À Thanh Hoa, les objets du monde rural intimes dans leur musée
Dès l’enfance, l’âme de
nombreux enfants vietnamiens est nourrie de chansons populaires et de
proverbes. Ils s’habituent au petit plateau de bétel, à la petite
marmite de riz, à l’écope au long manche. Mais, nombre d’entre eux
devenus grands sont étonnés par le petit musée de vestiges ruraux du
Vietnam de Nguyên Huu Ngôn, directeur adjoint des Éditions de Thanh Hoa.
Un homme qui, au premier coup d’oeil, n’est guère différent d’un simple
agriculteur.
Dans sa maison de trois étages
transformée en petit musée, Huu Ngôn expose les objets de la vie
quotidienne des campagnes du Nord à travers l’histoire du pays. Tout y
est présent, des plus petits (faucille, pioche...) aux plus grands
(moulin, tarare). Les instruments aratoires sont regroupés par
fonctions. Il y a ceux pour travailler le sol (charrue, herse), pour
désherber (coupe-coupe, faucille), pour transformer les produits
agricoles (moulin, marmite, marmite au fond percé de trous), pour
préserver les produits alimentaires (jarres, boîtes, vases de toutes
tailles). Ces objets relèvent en général de deux grands thèmes que sont
la civilisation agricole et la culture agricole du Vietnam.
Une passion curieuse
La collection de Huu Ngôn est réellement riche, avec des ensembles de
jarres, de marmites, de casseroles, et même de plateaux dont on trouve
toutes les variations possibles, en bambou, en bois ou en cuivre, de
tous les diamètres. «Je possède plus de 500 anciennes assiettes très
précieuses d’une valeur de 200.000 dôngs/pièce. J’ai l’ambition d’en
posséder 1.000 pour battre le record national», déclare-t-il.
Nguyên Huu Ngôn est né et a grandi à la campagne où l’on côtoie
constamment la riziculture dans les villages, et tout ce qu’elle
représente en termes de culture comme de vécu quotidien, à commencer par
sa pénibilité qui s’exprime à travers maints détails. L’existence des
agriculteurs, il la connaît on ne peut mieux, au point qu’il considère
que l’on devrait les honorer. Ces considérations sont gravées dans son
esprit et, d’une certaine façon, l'obsèdent sur un point : «Comment
faire pour que nos enfants comprennent mieux la vie pénible et
laborieuse de leurs ancêtres ?».
Une obsession qui
l’a conduit à agir depuis maintenant plus de 30 ans, durant tous ses
moments libres. Il part «en vadrouille» sur son vélo, y compris dans les
coins les plus reculés de la campagne, pour trouver des objets de cette
culture agricole et rurale qui est véritablement l’âme du Vietnam, et
qui demeure jusque dans les grandes villes. Ce que n’importe qui
considère comme un rebut bon pour le feu ou le chiffonnier du coin, Huu
Ngôn le récupère soigneusement pour le préserver dans sa maison-musée.
Et il n’est pas rare qu’il y passe tout son salaire pour satisfaire sa
passion que ses proches auraient plutôt tendance à considérer comme une
pulsion obsessionnelle. Des situations qui conduisent Huu Ngôn à
travailler davantage pour vivre, en écrivant des articles et des livres,
ou faire de la photographie.
Un minuscule musée de l’agriculture
D’après Huu Ngôn, dont le savoir vaut celui d’un agronome, chaque
ethnie et chaque zone rurale a ses propres objets. Ils sont sans nombre,
pourrait-on dire, et plus il les connaît, plus sa passion gagne du
terrain. D’où sa décision, il y a quelques années déjà, de transformer
la plus grande partie de sa maison en musée pour exposer cette vaste
collection, pour ses amis d’abord, mais aussi aux visiteurs vietnamiens
comme étrangers. Et qu’importe ! Tous les week-ends, même si personne ne
vient, il les admire d’un air pensif, les entretient minutieusement,
les classe selon un ordre que lui seul connaît.
«Le
Vietnam possède de nombreux musées, tous sont des lieux de perpétuation
de ses valeurs culturelles. Mais, confie aussitôt Huu Ngôn, il me
semble à tout le moins qu’il y manque quelque chose d’important, sinon
d’essentiel, les valeurs de notre civilisation rizicole, de la
riziculture en eau pratiquée dans nos deltas par nos ancêtres depuis
plus de 4.000 années».
Cet homme ajoute que «la
création d’un musée agricole évite de voir disparaître ces objets
agricoles de la vie rurale, que ce soit matériellement comme de l’esprit
des gens en cette période de développement et de modernité».
L’idée de Huu Ngôn est particulièrement estimée par le ministère de la
Culture, des Sports et du Tourisme qui considère sa collection comme
très précieuse car elle contribue à préserver les valeurs culturelles
comme le patrimoine du Vietnam. Une œuvre qui est aussi vue comme une
reconnaissance des agriculteurs attachés toute leur vie au travail de
leurs rizières pour nourrir le peuple entier. – VNA