L’élan que nourrit la triple sauteuse Trân Huê Hoa pour son sport a toutes les chances de la hisser au plus haut niveau. Déjà performante sur l’arène régionale, elle ne compte pas, à 22 ans, s’arrêter en si bon chemin et voit plus loin.

Chaque séance d’entraînement «démarre» selon le même rituel : 20 minutes à balayer la piste d’élan du sautoir du stade Thông Nhât, à Hô Chi Minh-Ville, et à lisser le bac à sable pour éviter toute mauvaise surprise. Viennent ensuite une heure de mise en jambe avec divers exercices physiques, puis la séance à proprement parler, exigeante, éreintante, lorsque le soleil est déjà haut dans le ciel.

Cette exigence, Trân Huê Hoa la connaît bien, elle qui a été la seule «rescapée» de l’entraînement commando qu’on lui a fait subir aux côtés de ses jeunes camarades de la classe des jeunes athlètes saïgonnais prometteurs. Sur les plus de dix apprenants, elle a été la dernière après un an soumise à ce régime, bien déterminée à faire carrière dans l’athlétisme. 

Hue Hoa, de la hauteur au triple saut, il n’y a qu’un pas hinh anh 1


Une course d’obstacles

Le visage impassible en dépit de la chaleur étouffante qui accable l’enceinte du stade Thông Nhât, Trân Huê Hoa est concentrée sur sa séance, sous les consignes de son coach Nguyên Nam Nhân. Au programme, exercices en fractionné, puis répétitions de triples sauts. Les traits tirés par l’effort, l’athlète enchaîne les sauts sans broncher. Vient ensuite la délivrance, avec les indispensables étirements pour soulager son corps meurtri et faciliter d’autant la récupération.

Huê Hoa a surpris tout le monde en prenant la décision de devenir athlète de haut niveau. À commencer par sa famille à Saigon. Mais à y regarder de plus près, ce choix s’inscrit dans une forme de logique, elle qui a toujours été très remuante et plus encline à s’amuser avec les jeux «réservés» aux garçons qu’à jouer à la poupée...

À l’école déjà, elle participe à presque tous les concours sportifs scolaires, avec à chaque fois ou presque la même réussite : le premier prix, notamment en athlétisme - il n’y a pas de secret. À 14 ans, la jeune fille décroche son premier titre national en 2005, chez les juniors en saut en hauteur. Ce qui prête à sourire aujourd’hui est de voir qu’à l’époque, la jeune fille, au lieu de célébrer cette première perf de choix dans une allégresse somme toute légitime, était très inquiète à l’idée que ses parents l’apprennent, elle qui leur avait caché qu’elle faisait de l’athlétisme. Entrepreneur en génie civil, son père était totalement réfractaire à l’idée de voir sa fille emprunter cette voie qui, selon lui, ne pouvait rien lui apporter de bon - blessures et précarité, entre autres. « Mon père souhaitait que je passe un concours d’entrée à l’université pour assurer mon avenir. Après chaque séance d’entraînement, j’essayais de cacher tant bien que mal la fatigue pour qu’il ne se doute de rien...», nous raconte l’athlète.

Cette médaille d’or lui vaut une convocation en sélection des jeunes sportifs prometteurs de la mégapole du Sud, avec une allocation mensuelle de quelques centaines de milliers de dôngs. Il faudra toute la persuasion de ses entraîneurs pour convaincre son père de la laisser poursuivre, même si le cœur n’y est pas.

Ce premier obstacle levé, Huê Hoa n’est cependant pas au bout de ses peines. La hauteur - puis le triple saut ensuite - met à contribution ses genoux, ses chevilles, doux euphémisme. Le spectre de la blessure la hante continuellement. « S’il n’y avait pas cette flamme qui brûle en moi, je pense que j’aurais lâché l’affaire depuis bien longtemps », confie la sauteuse dans un sourire.

L’audace récompensée

Spécialiste à ses débuts du saut en hauteur, elle décroche une médaille d’argent en deux participations (2008 et 2009) aux championnats du Vietnam d’athlétisme. Une belle performance au vu de la concurrence qui règne dans la discipline, avec notamment Bùi Thi Nhung et Duong Thi Viêt Anh. Affamée de victoires, elle décide de troquer la hauteur pour le triple saut. Un pari risqué. 

Hue Hoa, de la hauteur au triple saut, il n’y a qu’un pas hinh anh 2


Cette volte-face s’avère payante, puisqu’elle décroche son premier titre national dans la discipline en 2011. Elle récidive, toujours en 2011 mais aux SEA Games (Jeux sportifs d’Asie du Sud-Est) cette fois-ci en Indonésie, record national à la clé (dont elle est déjà la détentrice), en retombant à 13,76 m.

Ses performances font que l’argent n’est plus (trop) un problème pour elle. Autonome financièrement, Huê Hoa peut même aider sa petite sœur à couvrir ses dépenses universitaires. Elle-même se lancera dans des études à l’université afin d’assurer sa reconversion professionnelle une fois sa carrière terminée. « J’aimerais entraîner dans l’athlétisme afin de ne jamais rester éloignée de la piste. Mais j’ai le temps avant d’y penser. Dans l’immédiat, je veux aller chercher une médaille sur l’arène régionale », nous dévoile, déterminée, l’athlète. Une jeune femme qui, malgré ses désirs d’envol, garde les pieds bien ancrés dans le sol. Serait-ce la meilleure façon de marcher ? - VNA