Ces paysans de Then sur le fil d’un archet
"Au
petit matin, le midi, le soir, même pendant les pauses que concèdent
parfois les durs travaux des champs, nous nous rassemblons, accroupis,
au pied d’un arbre, dans la cour de la maison commune ou sur les pentes
de la digue, pour jouer du violon ou nous enseigner mutuellement les
techniques ou de nouveaux airs", a fait savoir Nguyên Quang Khoa.
Le
village qui compte actuellement plus de 40 violons et une centaine de
violonistes, s’offre le luxe d’avoir son propre orchestre, composé de
ses meilleurs paysans violonistes. De ses toits résonnent des mélodies
savantes jouées par des paysans qui gagnent leur pain à la sueur de
leur front.
"Je me souviens qu’on a découvert le violon
en écoutant la radio "La Voix du Vietnam". Les mélodies nous avaient
beaucoup plu. On avait alors décidé de faire le voyage à Hanoi pour
acheter un violon. Puis on se mettait à tirer des mélodies. Vieux et
jeunes se prenaient de passion pour cet instrument qu’ils avaient
acquis l’un après l’autre. Dès 1956, Then était surnommé le "village de
violonistes", se souvient le septuagénaire Nguyên Huu Dua.
Pour
beaucoup, le violon évoque une musique sérieuse et réservée à une
élite, des mélodies savantes jouées devant des connaisseurs. Mais à
Then, depuis une bonne moitié du siècle, le violon se démocratise et
gagne du terrain avec les instrumentistes autodidactes.
"Mon
père m’a appris à jouer du violon depuis que j’avais sept ou huit ans.
Les premières leçons étaient difficiles mais j’étais motivé par une
grande passion pour le violon. J’ai deux enfants. Ma fille qui s’est
mariée, joue du violon. Mon fils aussi, qui apporte son violon à son
université à Hanoi", a témoigné Nguyên Huu Thi.
"J’apprends
à jouer du violon depuis dix ans. Cet art est pour moi une tradition de
famille et une passion. Au début, je ressentais une douleur quand mes
doigts touchaient les cordes. La douleur s’atténue si on joue avec les
ongles courts. Mais ce qui compte le plus, c’est d’avoir la passion", a
raconté pour sa part Nguyên Van Minh, étudiant de l'Institut de la
Banque.
Si la musique est profondément attachée à la vie de la
population locale, villageois et gestionnaires peinent encore à
accorder leurs violons quant à la préservation et la promotion de cette
musique au sein du village de Then.
"Je continue
d’apprendre aux jeunes à jouer du violon. Mais les gens préfèrent que
leurs enfants fassent les études pour apprendre un métier. Car le
violon amuse mais n’aide pas à gagner leur vie. Nous essayons donc de
maintenir le mouvement quand les conditions économiques sur place ne
facilitent pas la formation d’une relève", a expliqué Nguyên Huu Dua.
Le
chef du Bureau de la culture du district de Lang Giang, Bui Dang Van, a
lui indiqué que "nous attachons une grande importance à la préservation
des traits culturels de ce village de violonistes. Mais pour cela, il
faut résoudre plusieurs difficultés".
"D’abord, nous
devons organiser des cours de violon là où les conditions le
permettent. Nous pensons aussi à inviter de connaisseurs du village de
Then à enseigner le violon aux enfants venus d’autres villages, à
encourager la participation des enfants du même district à ces
formations", a-t-il conclu. - AVI