Trân Thi Ngoi, l’enseignante qui écoute avec le cœur
Avant de donner une
nouvelle orientation à sa carrière en 1980, Mme Ngoi était enseignante
dans le secondaire en cycle ordinaire. Aujourd'hui, à 70 ans, alors que
tous ses amis et collègues ont choisi de prendre une retraite bien
méritée, elle a décidé de continuer à travailler et de conserver son
poste de directrice de l’ É cole pour sourds et malentendants de Hy
Vong I (signifiant "espoir").
Elle y est notamment
chargée d'enseigner la langue des signes, et est interprète au tribunal,
au bureau notarial et au poste de police.
Très
touchée par la situation de ces jeunes qui avaient besoin d'un sérieux
coup de pouce pour communiquer, M me Ngoi a décidé, il y a plus de 30
ans, d'apprendre la langue des signes et de poser sa candidature à l’ É
cole des sourds et muets de Lai Thiêu (province de Binh Duong, au nord
de Hô Chi Minh-Ville). « Comme toute langue étrangère, pour atteindre
un bon niveau, il faut être patient et s'entrainer sans relâche. Les
professeurs capables de s'exprimer via ce moyen d'expression sont
aujourd'hui irremplaçables dans le centre ", a-t-elle expliqué.
Loin
de sa famille, elle a cependant pris le parti en 1985 de rentrer dans
la métropole du Sud. À l'époque, il n’y avait pas encore d’école pour
sourds et muets dans la ville, et elle demanda à enseigner au Centre
pour aveugles Nguyên Dinh Chiêu. Elle y était très impliquée, mais a
rapidement voulu revenir à ses premières amours.
Ainsi, dès qu'elle avait un peu de temps libre, elle prenait son vélo et
parcourait la ville à la recherche de personnes sourdes et muettes
(garages, ateliers de serrurerie...). Un exercice des plus impertinents
qui a payé. Elle a invité ces jeunes à son domicile pour les former, et
leur a donné des cours gratuits, trois fois par semaine. Au départ,
cette classe improvisée ne comprenait pas plus de six ou sept élèves,
mais elle augmenta vite son effectif pour atteindre une dizaine
d’étudiants. L’idée de l’école pour déficients auditifs Hy Vong I a
ainsi vu le jour, dans le 10 e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville.
L’école Hy Vong
Pour soutenir
cette initiative, les dirigeants du Comité populaire de Hô Chi
Minh-Ville et l’archevêque de la Cathédrale Notre-Dame de Saigon ont
offert une partie du terrain de cette dernière à M me Ngoi. L’école Hy
Vong I a alors été transférée du 10e arrondissement au 1er, rue Công xa
Paris, quartier de Bên Nghe. Par la suite, elle a pris la décision
d'élargir ses compétences en suivant des formations spécialisées en
France et aux Pays-Bas. Ainsi, est-elle devenue enseignante
professionnelle pour sourds et malentendants.
Le
centre réunit aujourd’hui 110 élèves qui apprennent la didactique et
participent à des activités périscolaires. Les plus jeunes pratiquent,
écoutent et parlent. Les plus âgés dansent, jouent d'un instrument et
s'initient à l'informatique. À part les travaux ménagers, ils sont
formés à la coiffure, à la couture, à la broderie ou à la fabrication de
produits artisanaux. Les professeurs les encouragent toutefois à lire
des livres et des journaux pour élargir leurs connaissances.
« Au départ, ils n'avaient pas les moyens de se procurer de prothèse
auditive. Je leur en ai fabriqué de manière artisanale, avec un simple
entonnoir et un tube de caoutchouc. L'État japonais nous a ensuite
soutenu en nous en offrant de véritables. Les étudiants furent très émus
», a souligné M me Ngoi.
Après Hy Vong I, la plupart intègrent
des formations professionnalisantes dans des centres spécialisés. « Il y
a trois ans, le groupe Samsung nous a fait un don d'ordinateurs et
d’argent. Notre école coopère par ailleurs avec l’université Van Lang
dans la formation en technologie de l'informatique. Certains de nos
élèves ont ainsi trouvé un bon poste, et m’ont confié percevoir un
salaire de quatre millions par mois ”, a-t-elle fait savoir. – VNA