Dans notre mémoire, les estampes populaires représentent souvent des enfants poupons avec trois touffes de cheveux sur la tête, ou des lutteurs au nombril en forme de bouche ouverte, des truies ou des poules bien dodues au milieu de leurs nombreux petits, et surtout un mariage de souris… Plongez dans l'univers des estampistes de Dông Hô avec La Voix du Vietnam.

En plus de 400 ans d’existence, les estampes de Dông Hô se sont taillées une place de choix dans l’art folklorique vietnamien. Inspirés de la vie quotidienne, en particulier rurale, ces dessins ne servent pas seulement à la décoration. Chacun véhicule un message, une leçon sur l’art de vivre.

Dông Hô, c’est le nom du village qui a donné naissance à ces fameuses estampes, dans la province de Bac Ninh, au Nord. Aujourd’hui, le village a changé de nom pour devenir Song Ho, mais ses estampes gardent leur appelation d’origine, de même que leurs techniques spécifiques.

Nguyên Dang Chê est le maître artisan le plus connu du village: “Les estampes de Dông Hô décrivent des scènes de vie et des pratiques spirituelles des paysans. Mais nos ancêtres ont abordé ces sujets de manière métaphorique. Par exemple, les tableaux intitulés “Recueillir des noix de cocos” et “Combat de jalousie” décrivent deux scènes de vie contradictoires, l’harmonie conjugale dans le premier et le conflit, dans le second. Les estampes de Dông Hô ont ceci de particulier qu’elles ne sont jamais signées. Toutes appartiennent au répertoire folklorique.”

Selon le peintre Nguyên Dang Dung, chaque estampe raconte une histoire: “Les étrangers s’intéressent surtout aux estampes liées à des contes anciens, comme celle intitulée “Mariage de rats”. Il s’agit en fait d’une description de la société féodale. Les rats représentent les petites gens et Monsieur le Chat, les mandarins. Si un rat veut se marier, il doit d’abord faire des offrandes au chat pour obtenir l’autorisation de celui-ci. Mais il y a d’autres tableaux mettant en scène différents animaux domestiques comme, par exemple, la troupe de poules qui symbolise une famille heureuse, une progéniture nombreuse et unie.”

Fruit de la philosophie populaire, chaque estampe de Dông Hô a plusieurs niveaux de signification, selon l’âge et le vécu de celui qui la regarde. Prenons l’exemple du tableau de ces porcs ayant chacun des épis, la truie étant entourée de ses enfants. Pour l’observateur lambda, ça peut être une représentation de la prospérité. Mais les paysans peuvent y voir un conseil pour choisir de bons porcs.

Luu Duy Dan, vice-président de l’Association des villages de métiers du Vietnam: “Les estampes de Dông Hô témoignent de la richesse du folklore vietnamien. Qu’elles décrivent le retour au village d’un lauréat de concours mandarinal, un mariage de rats ou une femme qui attend que son mari lui cueille des noix de coco… toutes sont empreintes de la culture nationale.”

Les estampes de Dông Hô sont produites suivant un processus rigoureux nécessitant 5 séances de gravures, avec 5 différentes planches de couleur. Mais pour la population, ce sont des images qui sont complètement ancrées dans la mémoire collective. C’est le cas de Nguyên Thi Hoa: “J’adore les estampes de Dông Hô qui sont très proches de la plupart des Vietnamiens. Pour moi, leur valeur réside non seulement dans leur côté esthétique mais aussi dans le fait qu’elles constituent tout un pan de la culture traditionnelle vietnamienne.”

Riche de toutes ces valeurs historiques, culturelles, littéraires et artistiques, le métier de fabriquant d’estampes de Dông Hô vient d’être classé au patrimoine culturel immatériel national. – VNA