De manière générale, les Vietnamiens lisent peu de littérature étrangère. Il faut dire que la traduction de romans populaires date seulement d’il y a une dizaine d’années au Vietnam. C’est, d’ailleurs sur ce constat qu’a été créée la maison d’édition Nha Nam, en 2005.
«Les romans francophones sont connus depuis longtemps, avec notamment Georges Simenon et Maurice Carême. Mais il y avait encore peu de livres de littérature étrangère, et nous avons ouvert la brèche» , nous indique Phùng Hông Minh, rédactrice au département francophone de Nha Nam. En huit ans, l’éditeur a ainsi fait traduire, puis publié plus de 140 ouvrages français, et quelques suisses et belges, parmi lesquels Amélie Nothomb, dont sept des romans sont disponibles en vietnamien, et Zep, dont le célébrissime Titeuf est désormais lui aussi connu des lecteurs du pays.
Côté français, les plus populaires sont les mêmes que dans l’Hexagone : Michel Houellebecq, Guillaume Musso, et Marc Lévy, dont le succès populaire n’est plus à démontrer. Ce dernier a d’ailleurs été traduit dans 40 autres langues dans le monde. «C’est nos meilleures ventes, entre 6.000 et 7.000 exemplaires par livre, c’est beaucoup pour le Vietnam», ajoute t-elle. «Les gens aiment ce qui est léger, facile à comprendre, romantique et drôle.
On trouve tout cela dans les romans francophones. Dans la littérature vietnamienne, il n’y a pas beaucoup d’humour, ce qui explique aussi par exemple le succès du +Petit Nicolas+. Nous venons aussi de traduire +La Délicatesse+, de David Foenkinos. Il mêle humour et amour. On a eu de bons retours et il devrait bien marcher». En revanche, les lecteurs vietnamiens ne raffolent pas de policiers, pourtant très populaires ailleurs. Selon Pham Xuân Thach, critique littéraire, «Avant 1945, ils étaient classés divertissement. Mais aujourd’hui, les hommes lisent des livres comme Comment devenir riche ? et les femmes des romans d’amour».
Attirer des ouvrages de qualité
Un constat au goût amer pour les grands adeptes de littérature comme lui. « Les films et les livres exportés au Vietnam subissent le même sort. Nous recevons ici les productions hollywoodiennes presque en même temps qu’elles sortent au États-Unis. Comme si on avait la même culture, qu’on regardait les mêmes choses, mais ce n’est pas le cas.
Quant aux films d’art et essai, on ne les reçoit jamais. C’est pareil en littérature. On importe beaucoup d’ouvrages de Chine et des États-Unis, et on aimerait lire d’autres œuvres, il n’y en a pas encore assez. Et les écrivains vietnamiens négligent les questions importantes de la société. Ils ne parlent pas assez d’actualité» , commente-t-il.
Les ventes de Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009, ont du mal à décoller au Vietnam.
Pourtant, des efforts sont faits de ce côté. Les éditions Nha Nam ont publié des auteurs plus littéraires comme Marcel Proust, George Sand, Marguerite Duras, Jean-Marie Gustave Le Clézio (prix Nobel 2008), et des prix Goncourt comme Atiq Rahimi (2008), Marie Ndiaye (2009) et Jérôme Ferrari, le lauréat 2012, en cours d’édition, avec Le Sermon sur la chute de Rome. «Mais ils sont bien moins populaires car difficiles à lire. On ne dépasse pas les 2.000 exemplaires vendus, et ils s’écoulent lentement, comme ceux sur l’actualité», nous explique la rédactrice de la maison d’édition.
Diversifier les auteurs
Toutefois, d’ici 2014, Nha Nam devrait publier L’Homme qui valait 35 milliards, du belge Nicolas Ancion. L’histoire surréaliste mais tellement d’actualité du patron d’une grande entreprise kidnappé par un artiste contemporain, qui l’oblige à réaliser des œuvres de plus en plus absurdes. Le romancier est venu au Vietnam il y a quelques semaines pour présenter son livre et a trouvé preneur pour une traduction dans les mois à venir.