Mer Orientale : allocution du vice-président du Comité national des frontières
1. La Chine a provoqué, de par ses actes de violation du droit international, l'escalade des tensions en Mer Orientale
Comme
vous le savez, le 2 mai 2014, la Chine a implanté la plate-forme de
forage Haiyang Shiyou-981 (Hai Duong 981) sur un site aux coordonnées de
15 degrés 29,58 minutes de latitude Nord et de 111 degrés 12,06 minutes
de longitude Est. Le 27 mai 2014, ladite plate-forme a été déplacée sur
un site aux coordonnées de 15 degrés 33,38 minutes de latitude Nord et de 111
degrés 34,62 minutes de longitude Est. Ces sites, situés profondément à
l'intérieur de la zone économique exclusive et du plateau continental du
Vietnam, se trouvent de 130 à 150 milles marins des côtes
vietnamiennes. Cet acte de la Chine constitue une violation de l'accord
entre les hauts dirigeants des deux pays visant à ne pas élargir et à
rendre plus complexes les différends en Mer Orientale. Il s'agit d'une
atteinte à la souveraineté, aux droits souverains et à la juridiction du
Vietnam établis par la Convention des Nations Unies de 1982 sur le
droit de la mer.
Le Vietnam proteste d'une manière
cohérente avec une grande fermeté contre tout acte de violation par la
Chine de sa souveraineté, de ses droits souverains et sa juridiction
dans sa zone économique exclusive et son plateau continental. C'est dans
la zone de l'emplacement de ladite plate-forme Haiyang Shiyou-981 que
la Chine avait, à plusieurs reprises, procédé à des actes de violation
en menant des explorations géologiques 2D, 3D dès 2005. A chaque fois,
le Vietnam y a envoyé des bateaux chargés de l'exécution de la loi pour
mener des actions de sensibilisation et de protestation contre lesdites
activités en réalisant plusieurs échanges diplomatiques avec la Chine
sur cette question et lui soumettant des notes diplomatiques pour
protester énergiquement contre ces actes illégaux de la Chine. Au cours
de ces temps, au moins trois échanges entre des Vice-Ministres des
Affaires étrangères du Vietnam et l'Ambassadeur de Chine à Hanoi ont été
réalisés. Le 5 août 2010, le porte-parole du Ministère des Affaires
Etrangères du Vietnam s'est trouvé obligé de protester publiquement
contre des actes de violation par la Chine de sa souveraineté, de ses
droits souverains et de sa juridiction en Mer Orientale ainsi que
d'exiger de la Chine qu'elle y mette fin immédiatement et qu'elle veille
à ce que de tels actes de violation ne se reproduisent.
Lors
des conférences de presse tenues au cours de ces derniers jours, la
Chine a tenu des propos diffamatoires à l'égard du Vietnam en disant que
le Vietnam avait intentionnellement percuté des bateaux d'escorte
chinois et que s'il y avait eu un bateau de pêche vietnamien coulé,
c'était parce que ce dernier avait délibérément heurté des bateaux
chinois. Quant à la vérité sur ce qui s'est réellement passé? Vous la
savez sans nul doute. Nombreux d'entre les journalistes ici présents ont
vu de leurs propres yeux des actes d'arrogance des bateaux chinois. Ces
actes de la Chine constituent non seulement une violation du droit
international qui interdit l'usage de la force et la menace de l'usage
de la force mais ce sont aussi des traitements inhumains infligés à des
pêcheurs vietnamiens.
2. Position du Vietnam sur la réclamation de souveraineté par la Chine vis-à-vis de l'archipel de Hoang Sa
Le
Vietnam rejette la revendication par la Chine de sa souveraineté sur
l'archipel de Hoang Sa, qu'elle appelle "Xisha” puisque les
revendications chinoises sont dépourvues de fondements historiques et
juridiques. Les documents historiques démontrent que la Chine n'a pas de
souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa
La Chine a avancé
un certain nombre de documents historiques. Or, "ces documents
historiques" chinois sont ceux n'ayant pas d'origines bien établies,
entachés d'inexactitudes et qui sont interprétés de façon arbitraire.
Tous ces documents sont tous fournis par des individus. Aucun d'entre
eux n'était un document officiel de l'Etat féodal chinois. Dans lesdits
documents, l'archipel de Hoang Sa était nommé et décrit d'une manière
incohérente. Au regard du droit international relatif à l'acquisition
territoriale, une nation ne peut établir sa souveraineté sur un
territoire que par l'exercice de sa souveraineté au nom d'un Etat. Les
documents rendus publics par la Chine n'ont pas démontré l'établissement
par l'Etat féodal chinois de sa souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa
quand celui-ci était encore res nullius.
