Les vieilles bâtisses se meurent lentement
Sans ses maisons en
latérite, le village de Duong Lâm (Hanoi) ne serait très probablement
guère connu actuellement, et sans ses célèbres maisons-jardins, Huê
(Centre), la ville poétique, perdrait sans nul doute de cette beauté qui
la caractérise. Quand aux rangées de maisons de bois de Hôi An
(Centre), elles ont largement contribué à donner à cette cité de charme
une place sur les planisphères. Ces trois types de bâtisses anciennes
possèdent des différences marquées en termes d’architecture et de
matériaux utilisés, mais toutes témoignent de la grande créativité et du
goût de l’esthétique des générations précédentes. C’est pourquoi elles
sont considérées comme un patrimoine à protéger et à valoriser.
Cependant, la préservation de ces maisons n’est actuellement que
partielle, elle est réalisée soit dans les anciens villages, soit dans
les quartiers classés vestiges. Les autres sont majoritaires, elles sont
dans un mauvais état, ou ont été détruites pour en construire de bien
plus modernes.
À ce titre, la localité de Cu Dà, à
Hanoi, fait figure d’avant-gardiste. Il y a encore quelques années, elle
recelait une centaine d’anciennes maisons qui trouvaient leur richesse
dans leurs tuiles en forme de bout de babouche (sorte de tuile ancienne)
et dans leurs piliers de bois de lim . Aujourd’hui, deux tiers
d’entre elles sont devenues des édifices de béton de plusieurs étages,
avec armature en acier.
Des traces paisibles du
village de fabrication de vermicelles et de tuong (sauce soja
fermentée, condiment très répandu au Vietnam et réputé autrefois dans le
Nord, ndlr), il ne reste actuellement que la porte d’entrée de la
commune. Idem pour le village de Thô Hà, dans la province de Bac
Giang (Nord), qui possédait quelque cinquante vieilles bâtisses. Il en
reste la moitié. Enfin, à Duong Lâm, quand les autorités locales ont
décidé d’élaborer un dossier à l’UNESCO pour reconnaître le village
patrimoine culturel mondial, plusieurs foyers se sont montrés
indifférents, préférant vivre dans des lieux confortables plutôt que
dans d’anciennes maisons.
Dans l 'ancienne cité de Hôi An , la
difficulté est toute autre : le budget manque. Selon Vo Dang Phong,
directeur adjoint du Centre de gestion et de préservation des
patrimoines culturels de la ville, « depuis que Hôi An a été classée
patrimoine mondial en 1999, deux centaines d’anciennes maisons ont
bénéficié d’un coup de lifting. Mais il en reste encore des dizaines
d’autres en mauvais état ou en ruine ». Et d’ajouter : « C’est la même
chose dans l’ancien quartier de Hanoi. Il faut donc se réveiller. Même
si, aujourd’hui, la situation est telle que nombreuses sont celles qui
ne pourront être sauvées. Leur densité est trop importante ».
Quelles orientations futures ?
Actuellement,
l’enjeu majeur est de faire prendre conscience aux habitants de
l’importance de la protection de ces maisons, car eux-mêmes ont leurs
propres aspirations. Ce qui signifie que préservation doit rimer avec
respect des droits et des intérêts des habitants.
Les
localités concernées s’engagent de plus en plus. Ainsi, pour réduire la
densité de certaines habitations et donc prévenir le délabrement des
maisons du vieux quartier, la ville de Hanoi a permis à une trentaine de
foyers d’être relogés dans le village de Duong Lâm. La province de Bac
Liêu (dans le delta du Mékong), de son côté, soutient financièrement les
propriétaires pour les aider à réparer leurs maisons ; et celle de
Quang Nam a avancé 7,7 milliards de dôngs pour ses collectivités, en
particulier pour la ville de Hôi An à qui elle a octroyé un taux
d’intérêt à 0%. Une partie de ces enveloppes émane du ministère de la
Culture, des Sports et du Tourisme, qui a consacré des centaines de
milliards de dôngs à appuyer les localités possédant des anciennes
bâtisses. Un budget toutefois encore insuffisant au regard des besoins.
Ainsi,
selon le professeur Hoàng Dao Kinh, un architecte qui dès 1982 a pris
l'initiative de la conservation du patrimoine de Hôi An, la solution à
adopter sur le long terme consisterait à allier préservation et
développement.
« L’ensemble de ces constructions doit devenir
une valeur du patrimoine urbain ou du patrimoine architectural rural
(comprenant d’anciennes architectures et de nouveaux édifices, ndlr), et
non plus être considéré seulement comme des vestiges. De fait, ces
derniers font l’objet de préservations à l’identique. Il faut pouvoir
adapter ces bâtiments à la vie moderne, garder leur architecture et leur
aspect originel, tout en leur permettant d’être confortablement
habitables », a-t-il indiqué.
À la lumière du manque de fonds
disponibles et des enjeux cités, il peut être intéressant de soutenir
les prêts afin que les habitants protègent eux-mêmes leurs patrimoines.
L’expérience de Quang Nam constitue dans ce sens un modèle qui peut être
généralisé dans d’autres localités du pays. – VNA