Le thé au lotus (ou "trà sen" en vietnamien), une des spécialités gastronomiques les plus distinguées de Hanoi, est confectionné avec des fleurs cueillies sur le lac de l'Ouest, le plus grand plan d'eau de la capitale. Sa préparation est tout un art.

Depuis des temps reculés, les Vietnamiens savent parfumer le thé avec de nombreuses espèces de fleurs: lotus, jasmin, chlorantus, chrysanthème….mariant parfum du thé et senteurs florales pour profiter ainsi de toutes les fragrances du ciel et de la terre. Chaque fleur offre au thé son arôme particulier mais la plus originale est le lotus.

La saison de floraison des lotus commence au 4e mois du calendrier lunaire. Le rose des fleurs se mêle harmonieusement au vert tendre des feuilles très grandes qui recouvrent toute la surface de l'eau. Ici et là, de petites barques glissent silencieusement, avec à leur bord une ou deux personnes cueillant délicatement les fleurs à peine épanouies.

L'aromatisation du thé est un travail artisanal qui demande autant de peine que d'amour. Un kilogramme de thé demande 1,4 kg d'étamines provenant d'environ 1.400 fleurs qui doivent être traitées immédiatement après la cueillette. Il faut choisir de grandes fleurs d'un rose éclatant, réputées comme les plus parfumées. Elles doivent être cueillies avant le levée du soleil, quand leur parfum ne se dégage pas encore.

La première opération consiste à détacher les étamines des fleurs fraîches, appelées "gao sen" (grain de riz du lotus). L'aromatisation se fait dans un vase en porcelaine où l'on dépose par couches, en alternance, thé et étamines. Le thé est ensuite séché, avant être remis dans le vase. Ainsi de suite, à 5 ou 6 reprises, pendant presque un mois. Le thé est ensuite séparé des étamines au moyen d'un van. Un travail des plus méticuleux qui explique le prix exorbitant du "trà sen".

Choisir le thé, le préparer et l’offir sont des comportements culturels qui témoignent d'un art de vivre. Le boire en est un également. La théière et les tasses de porcelaine blanche ou rose mettent en valeur l'ambre du thé. Et il faut tout d’abord réchauffer la théière à l’eau bouillante avant d’y introduire en douceur une pincée de thé, juste suffisante pour la taille de l’objet et y verser de l’eau.

L'infusion est versée dans une tasse mère, puis dans de petites tasses pour être dégustée. Le bon thé parfumé a une saveur spéciale, très douce, aggrémentée d’un parfum léger et fin. Il faut humer légèrement en absorbant de toutes petites gorgées pour ressentir toute la quintessence du breuvage. Le Vietnamien boit du thé avec ses cinq sens, voire avec toute son âme.

Boire du thé ne sert pas simplement à étancher sa soif mais aussi à témoigner d’une amitié profonde, manifester un esprit de concorde et d’entente avec son hôte. On échange des confidences, on parle d’une affaire de famille ou on discourt sur le monde. Tous les parfums du ciel et de la terre, des êtres et des choses sont rassemblés dans une tasse de thé.-VNA