En 1898, après
le naufrage de deux bateaux Bellona et Huneji Maru sur Hoang Sa sur
lesquels ont eu lieu des actes de pillage des pêcheurs chinois, le
vice-roi du Guangdong a argumenté que l'archipel de Hoang Sa était des
îles abandonnées et qu'il n'appartenait pas à la Chine. Sur le plan
administratif, cet archipel n'était rattaché à aucun district du Hainan
et nulle autorité spéciale n'était chargée de leur police. La partie
chinoise a ainsi décliné toute responsabilité sur des actes de pillage
réalisés par des pêcheurs.
Le Vietnam, quant à lui, a
rendu publique des preuves tangibles qui justifient l'établissement par
l'Etat féodal du Vietnam de sa souveraineté sur cet archipel quand celui
était un territoire res nullius. Au moins dès le 17ème siècle, les rois
de la dynastie Nguyen ont organisé des activités d'exploitation de
spécialités sur ces archipels, fait un travail de cartographie et
d'hydrographie et pris des mesures destinées à garantir la sécurité des
bateaux d'autres pays naviguant dans la zone de l'archipel de Hoang Sa.
Toutes ces activités ont été enregistrées dans les documents officiels
promulgués par l'Etat féodal du Vietnam qui existent sous forme de Chau
Ban, conservés à l'heure actuelle au Vietnam.
Après la
signature du Traité de protectorat en 1874 et en 1884 avec l'Etat féodal
du Vietnam, la France, a continué, au nom du Vietnam, à exercer la
souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa. Elle a publiquement protesté
contre les actes d'agression de la Chine. La France a entrepris de
nombreuses actions souveraines sur l'archipel de Hoang Sa comme la
construction et le fonctionnement de phares maritimes, l'installation
d'une station météorologique, l'établissement d'une unité administrative
rattachée à l'Annam (le Centre du Vietnam), la délivrance d'actes de
naissance à l'endroit des Vietnamiens nés à Hoang Sa. En 1909, l'amiral
cantonais Li Zhun a réalisé des activités d'exploration de l'archipel de
Hoang Sa, une atteinte à la souveraineté du Vietnam vis-à-vis de cet
archipel solidement établie par les dynasties de l'Etat féodal du
Vietnam et dont la France a continué à assumer l'exercice au nom du
Vietnam. La France a protesté, au nom du Vietnam, contre ces actes de
violation de la Chine et clairement stipulé que la souveraineté sur
l'archipel de Hoang Sa avait été établie par l'Etat d'Annam dès 1816. En
1946, l'administration de Chiang Kai Shek a profité du contexte de fin
de la Seconde guerre mondiale pour occuper illégallement l'île de Pattle
(Phu Lam). En 1947, la France a rendu publique une déclaration contre
cette invasion en proposant à la Chine de mener des négociations et de
porter l'affaire devant une cour d'arbitrage internationale. Mais
l'administration de la République de Chine a refusé cette option.
L'administration de Chiang Kai Shek a par la suite retiré ses troupes de
l'île de Pattle.
L'archipel de Hoang Sa n'a pas été conféré à la Chine à l'issue de conférences internationales
A
l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a dû renoncer à ses
droits sur tous les territoires occupés par la force durant la Seconde
Guerre mondiale dont l'archipel de Hoang Sa. La Déclaration du Caire de
1943, celle de Postdam de 1945 et le Traité de San Francisco de 1951 ont
inventé la liste des territoires que le Japon devait restituer à la
Chine. L'archipel de Hoang Sa et l'archipel de Truong Sa n'en ont pas
fait partie. Ce qui est à noter, c'est que l'administration de Chiang
Kai Shek, partie prenante aux négociations des Déclarations du Caire et
de Postdam, n'a pas abordé le cas de l'archipel de Hoang Sa et celui de
Truong Sa. Lors de la conférence de San Francisco, la proposition de la
délégation soviétique relative à la modification du projet de Traité aux
fins d'inscrire l'archipel de Hoang Sa et l'archipel de Truong Sa au
titre des territoires chinois a été rejetée par la majorité avec 46 voix
contre (sur un total de 51 voix). Cependant, la déclaration de Monsieur
Tran Van Huu, Premier Ministre de l'Etat du Vietnam, chef de la
délégation vietnamienne, a réaffirmé la souveraineté du Vietnam
vis-à-vis de l'archipel de Hoang Sa et de celui de Truong Sa sans se
heurter à la moindre contestation des participants.
