Les épopées anciennes, Ot N’Rông en langue M’Nong, constituent une formidable source d’informations qui fait désormais l’objet de nombreux projets de préservation à tous niveaux.

L'épopée est un genre littéraire oral extrêmement développé sur les Hauts-Plateaux du Centre, qui consiste en un long poème déclamé se rapportant soit à la vie quotidienne, soit aux mythes de la création. Chez les M’Nong, on en répertorie des centaines. Certaines d’entre elles comportent des dizaines de milliers de vers et tiennent le public en haleine plusieurs nuits durant, car c’est sous les étoiles, au coin du feu, que s’épanouissent ces récits. Faut-il le préciser, les conteurs d’épopée passent pour être doués d’une mémoire prodigieuse qui leur confère une aura toute particulière. Dieu Klung est l’un des artistes les plus talentueux, encore vivant, bien sûr, du hameau de Tul A, un hameau de la province de Dak Lak, rattaché au district de Buon Don. Déjà septuagénaire, il est capable de vous narrer une centaine d’épopées de son ethnie.

« Personne ne sait quand les épopées sont apparues. Elles ne se transmettent qu'oralement. Je les tiens moi-même de mes grands parents et, maintenant, j’essaie à mon tour de les transmettre aux jeunes. » indique-t-il.

« Transmettre »… Pas facile, à vrai dire. Un conteur d’épopées digne de ce nom doit pouvoir répondre à divers critères. Il doit tout d’abord être pourvu de cette mémoire prodigieuse qui lui permettra de mémoriser des ouvrages... homériques - évidemment ! - sans les confondre. Il doit aussi être dotée d’une voix puissante, susceptible de restituer les moindres nuances du récit.

Aussi surprenant cela soit-il, les conteurs préfèrent se tenir couchés, l’avant-bras posé sur le front, les yeux mi-clos, afin de se concentrer.

Hors de l’espace culturel des gongs des Hauts-plateaux du Centre, reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel et oral de l'humanité, les M’Nong possèdent eux aussi leur propre patrimoine, à commencer par Ot Nrông, qui est l’une des épopées les plus colossales qui soient.

Les conteurs, véritables bibliothèques vivantes, sont le seul « moyen » de préserver toutes ces épopées séculaires. Mais ils ont tendance à se faire rare et de toutes façons, vieillissant. Autant dire qu’il y a péril en la demeure !

En 2005, des cours de conte d’épopées ont été ouverts aux jeunes M’Nong, à l’initiative de l’Institut de recherches culturelles du Vietnam.

« Les M’Nong du district de Chu Mgar sont très motivés, déclare Luong Thanh Son, du musée d’Ethnographie de Dak Lak. Ils initient leurs enfants à l’art de conter les épopées. Les conteurs sont quant à eux des trésors vivants, très respectés dans la communauté. De toutes façons, tout le travail de préservation que nous entreprenons doit prendre appui sur une vraie motivation. »

Les épopées permettent aux jeunes M’Nong de remonter à leurs origines et de ressentir la légitime fierté de leur appartenance ethnique. Souhaitons donc qu’ils aient à cœur d’entretenir la flamme dans les hameaux de Tây Nguyên. -VOV/VNA