De Hanoi à la rive gauche du fleuve Rouge, des villages dont les paysages et les ruelles sont façonnés par un riche patrimoine culturel, architectural et technique, racontent l'histoire de la poterie, un des arts artisanaux majeurs du Vietnam.


C'est l'occasion de se rendre au village de poterie de Phù Lang, commune de Dai Lân, district de Quê Vo, province de Bac Ninh, situé à une trentaine de kilomètres au nord de Hanoi. Les sentiers serpentant sont couverts des deux côtés de "murs" construits en urnes ou faits de coffrets funéraires en céramique. Des fours dragon échafaudés sur trois niveaux, des tas de bois de chauffage bien alignés, des tapis jaunes de riz mûr dégageant un parfum agréable… Ce patelin où se perpétue douceur et tradition, a connu son "âge d'or" entre le 17e et le 19e siècles.


Les villageois locaux qui fabriquaient brûle-parfums, cassolettes, jarres, chopes, marmites... d'émail brun clair, se sont lancés dans la conception de nouveaux vases, pots et décorations architecturales aux inspirations plus modernes. "Tout le village est tourné vers la poterie. À peine savent-ils aligner leurs premiers pas que les enfants jouent déjà avec des objets en céramique. La passion pour la poterie coule dans les veines des villageois", raconte Nguyên Van Cuong, un des artisans les plus chevronnés de Phù Lang.


La poterie de Phù Lang se caractérise par l'utilisation d'un émail brun clair et de glaise rouge, qui n'existent que dans ce village. Cet émail est fabriqué à partir d'un mélange savamment dosé de trois matières principales que sont la cendre de bois de bonne qualité, la glaise rouge et la pierre.


Le village regorge d'ateliers familiaux disséminés un peu partout, dont plusieurs existent parfois depuis plusieurs générations, ainsi que des petites sociétés de production. Depuis la relance du métier grâce à la fabrication d'urnes funéraires, le style de poterie répandu à Phù Lang (celle qui est en glaise cendrée d'aspect clairement artisanal) a repris du galon. Nombre de restaurants de la capitale se voulant chics ou d'ambiance artistique s'en servent désormais pour leur mobilier. On pourra contempler une grande variété d'articles à tous les stades de fabrication, qui, une fois terminés, peuvent être achetés directement chez l'artisan à des prix défiant toute concurrence hanoïenne.


La céramique de Phù Lang ne s'arrête pas à une simple fabrication. En effet, chaque artisan s'investit selon son inspiration dans la conception d'un objet. C'est ainsi qu'un artisan du cru est devenu un artiste à part entière. Se consacrant corps et âme à la poterie, Vu Huu Nhung a expérimenté diverses matières sur la céramique et trouve l'inspiration dans la nature pour créer les formes qu'il veut donner aux objets en céramique qu'il confectionne : une cheminée usée par le temps, un morceau de bois pourri..., le tout dans un style qui n'appartient qu'à lui.


Ce jeune céramiste et peintre médiatique semble jouer sur du velours. Parti de très peu, mis à part ses origines avec les pieds solidement ancrés dans l'argile à la façon de Phù Lang, il possède aujourd'hui une société déclarée avec plus de 200 employés issus pour l'essentiel du village. Il expose et exporte un peu partout dans le monde. On achète ses œuvres pour décorer des bureaux, des salons...


"Je veux que la céramique de Phù Lang se fasse un nom dans le monde entier. Pour cela, je m'efforce de créer de nouveaux modèles", confie Vu Huu Nhung. Ce qui lui réussit plutôt bien ! Cependant, sa réputation internationale grandissante permet de faire de l'achat de ses produits un investissement, en plus de faire office de beaux objets.


L'impression la plus profonde qui ressort en quittant Phù Lang est la passion qui habitent ces céramistes pour leur métier. Leur habileté et leur labeur sont des atouts ô combien précieux.


Le village de Thô Hà, commune de Vân Hà, district de Viêt Yên, province de Bac Giang, borde paisiblement la rivière Câu. Pour y accéder, pas d'autre choix que de prendre le bac pour traverser la rivière Câu. Une maison communale, des maisons anciennes, des digues, un marché rural... sont, entre autres, ce qui attirent les touristes à se rendre en ces lieux.


Thô Hà était autrefois réputé dans le nord du delta du fleuve Rouge en tant que fournisseur d'urnes funéraires, ainsi que d'autres produits céramiques non émaillés de couleur marron clair ou gris foncé, notamment des jarres, des vases ou des brûle-parfums. Depuis au moins le 17e siècle jusqu'après la fin de l'époque coloniale, Thô Hà fut un centre très réputé de production d'objets en céramique.


Les traces de son passé de village de poterie restent gravés sur les chemins, pavés par des morceaux de faïence. Actuellement, Thô Hà cherche à restaurer le métier de la poterie en invitant les artisans chevronnés à transmettre le métier à la jeune génération.


Depuis 2004, la direction du Patrimoine culturel de la Communauté française de Belgique et le Musée royal de Mariemont, soutenu par le Commissariat général aux relations internationales, ainsi que le Département du patrimoine culturel du ministère vietnamien de la Culture, des Sports et du Tourisme, collaborent à la création d'un itinéraire culturel dans les villages de poterie.


Un itinéraire touristique traversant les villages de potiers du Nord comme Bat Tràng (Hanoi), Thô Hà (Bac Giang), Phù Lang (Bac Ninh), Cây et Chu Dâu (Hai Duong), Dông Triêu (Quang Ninh) a été examiné afin d'y établir des destinations touristiques culturelles.


La 2e phase du projet (2007-2009) a formé 40 artisans des villages de métier, établi la carte de l'itinéraire, a permis de concevoir un site web en vietnamien et français. Destiné à éveiller l'intérêt du public envers la céramique du Vietnam, cet itinéraire a comme objectifs la production et la mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel des villages artisanaux, la revalorisation du métier de potier et le développement durable des communautés locales. –AVI