Situé dans la province de Thai Binh (Nord), le village de Khuôc est connu comme le berceau du théâtre populaire ou chèo. Un art vocal traditionnel qui enchante petits et grands. 

Niché au bord de la rivière Tuôc, le village de Khuôc, commune de Phong Châu, district de Dông Hung, province de Thai Binh (Nord), est souvent animée par des airs de chèo (théâtre populaire). Après les travaux des champs, les paysans apprécient de pousser la chansonnette, y compris les plus jeunes. Presque tous les villageois savent bien chanter le chèo. Ces airs les accompagnent dès leur plus jeune âge, et la passion pour cet art vocal naît très tôt. À l’âge adulte, elle ne fait que se renforcer. Au village de Khuôc, chanter le chèo ou en écouter sont devenus aussi nécessaire, vital pourrait-on dire, que de manger et boire.

Aucune étude n’a encore percé le mystère de l’apparition du théâtre populaire au village de Khuôc. Hà Quang Tiêt, septuagénaire, musicien retraité de la troupe centrale de chèo, est convaincu que «cela fait plusieurs siècles que le théâtre populaire se transmet de génération en génération». Avant la Révolution d’août 1945, de nombreux enfants du village jouaient dans différents théâtres de grandes villes et provinces comme Hanoi, Hai Phong, Hà Dông, Bac Ninh… Des dizaines de troupes créées par les villageois sont même parties donner des spectacles aux quatre coins du pays. Cet art vocal a aussi été joué à la cour royale, toujours selon Hà Quang Tiêt.

Bien que les artistes du village donnaient des spectacles dans différentes régions du pays, ils revenaient toujours au «pays natal» deux fois par an : le 6e jour du 1er mois lunaire, où se déroulait une fête villageoise, et le 18e jour du 8e mois lunaire, journée de commémoration des fondateurs du chèo.

Après 1945, dans le contexte de montée en puissance de la lutte contre la présence coloniale française, le théâtre populaire a connu une période difficile. Mais dès 1958, grâce au ministère de la Culture, des artistes du village tels que Cao Kim Trach, Pham Van Diên, Dào Thi La… ont été invités à donner des cours de formation aux jeunes étudiants de l’École de chant et d’opéra du Vietnam. Aujourd’hui, les vieux de Khuôc sont fiers de raconter que les 15 troupes de chèo professionnelles du pays comptent 175 artistes originaires de la province de Thai Binh, dont plus de 50 nés à Khuôc. Les artistes de chèo et les amoureux de cet art sont du même avis : Khuôc est vraiment le berceau de cet art.

Après la réunification nationale de 1975, à cause des difficultés économiques, le chèo du village de Khuôc a traversé une nouvelle fois une mauvaise passe. Les habitants sont partis dans différentes régions, gagnant leur vie par différents métiers. Ceux qui avaient un don pour chanter le chèo ont incorporé des troupes de théâtre basées dans les grandes villes comme Hanoi... Au village de Khuôc, les troupes amateurs avaient disparu...

Heureusement, depuis une dizaine d’années, le chèo a retrouvé un second souffle. Un groupe de vieux villageois et d’artistes retraités, de différents théâtres de chèo, ont fondé un club qui compte 50 membres. «On y voit aussi bien des septuagénaires que des adolescents», se réjouit le responsable du club, Nguyên Van Ro, 60 ans. Ils se réunissent toutes les semaines pour collecter d’anciens airs et les transmettre aux jeunes passionnés. La troupe donne souvent des spectacles lors des fêtes villageoises et elle est invitée à se produire dans d’autres villages, communes et districts... Fin 2006, le Fonds danois pour la culture et le Service de la culture et de l’information de la province de Thai Binh ont lancé un projet de «préservation et de rétablissement des anciens airs du chèo». Une douzaine d’airs propres à ce berceau du chèo ont été recensés. Récemment, les villageois ont inauguré la nouvelle maison de culte des cinq fondateurs du théâtre populaire, l’ancienne ayant été détruite pendant la guerre. Un espace pas seulement dédié aux activités cultuelles. Sa cour en effet est un espace de représentation du chèo, qui peut accueillir 400 spectateurs.

La fierté des villageois de Khuôc, c’est qu’en dépit des vicissitudes de l’histoire, des hauts et des bas, le chèo est resté l’élément central de la vie du village, son âme, et qu’il se transmet encore de génération en génération. -AVI