La mue spectaculaire

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A l’occasion du 2e Sommet entre les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) à Hanoi, la chaîne américaine CNN amène ses lecteurs à (re)découvrir la capitale vietnamienne, hôte de cet événement historique.

Le 18 décembre 1972, deux bombardiers américains B-52 ont décollé de l’aérodrome U-Tapao en Thaïlande et de la base aérienne Andersen à Guam pour lancer ce que l’un des officiers de l’US Air Force a qualifié de “la plus grande opération de l’histoire de la puissance aérienne”.

Leur destination: la capitale vietnamienne Hanoi. Leur mission: bombarder une ville considérée à l’époque comme la plus fortement fortifiée du monde. La mission serait répétée pendant 11 jours consécutifs.

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Cette semaine, cette même ville accueillera le président américain Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong Un pour leur deuxième réunion en personne.

En 1954, la ville comptait 53.000 habitants et seulement 152 km2. Aujourd’hui, elle s’étend sur plus de 3.000 km2 et compte plus de 7 millions d’habitants. Les gratte-ciel dominent les banlieues les plus récentes à la périphérie de la ville. Les magasins et restaurants sont omniprésents.

Sa mue depuis la fin de la guerre et le début du “Dôi moi” ou Renouveau sont considérés comme l’une des principales raisons pour lesquelles elle a été choisie pour accueillir le Sommet Trump-Kim.

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Pour les États-Unis, le Vietnam est la preuve que l’inimitié ne doit pas durer éternellement. Pour la République populaire démocratique de Corée, c’est la preuve que son système politique peut piloter une économie dynamique.

Duong Van Mai Elliott a passé les quatre premières années de sa vie à Hanoi, avant de déménager avec sa famille à Saigon en 1954. Elle écrira ensuite un roman relatant l’expérience de sa famille, “Sacred Willow: Four Generations in the Life of a Vietnamese Family” (Saule sacré: Quatre générations dans la vie d’une famille vietnamienne), finaliste du prix Pulitzer.

Même si Elliott était jeune quand elle a quitté Hanoi, elle se souvient de la ville comme “une ville très calme et romantique, très ancienne, pleine d’histoire et de traditions”.

“À cette époque, les Français étaient au Vietnam depuis près de quatre-vingts ans et Hanoi avait acquis une apparence française, posée au-dessus et à côté de l’ancienne Hanoi”, a dit Elliott.

Presque personne n’avait de voiture, a-t-elle ajouté. Les embouteillages et la pollution étaient inexistants.

“Les vieux quartiers de petites ruelles et de petits magasins, où ma grand-mère maternelle avait son magasin de soie, étaient encore plus ou moins intacts, bien que transformés avec des infrastructures modernes tels que des trottoirs et des rues pavés, de l’eau courante et de l’électricité”, a-t-elle confié.

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Hanoi a subi les coups les plus dévastateurs de la guerre contre les États-Unis à la fin de 1972 durant l’opération Linebacker II, une mission mieux connue sous le nom de bombardement de Noël. Le but était de ramener le Nord à la table des négociations après le blocage des négociations et l’administration du président américain Richard Nixon pensait qu’une campagne de choc et de crainte ferait l’affaire.

Lors d’une conversation tenue le 17 décembre à Washington, le conseiller à la sécurité nationale Henry Kissinger a dit au président Richard Nixon qu’il pensait que les Vietnamiens allaient “être profondément ébranlés”. “Ils vont être tellement surpris “, a déclaré Nixon.

À la fin de l’opération Linebacker II, l’US Air Force avait effectué plus de 700 sorties de bombardiers B-52 et largué 15.000 tonnes de munitions. Plus de 1.300 personnes ont été tuées à Hanoi.

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Elliott a fait savoir que ses proches à Hanoi lui avaient dit que les bombardements de Noël avaient été l’expérience la plus effrayante pour eux tout au long de la guerre. “Les bâtiments ont tremblé”, a-t-elle dit. “Ils pensaient qu’ils allaient mourir.”

“Ceux qui ont survécu m’ont dit quand ils sont sortis pour regarder, ils ont trouvé des cadavres qui gisaient dans les parages”, a-t-elle poursuivi. “Jusqu’à aujourd’hui, ils peuvent encore sentir les corps en décomposition.”

L’hôpital Bach Mai a été touché lors du bombardement, tuant des patients et le personnel de l’hôpital. L’une des principales structures de l’hôpital a été lourdement endommagée.

Le Dr Carl Bartecchi de l’Université du Colorado se rend à l’hôpital deux fois par an pendant deux ou trois semaines pour enseigner aux étudiants. Il y va depuis 1997, quand la majeure partie de la ville était très différente.

“Vous arriviez en ville en voiture et c’étaient tous les champs de riz. Vous verrez des buffles, des gens qui y travaillent,” s’est souvenu Bartecchi.

“Maintenant, il y a beaucoup de bâtiments qui y sont construits et des palmiers se dressent le long de la route. De nouveaux ponts mènent en ville et, le long du chemin, vous verrez de nouveaux immeubles de grande hauteur”.

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Mais les quartiers les plus anciens de la ville ont conservé un certain charme. “La vieille ville, au nord du lac Hoàn Kiêm, n’a pas beaucoup changé”, a-t-il dit. “C’est vraiment un endroit soigné.”

La transformation de Hanoi n’a commencé qu’en 1986, plus de dix ans après la libération du Sud et la réunification nationale. C’est alors que Hanoi a adopté des réformes du marché visant à stimuler l’économie, connues sous le nom de Dôi moi.

La ville continue de respirer une relation dynamique entre l’ancien et le nouveau.

Nguyên Qui Duc était correspondant de la Radio publique nationale à Hanoi en 1989 et y est revenu en 2006. Muni d’une licence commerciale, il est devenu restaurateur. Il a indiqué reconnaître que des progrès avaient été accomplis ces dernières années. Les moyens de subsistance se sont améliorés et les gens ont un peu plus d’argent.

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Elliott a dit pour sa part ne pas avoir vu les réformes faire sentir leurs effets jusqu’après 1993, date de sa première visite à Hanoi en près de 40 ans. La ville semblait figée dans le temps, ayant gardé un peu de son charme mais étant tombé dans un état de délabrement.

“Rien n’avait vraiment beaucoup changé”, a raconté Elliott. “Je me souviens que les rues étaient désertes. Les gens circulaient sur de vieilles bicyclettes branlantes… Il y avait très peu de restaurants et de cafés, et même à ce moment-là, les habitants locaux ne pouvaient pas se le permettre.”

Mais Elliott a fait savoir qu’à chaque voyage qu’elle effectuait à Hanoi après son premier voyage, la ville serait “de mieux en mieux”. “La ville où se rencontreront Trump et Kim n’est plus marquée par les cicatrices de la guerre. C’est très moderne et pittoresque.”

Le président Trump et le leader Kim Jong Un vont emprunter de nouvelles autoroutes menant à la ville, “traverser le nouveau pont suspendu sur le fleuve Rouge, passer devant les maisons nouvellement construites, les immeubles, les magasins, les restaurants, les cafés et les hôtels”, a-t-elle dit.

“Ils verront une ville qui se remet d’une guerre dévastatrice et prospère dans l’économie mondiale – une métropole confiante dans la promesse d’avenir.”

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