La
Chine qui a violé le principe de non-recours à la menace ou à l’emploi
de la force ne peut pas établir sa souveraineté sur Hoang Sa
La
Chine a envahi illégalement à deux reprises les îles de l’archipel de
Hoang Sa. En 1956, en profitant du retrait des Français de l’Indochine,
la Chine a envahi les îles orientales de Hoang Sa, suscitant une forte
opposition de la part du Gouvernement de la République du Vietnam contre
cette occupation. En 1959, des soldats chinois déguisés en pêcheurs ont
débarqué sur un groupe d'îles situé dans la partie Ouest de l'archipel
de Hoang Sa. Les forces armées de la République du Vietnam ont déjoué
avec succès ce dessein et arrêté 82 de ces "pêcheurs" chinois. Il est à
noter que toutes ces deux tentatives d’occupation ont été réalisées
ultérieurement à la déclaration par le Vietnam, à la Conférence de San
Francisco en 1951, de sa souveraineté sur les archipels de Hoang Sa et
Truong Sa ; déclaration à laquelle aucune opposition ne s’est
manifestée. En 1974, en profitant de la situation de guerre au Vietnam,
les forces chinoises ont réalisé une attaque militaire contre les forces
du Sud Vietnam présentes sur Hoang Sa et se sont emparées de
l’archipel. C’est pour la première fois que la Chine s’est appropriée du
contrôle de l’ensemble de l’archipel de Hoang Sa.
L’utilisation
de la force en vue de s’emparer du territoire d’une autre nation
constitue une violation des principes fondamentaux du droit
international et ne peut en aucun cas donner naissance à la souveraineté
chinoise sur Hoang Sa.
Le Vietnam n’a jamais reconnu la souveraineté chinoise sur les archipels de Hoang Sa et Truong Sa
La
Chine a intentionnellement déformé l’histoire et interprété
incorrectement les faits historiques en invoquant une note diplomatique
signée par le Premier Ministre Pham Van Dong en 1958 ainsi qu’un certain
nombre de documents et ouvrages publiés au Vietnam avant 1975 comme des
preuves de la reconnaissance par le Vietnam de la souveraineté chinoise
sur Hoang Sa. Le Vietnam s’oppose résolument à cette déformation, pour
plusieurs raisons.
Premièrement, la note diplomatique du
Premier Ministre Pham Van Dong ne contient aucune mention sur Hoang Sa
et Truong Sa. Cette note, qui n’aborde pas du tout les questions de
souveraineté, n’est qu’un simple document dont le contenu est d’annoncer
le fait que les organes du Gouvernement de la République Démocratique
du Vietnam respecteront l'étendue de 12 miles marins des eaux
territoriales chinoises.
En la plaçant dans le contexte
historique de l’année 1958, ladite note diplomatique doit être comprise
comme une action de solidarité de la part de la République Démocratique
du Vietnam visant à soutenir l’élargissement par la Chine de sa ceinture
de sécurité en mer de 3 à 12 milles marins. De manière intentionnelle,
la Chine est en train de sortir la note diplomatique de son contexte
historique, de la dénaturer et de l’interpréter arbitrairement afin de
servir ses revendications territoriales injustifiées.
Deuxièmement,
étant l’une des parties signataires de l’Accord de Genève de 1954, la
Chine doit savoir que selon les dispositions de cet Accord, les
archipels de Hoang Sa et Truong Sa, qui se trouvent au sud du 17ème
Parallèle, étaient placés sous le contrôle de la République du Vietnam
et ne relevaient pas de l’administration du Gouvernement de la
République Démocratique du Vietnam. La République Socialiste du Vietnam –
Etat du Vietnam unifié depuis 1976 – a immédiatement hérité et confirmé
de manière continue la souveraineté sur ses archipels, souveraineté qui
a été établie solidement au cours de l’histoire par différents
représentants du Vietnam.
En 1974, la Chine a recouru à la
force pour envahir l’ensemble de l’archipel de Hoang Sa du Vietnam. Le
Gouvernement de la République du Vietnam ainsi que le Gouvernement
révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam se sont
protestés contre l’invasion chinoise. La République du Vietnam a demandé
au Conseil de Sécurité des Nations Unies de tenir une session
extraordinaire sur le recours par la Chine à la force. Au regard du
droit international relatif à l’acquisition de territoires, l’occupation
d’un territoire par la force ne peut pas conférer au profit de
l’occupant la souveraineté sur ledit territoire.
