le chemin y amenant est des plus sinueux et abruptes, entrecoupant la chaîne de montagnes de Ta Hu Trang, traversant quelques cols élevés et s’insérant en zigzag au milieu des monts et des ravins... Mais, l’effort en vaut la chandelle. Les montagnards accueillent à bras ouverts les visiteurs qui, curieux de découvrir leurs us et coutumes, arrivent juste au moment où se déroule le rituel du Tu Cai (se déroulant généralement en milieu ou en fin d’année).

Il s’agit d’un événement incontournable dans la vie d’un jeune garçon Dao. Un jalon qui marque la maturité des hommes Dao, après lequel ceux-ci sont désormais considérés comme capables d’assumer les responsabilités de leur lignée familiale et les fonctions majeures de la communauté.

Tu Cai, en langue Dao, signifie le rapport présenté aux ancêtres et aux divinités, les informant du passage à l’âge adulte d’un jeune Dao. C’est aussi le moment où on lui donne un nom de baptême, appelé aussi "nom lunaire". À la suite du rituel, ce nom sera inscrit dans le registre généalogique de sa famille et utilisé lors des cérémonies cultuelles. Il sera étroitement lié à sa vie spirituelle, même après sa mort. "Une chose est plus importante encore: ce nom lunaire est indispensable car c’est avec ce nom seul que l’homme défunt pourra rejoindre ses ancêtres Dao dans l’au-delà", explique un autochtone.

À rappeler que le nom officiel du Dao, inscrit dans l’acte de naissance, n’est utilisé que dans les affaires relatives à l’administration, comme à l’école ou au travail. La tradition veut qu’à partir de l’âge de quinze ans, les garçons Dao soient "signalés" pour être soumis au rite du Tu Cai. D’ordinaire, la cérémonie est organisée en milieu ou en fin d’année, une fois que les récoltes et les travaux champêtres sont terminés. Elle peut être destinée à un ou plusieurs jeunes hommes et la durée peut osciller de trois à sept jours, à la demande des familles.

Le "thây cung", âme du rituel
 
Dans le Nord-Ouest, des rites de passage etonnants chez l’ethnie Dao hinh anh 2Préparation des offrandes pour la cérémonie rituelle du Tu Cai. Photo: VNA

Le rituel doit débuter un jour faste choisi à l’avance par un shaman spécialisé dans les cérémonies de culte (thây cung en vietnamien). Une ou deux semaines au préalable, la famille du garçon prépare les offrandes à emporter chez ledit sorcier. Un jour avant le jour J, sous la direction du thây cung principal de la cérémonie, et avec l’aide des proches et amis, la famille du jeune garçon érige deux grands autels - l’un dans la maison destiné aux ancêtres et l’autre en plein air destiné aux divinités -, sur lesquels on dépose offrandes, fruits, fleurs et bougies. C’est aussi le temps pour le maître de cérémonie d’élaborer le rapport mystique, le fameux Tu Cai.

Durant la totalité du Tu Cai (de trois à sept jours), tout le monde doit observer un régime alimentaire végétarien strict. Le garçon sujet au rituel porte le costume traditionnel des Dao, comprenant une tunique, un pantalon serré aux jambes et un chapeau conique en latanier. Obligatoirement, ces vêtements doivent être cousus par la mère ou la grande sœur de l’initié. La cérémonie rituelle du Tu Cai est exécutée par sept shamans dont chacun est chargé d’une tâche spécifique. Chacun d’eux dispose de quatre tuniques longues, différentes en couleur (blanche, rouge, brune et jaune), ornées d’images des divinités brodées sur les pans.

Le maître de cérémonie principal se distingue par son niveau de connaissances. "Il connaît par cœur tous les textes de prière et tous les airs d’incantation, il peut les réciter et chanter pendant de longues heures d’affilée", affirme avec admiration un autochtone âgé. En effet, le Tu Cai s’échelonne sur plusieurs étapes, où les rites sont nombreux: invitation des ancêtres, invitation des divinités, offrandes, incantations, baptême et remerciements, notamment.

Pendant la cérémonie, alors que le sorcier principal effectue les chants, prières et incantations, les assistants en costumes aux couleurs criardes manipulent des instruments sacrés différents comme une épée en bois ou une cloche en bronze, tous nécessaires au bon déroulement du rituel.  
 
Pendant toute la durée de la cérémonie, fêtes, chants et festivités prennent tour, créant une ambiance remplie d’entrain et d’effervescence au sein du village. "Animés par les sons trépidants des gongs et des tambours, le temps de quelques jours, tout le monde se trouve dans un état de joie et d’exaltation immense…", s’enthousiasme un jeune homme sujet au Tu Cai.

Le rituel prend fin avec un festin offert par la famille du garçon initié. Un repas copieux arrosé d’alcool de maïs où tous les villageois se complaisent dans la joie partagée. – CVN/VNA