À Hanoi, le chant des aveugles et son ange gardien
Avec le développement de différents types de musique
moderne, la musique traditionnelle semble perdre du terrain. Animé de sa
passion pour le hat xâm et d’un fort désir de restaurer des airs de ce
chant, depuis des années, le compositeur-musicien Thao Giang n’a cessé
d’étudier cet art vocal, de collecter des airs et de le transmettre à la
jeune génération.
Originaire du district de Thanh
Oai, Hanoi, le compositeur Thao Giang a confié qu’il prenait souvent
autrefois le tramway pour aller à l’école, et que c’est là qu’il
entendait les chanteurs de hat xâm. C’est à l'Académie de musique du
Vietnam qu’il a approfondi ses connaissances sur cet art.
Selon la légende, il y a plus de 700 ans, sous le règne du roi Trân
Nhân Tông (1279-1293), le prince héritier Trân Quôc Dinh, rendu aveugle
par son propre frère Trân Quôc Toan, à cause du trône, fut emmené par
celui-ci dans une forêt profonde, pour servir de proie à des fauves.
Comblé de malheur, il ne cessa de se lamenter de son sort tragique. Ému
par ses pleurs déchirants, le Bouddha apparut et lui apprit des airs
forts touchants, capables d'attendrir les cœurs les plus durs. Sauvé, ce
prince aveugle refusa de revenir au palais pour passer le reste de sa
vie à apprendre à ses consorts cet art musical, qui, au fil du temps,
devint le gagne-pain des malvoyants. Et d'où le mot hat xâm (chant des
aveugles).
Techniquement, le hat xâm relève du genre
folklorique, dont les phrases mélodiques sont constituées sur le pied
de 6-8. Les chansonniers ne sont pas des mendiants, il s'agit de
véritables artistes ambulants. À partir de la moitié du XXe siècle,
chaque groupe de hat xâm dispose généralement d'un chef. Il s'agit d'un
véritable métier. Les artistes jouent de la musique et chantent, les
spectateurs les écoutent et les rémunèrent. Pour ainsi dire, la société
considère le hat xâm comme une profession, mais une profession si
pénible.
Voyant que le hat xâm tombait dans l’oubli,
Thao Giang a commencé à collecter les airs. En 2005, il a fondé, avec
le professeur Pham Minh Khang le Centre de développement des arts
musicaux du Vietnam, dont les trois objectifs principaux sont :
collecte-recherche, enseignement-formation et représentation.
Thao Giang a formé un contingent de jeunes artistes, dont beaucoup
venant du Conservatoire de musique de Hanoi et du Collège des arts et de
la culture de Hanoi. Il a puisé dans ses propres deniers pour aller
dans les localités rencontrer les derniers chanteurs. Chaque samedi
soir, certains d’entre eux suivent leur maître Thao Giang au marché Dông
Xuân, au coeur de Hanoi, pour interpréter du hat xâm en public et
promouvoir cet air original du pays. – AVI