Le
dirigeant Deng Xiaoping, qui était en 1958 Secrétaire général du Parti
communiste chinois, connaissait parfaitement le contexte historique des
documents invoqués actuellement par la Chine. C’est pourquoi en
septembre 1975, dans un entretien avec le dirigeant vietnamien Le Duan -
Secrétaire général du Parti communiste vietnamien, monsieur Deng
Xiaoping, en qualité de vice-président du Parti communiste chinois et
vice – Premier ministre, a reconnu que les deux pays avaient des points
de vue divergents concernant la souveraineté sur les archipels de Hoang
Sa et Truong Sa et que les deux pays se discuteraient ultérieurement
pour y trouver une solution. Un mémorandum du Ministère chinois des
Affaires étrangères en date du 12 mai 1988 a clairement relaté le
contenu des propos de Deng Xiaoping. Le Vietnam demande à la Chine
qu’elle respecte cette vérité historique et qu’elle procède sérieusement
aux négociations avec le Vietnam relatives à la souveraineté sur
l’archipel de Hoang Sa.
3. Le Vietnam s’est efforcé avec
bonne volonté de résoudre la tension actuelle par la négociation et par
d’autres moyens pacifiques, suite à l'implantation illégale par la Chine
de la plate-forme de forage Haiyang Shiyou-981 dans la zone maritime du
Vietnam mais la Chine a réagi de manière non constructive
Depuis
plus d’un mois, en conformité avec la Charte des Nations Unies, la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, la
Déclaration sur la conduite des Parties en Mer Orientale et les accords
de haut niveau entre les deux pays, le Vietnam s’est efforcé de prendre
contact et de dialoguer avec la Chine sous différentes formes et à
différents niveaux afin de lui demander de mettre fin aux actes de
violation des droits souverains et de la juridiction du Vietnam, de
respecter la souveraineté du Vietnam sur l’archipel de Hoang Sa, de
créer ainsi les conditions nécessaires aux négociations visant à trouver
des solutions de stabilisation de la situation et de gestion des
questions maritimes bilatérales. Le Vietnam a procédé à plus de 30
échanges avec les organes compétents chinois, mais la Chine refuse
toujours les négociations effectives.
Non seulement la
Chine n’a pas répondu à la bonne volonté du Vietnam, mais elle s’est
livrée à des accusations infondées et faussant la vérité, en déclarant
que les bateaux vietnamiens ont réalisé plus de 1.500 percussions contre
les bateaux chinois, sans pour autant fournir aucune preuve de ces
percussions. Or, le Vietnam a rendu publiques plusieurs vidéos et photos
dénonçant les actions agressives et violentes des forces chinoises :
percuter les bateaux vietnamiens, utiliser les canons à eaux contre ces
derniers, faire sombrer un bateau de pêche du Vietnam et blesser des
dizaines de Vietnamiens. Le Vietnam a invité des journalistes
internationaux à se rendre sur les lieux et ceux-ci ont relaté le
déroulement des événements de manière objective.
La cause
directe de la tension actuelle est l’installation illégale par la Chine
d’une plate-forme de forage dans la zone économique exclusive et sur le
plateau continental du Vietnam. Or, la Chine a déclaré qu'il s'agissait
de sa zone maritime. Le Vietnam a fait preuve de bonne volonté et
demandé plusieurs fois à la Chine de retirer la plate-forme pour que les
deux parties puissent trouver pacifiquement une solution sur la base du
droit international. Mais la Chine se refuse obstinément de retirer la
plate-forme et de procéder aux négociations. Ainsi, la déclaration
chinoise selon laquelle la porte aux négociations reste ouverte ne
correspond pas à la réalité. Encore une fois le Vietnam demande à la
Chine de respecter le droit international, de mettre fin immédiatement
aux actes de violation des droits souverains et de la juridiction du
Vietnam dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental
du Vietnam, de retirer la plate-forme ainsi que les autres équipements
de la zone maritime du Vietnam et de ne pas répéter les actes similaires
dans l’avenir. Le Vietnam renouvelle à la Chine sa demande de résoudre
tous les différends, y compris ceux portant sur la souveraineté
territoriale et sur la juridiction en mer, par les moyens pacifiques en
conformité avec le droit international dont la Convention de 1982 des
Nations Unies sur le droit de la mer.-VNA