Sy Hoàng, l’ao dài dans la peau
Ces vers improvisés par le Pr.-Dr. de
musicologie Trân Van Khê, lors de la séance d’ouverture du premier musée
de l’ao dài au Vietnam, en disent long sur la beauté de cette tenue
féminine traditionnelle.
En janvier dernier, au jardin
botanique de Long Thuân, en banlieue de Hô Chi Minh-Ville, le peintre et
styliste Sy Hoàng a inauguré son musée, fruit d’une dizaine d’années de
recherches. Apparaissent ici et là, au milieu d’un vaste espace vert,
de belles constructions en bois inspirées d’anciens modèles, dans
lesquelles trônent de nombreuses tuniques. «J’ai mis dix ans pour
rassembler cette collection de plus de 500 modèles. Elle raconte toute
l’histoire de l’ao dài», révèle Sy Hoàng.
On y trouve des
modèles représentatifs de chaque époque : l’ao dài à quatre pans du
XVIIe siècle, celui à cinq pans du XVIIIe siècle, celui dit cat tuong
(moderne) des années 1930, l’ao dài décolleté des années 1950, celui de
Saigon de mode «hippie» des années 1960, celui rénové des années
1970-1980 et, bien sûr, des créations plus contemporaines. Il y a aussi
des ao dài liés à des faits ou des personnages historiques, par exemple
ceux de la famille royale et des nobles sous la dynastie des Nguyên
(XIXe siècle), celui de la femme général Nguyên Thi Dinh, commandante en
chef adjointe de l’Armée de libération du Sud du Vietnam avant 1975,
celui de la diplomate Nguyên Thi Binh qui prit part aux négociations
avec le secrétaire d’État américain Henry Kissinger sur la paix au
Vietnam, avant 1973. Devenue après vice-présidente du Vietnam, celui de
la diplomate Tôn Nu Thi Ninh… Viennent s’ajouter des ao dài d’artistes
de renom : Bay Nam, Trà Giang, Kim Cuong, Bach Tuyêt…
"À
remarquer cette tunique de mariage que Tôn Nu Thi Ninh a offerte au
musée. Une vieille tunique en brocard qui n’a été portée que trois fois,
par trois belles filles de trois générations de sa famille", précise Sy
Hoàng. Outre ces modèles, le musée présente aussi des centaines de
photos et autres documents.
Le jardin botanique de Long
Thuân s’étend sur 20.000 m² dans le 9e arrondissement, à une vingtaine
de kilomètres du centre de Hô Chi Minh-Ville. "Ce terrain, je l’ai
acheté en 2002 dans l’intention de le consacrer à la culture et aux
arts, au sens large : architecture, gastronomie, mode…", confie Sy
Hoàng. Ce musée de l’ao dài, premier du genre, servira aussi de
"catwalk" de mode, selon lui, ajoutant que d’autres ouvrages seront
construits dans les années à venir.
Diplômé de
l’Université des beaux-arts, Sy Hoàng, 52 ans, travaille depuis une
trentaine d’années dans le stylisme, et figure parmi les inconditionnels
de l’ao dài. "Loin d’être formé en stylisme, j’ai choisi ce métier du
fait de l’ao dài", avoue-t-il. "Cette tunique féminine est une superbe
création qui laisse transparaître la quintessence de la culture
vietnamienne. Mon seul souhait est de l’embellir". Son principe de
création est d’introduire la peinture dans la tenue traditionnelle, et
de chercher les idées puisées dans le folklore national. En effet,
agrémentés de dessins originaux, les ao dài de Sy Hoàng apparaissent
plus raffinés, plus charmants encore. Depuis des décennies, le nom de Sy
Hoàng est lié à l’ao dài. Un créateur tellement fécond qu’il est entré,
en 2007, dans le Livre de records nationaux.
Au fil du
temps, il a donné naissance à nombre de collections qui ont impressionné
tant les amateurs que les professionnels. À noter les collections Kim -
Vân - Kiêu, Danse d’été, Quatre saisons, Vitalité du printemps, Ao dài
de mariage, Ao dài parés de verroterie, Ao dài de gala, Gala blanc,
Fleurs printanières, Parfum de jadis, Lavis, Couleurs du temps,
Jeunesse… Sans oublier une collection pour les enfants dénommée Petit
soleil. Plus d’une fois, le styliste a créé les costumes de scène de
troupes de théâtre de Hô Chi Minh-Ville.
La renommée de Sy
Hoàng retentit loin des frontières nationales, lui qui a été invité à
participer à des défilés de mode aux États-Unis et en Chine. Partout, il
a forcé l’admiration des spectateurs pour ses ao dài fascinants. En
2006, sous le thème : "Ao dài, a modern coming-of-age", une collection
de 17 modèles a été exposée trois mois au San Jose Museum of Quilts
& Textiles. "Au-delà de l’esthétique, l’ao dài véhicule la culture,
l’histoire et les traditions du Vietnam. C’est sans doute l’unique
costume capable de transcender le temps et l’espace", estime un expert
étranger.
L’esprit créatif de Sy Hoàng ne s’arrête pas là.
Il révèle : "J’aimerais qu’en plus de s’extasier devant l’ao dài, les
femmes étrangères le portent. Pour cela, je crée des ao dài fantaisistes
inspirés des traditions culturelles de certains pays ou régions, par
exemple le kimono du Japon ou les robes d’Occident". -VNA