A Thanh Hoa, le chant ca trù revit
Selon la légende, le ca trù (chant des courtisanes), un type de chant
folklorique des plus originaux, autrefois chanté par les courtisanes,
serait apparu dans la province de Thanh Hoa (Nord) sous la dynastie des
Ly (1010-1225) et puis des Trân (1225-1400). Le chant ca trù a connu au
XIX e siècle son apogée dans cette localité. Au début du XXe siècle,
les villages et les familles de chanteurs ca trù de Thanh Hoa ont
acquis de la réputation. Dans certains districts, le nombre de villages
de chanteurs s’est élevé à des dizaines. De nombreuses lignées
familiales comme celles des Nguyên, Lê, Dinh, Dào, Trân étaient
réputées pour leurs chanteurs talentueux...
Aujourd’hui,
beaucoup de villages de chanteurs représentatifs de Thanh Hoa gardent
encore les traces de ce passé glorieux du chant des courtisanes.
Certains vestiges, objets relatifs au ca trù de la province de Thanh
Hoa ont été mentionnés dans le dossier sur cet art traditionnel, soumis
à l’UNESCO, en vue de sa reconnaissance au patrimoine culturel de
l’humanité. Ainsi, on peut citer la maison de culte des fondateurs de
la lignée des Hà avec la malle contenant des habits et un édit royal de
la chanteuse Hà Thi Tham (domiciliée dans le district de Hoàng Hoa), le
tombeau de la chanteuse Trân Thi Duyên (dans le district de Vinh
Lôc)...
Vers la fin du XX e siècle, le ca trù de Thanh
Hoa est quasiment tombé dans l’oubli à la suite de diverses
vicissitudes socio-historiques. Ces dernières années, en réponse au
programme d’action national relatif à la renaissance et à la
préservation du ca trù, le Service provincial de la culture de Thanh
Hoa a procédé à la collecte et l’étude des chants. De nombreux
colloques, festivals de chants ont été organisés pour présenter le ca
trù de Thanh Hoa au public de l’ensemble du pays. La province a envoyé
certains jeunes musiciens et chanteurs se former au ca trù par le
Département des arts et des représentations. Dans la province, des
formations ont été ouvertes à l’intention des jeunes amateurs des
districts et communes. Ces formations ont été animées par les deux
vieux maîtres Ngô Trong Binh et Nguyên Thi Kim. Thanh Hoa encourage
aussi les clubs de ca trù de la province à participer aux festivals
nationaux de chants folkloriques.
Outre l’effort du
Service provincial de la culture, de nombreux vieux chanteurs et
musiciens ont contribué à la préservation du chant ca trù en
transmettant leur expérience et amour pour cet art aux jeunes
générations. Parmi ces vieux artistes amateurs, le musicien Ngô Trong
Binh, 84 ans, responsable du club de ca trù et de chant populaire Thành
Hac, et la chanteuse Nguyên Thi Kim, 89 ans, en sont les figures les
plus représentatives.
Né d’une famille de chanteurs, le
musicien Ngô Trong Binh a été initié par son père aux instruments
musicaux. À l’âge adulte, il se rend à Vinh (province de Nghê An,
Centre) pour travailler dans les troupes de chanteurs de ca trù
célèbres. En 1945, la terrible famine et d’autres bouleversements
historiques ont provoqué la fermeture des théâtres et troupes de
chanteurs de ca trù. Le musicien et chanteur Ngô Trong Binh a dû gagner
sa vie par d’autres métiers. En l’an 2000, le vieux musicien a eu
l’occasion de retrouver son ancien métier et sa passion, le ca trù. Ngô
Trong Binh peut chanter les anciens airs tout en jouant du luth à trois
cordes (dàn day). Il écrit aussi de nouvelles paroles sur de vieilles
mélodies.
Avec le souhait de transmettre l’art
traditionnel aux jeunes générations, Ngo Trong Binh a fondé en août
2007 le club de ca trù et de chant folklorique Thành Hac. Le club
réunit aujourd’hui une vingtaine de jeunes. Ils se réunissent deux ou
trois fois par semaine pour apprendre l’art traditionnel. Le club du
vieil artiste amateur Trong Binh a participé à de nombreux festivals de
ca trù et remporté beaucoup de récompenses.
En
reconnaissance au talent du maître Ngô Trong Binh et de ses
contributions à l’oeuvre de préservation de l’art traditionnel, l’État
lui a décerné en 2005 le titre d'"Artiste du peuple". Le ministère de
la Culture, des Sports et du Tourisme lui a également offert l’Ordre
«Pour l’oeuvre de la culture».
La chanteuse Nguyên Thi
Kim est issue de la famille de Nguyên Thê (village de Phuong Doài),
l’unique famille de chanteurs du district de Nông Công. Dès l’âge de 12
ans, Nguyên Thi Kim est devenue la chanteuse principale d’une troupe de
chanteurs de ca trù. Aujourd’hui, cette vieille chanteuse se souvient
toujours des airs anciens et de leurs paroles... Elle fait partie des
trois chanteuses dont la voix a été enregistrée par l’Institut national
de musique. L’enregistrement de sa voix si particulière a été ensuite
envoyé en France pour des analyses scientifiques. Le trésor vocal de
Nguyên Thi Kim sera ainsi préservé. Elle est toujours prête à
transmettre ses secrets de ca trù aux jeunes élèves. - AVI