Le marché est un rendez-vous primordial pour les Vietnamiens. En particulier celui du Têt, le plus grand de l’année. Une particularité qui montre l’importance du Têt Nguyên Dan (Nouvel An lunaire).

Dàm Thuc Hanh, une octogénaire résidant à côté du marché Dông Xuân, a d’innombrables souvenirs liés au marché du Têt : «Quand j’étais enfant, j’étais très heureuse d’aller au marché du Têt avec ma mère. Après avoir passé toutes les zones du marché et acheté des produits de première nécessité- riz, pétrole, sel, feuilles de phrynium pour faire le banh chung (gâteau de riz gluant)-ma mère m’achetait toujours des biscuits et des friandises. J’avais alors le droit à des galettes de riz soufflé, à des bonbons et à du pop corn». D’après Mme Thuc Hanh, ce que préféraient les enfants à l’époque était le bonbon à malt. Avec sa texture élastique et ses deux bâtons, on le tortillait dans tous les sens avant de le manger. Il faisait alors office de jouet et nous occupait jusqu’à notre arrivée à la maison. «Même en grandissant, on aimait toujours aller à ce marché, car nos parents nous donnaient de l’argent pour acheter ce qu’on voulait», ajoute-t-elle.

«Une atmosphère particulière régnait dans ce marché : tout nous paraissait beau. C’était également l’occasion de voir des jeunes hanoïennes, issues de famille aisée, portant l’ao dai (tunique traditionnelle des Vietnamiennes). Elles venaient la plupart du temps en groupe, flâner entre les étales de fleurs qu’abritait le marché Dông Xuân. Ces fleurs avaient une place primordiale sur les autels des ancêtres à cette période de l’année», rappelle-t-elle.

Des marchés millénaires…

Idéalement situé, Hanoi reste un pôle commercial très animé. Les marchés sont présents tant dans les quartiers populaires que dans les lieux très fréquentés de la capitale. Ces rendez-vous, en plus d’être l’occasion d’échanges commerciaux, sont également des lieux où s’épanouit la culture au travers de jeux traditionnels et de chants.
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Hàng Luoc, un des plus anciens marchés aux fleurs de la capitale.
Le premier marché du Vietnam, le marché Tây Nhai, a été créé en 1035 par le roi Ly Thai Tông, dans la cité impériale de Thang Long (ancien nom de Hanoi), actuel marché de Ngoc Hà. Il a ensuite ouvert le marché de Cua Dông (dans l’actuelle rue Hàng Buôm), où cohabitaient stands et boutiques, jusqu’au temple Bach Ma. Ainsi, on recense parmi les marchés les plus anciens de Hanoi, surnommée la terre aux mille ans de belles traditions culturelles, celui de Cua Dông, de Cua Nam, de Huyên et de Buoi.

Au XVIIe siècle, les provinciaux ont immigré en masse vers la cité impériale. Thang Long est alors devenue la ville la plus peuplée du pays. Les marchés ont ainsi connu un développement rapide, afin de répondre au mieux aux besoins de la population. Trente-six rues de la capitale se sont réparties la vente de marchandises diverses et variées.

Autrefois, les femmes se rendaient au marché, panier en bambou sous le bras ou avec leur palanche. Elles se montraient alors charmantes sous leur chapeau conique. Des marchandises en tout genre se trouvaient au marché : produits issus de l’agriculture, articles de mercerie, fleurs et artisanat. Chaque marché vendait un produit phare : des semences agricoles et des bébés animaux au marché Buoi, du tofu au marché Mo. Les marchés Ngoc Hà et Hàng Luoc étaient eux connus pour leur importante variété de fleurs.

… aux supermarchés modernes
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Les supermarchés débordent de produits en tout genre avant le Têt.
Avec le développement de la société et l’intégration économique, les marchés en général, et celui du Têt en particulier, ont beaucoup évolué. L’achat des produits pour le Têt est notamment facilité avec les supermarchés, les services de livraison à domicile, de règlement par carte bancaire et de vente en ligne.

Le peintre hanoïen Lê Thiêt Cuong est également un passionné de culture traditionnelle vietnamienne et des marchés du Têt en particulier. Ce dernier manifeste ses inquiétudes quant à l’évolution de ces lieux millénaires. En effet, de nombreuses marchandises ont disparu des étals. Les tableaux de pierres précieuses, coûtant des millions de dôngs, ont laissé place aux peintures populaires.

«La valeur essentielle du Têt est l’esprit traditionnelle. La culture est quelque chose de fragile. Bien que durable et résistante, si on ne s’efforce pas de la conserver, elle disparaît», souligne M. Cuong.

La conservation de l’identité culturelle, à commencer par la gastronomie, l’habit traditionnel et le faste des marchés du Têt, contribue à garder l’âme d’une nation et d’un peuple. Une conservation qui demande des efforts de la part de toutes les générations. -CVN/VNA