La poétique rivière des Parfums, la citadelle impériale, la pagode de Thiên Mu..., autant de lieux emblématiques de Huê désormais accessibles aux Saïgonnais, mais au format... miniature. Son auteur, Nguyên Thanh Tùng, est natif de l’ancienne capitale impériale.

Situé dans le 9e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville, près de la zone touristique de Suôi Mo, le Ngu Lam Viên est dédié au patrimoine bâti de Huê (province de Thua Thiên-Huê, Centre). Le propriétaire des lieux, Nguyên Thanh Tùng, est un quadragénaire à l’allure débonnaire. Bien qu’il n’ait vécu à Huê que ses cinq premières années, il a été profondément marqué par cette ville.

Un acte de piété filiale

L’objectif premier de Nguyên Thanh Tùng en créant le Ngu Lam Viên était de faire plaisir à ses parents. Le cadeau d’un fils en somme, mais un cadeau avec un grand C. «À cause des difficultés économiques, ma famille a dû quitter Huê pour Hô Chi Minh-Ville. Mais, je n’ai jamais oublié ma ville natale. Mes parents non plus. C’est pour soulager leur nostalgie que l’idée de créer ce lieu m’est venue», confie Tùng.

Selon lui, ses parents, du fait de leur grand âge, ne peuvent retourner à Huê régulièrement. Son père a eu un accident vasculaire cérébral léger. Grâce au Ngu Lam Viên, sa santé se rétablit de jour en jour.

«Cette idée me trottait dans la tête depuis le lycée. Après l’université, j’ai beaucoup voyagé. Je me suis alors rendu compte de la beauté unique de Huê. Concrétiser cette idée est devenu une quasi-obsession», explique Thanh Tùng. Après une mission en Australie en l’an 2000, grâce à l’argent mis de côté, il décide de réaliser son rêve. Il rencontre l’architecte Lê Bich, co-auteur de l’hôtel Huong Giang et du théâtre de Huê, et ils décident ensemble de mettre le projet en route.

En 2002, l’architecte huéen achève la maquette de son ouvrage. Mais, les travaux ne se passent pas comme il l’avait imaginé. «Les premières maquettes en bois recouvertes de ciment ne supportent pas les caprices du temps. Tous mes efforts et ceux de dizaines d’ouvriers sont réduits à néant», se souvient-il. Thanh Tùng frappe alors aux ateliers de plusieurs menuisiers célèbres de Hô Chi Minh-Ville et de Huê, sans trouver la solution à son problème. On le prend même pour un doux rêveur. Il fait fi de tous les quolibets et cherche une autre voie.

«La cité impériale est en pierre et elle a défié les siècles. Pourquoi ne pas réaliser mes maquettes en pierre aussi ?, me suis-je dit. J’ai moulu des pierres et les ai mélangées à du ciment, et le résultat m’a bluffé !». La réalisation de tout l’ouvrage lui a pris cinq ans tout de même, de 2002 à 2007.

Un réalisme à couper le souffle

Cette Huê en miniature se compose de 151 ouvrages. Couvrant plus de 1.000 m², elle est située au bord d’une rivière des Parfums reconstituée. Le point central est bien sûr la citadelle impériale, formée de trois enceintes : Kinh Thành, qui abritait tous les bâtiments de l’administration du royaume ; Hoàng Thành, la cité impériale hébergeant les palais royaux ; et enfin, Tu Câm Thành, la fameuse Cité pourpre ou Cité interdite, réservée à l’empereur et à sa famille.

Les remparts sont doublés de fossés. La citadelle communique avec l’extérieur par huit portes orientées dans huit directions : est (Chinh Dông), ouest (Chinh Tây), sud (Chinh Nam), nord (Chinh Bac), nord-ouest (Tây Bac), sud-ouest (Tây Nam), nord-est (Dông Bac) et sud-est (Dông Nam).

La façade de la citadelle est orientée au sud, comme dans la réalité. Plus étonnant, Thanh Tùng a aussi reproduits le mont Ngu Binh, considéré comme un «paravent» ou un «écran royal», et les deux îlots Côn Hên et Côn Gia Viên (voulant dire le dragon bleu et le tigre blanc) au milieu de la rivière des Parfums, considérées comme le «dragon prosterné» et «le tigre assis», censés assurer la protection des lieux selon les règles de la géomancie.

Hoàng Thành et Tu Câm Thành sont également appelées Dai Nôi ou ville intérieure. Tous les monuments sont construits avec le souci de respecter fidèlement la réalité : Ngo Môn (Porte de Midi), palais de Thái Hoà (où se déroulaient les grands événements de la cour) ; Triêu Miêu, Thái Miêu, Hung Miêu, Thê Miêu (lieux de cultes pour les dignitaires) ; palais Diên Tho (Réservé à la Reine-Mère) et palais Truong Sanh (lieux de résidence des grands-mères et arrière-grands-mères du roi) ; Phu Nôi Vu (garde du trésor, atelier de production des affaires impériales) ; jardin Co Ha, Duyêt Thi Duong (où les princes jouaient, étudiaient)… Le résultat est stupéfiant !

Le Ngu Lam Viên englobe aussi d’autres monuments de Huê, à l’extérieur de la citadelle, notamment la pagode Thiên Mu, le pont Truong Tiên, le palais Hon Chén, la maison commune Truong Bac, les mausolées des empereurs Nguyên… À côté de la citadelle se trouve une grande nhà ruong (maison à trois travées et deux appentis), dont l’une des particularités réside dans l’harmonie habitat-jardin, qui crée un espace culturel parfait. Tout en contemplant cette merveille, les visiteurs peuvent déguster du thé offert par le propriétaire des lieux.

Les visiteurs sont aussi bien des Saïgonnais originaires de Huê que des étudiants, des élèves, des touristes européens et asiatiques. En quatre ans, la réputation de cet ouvrage a largement franchi les limites de la ville. À noter que l’entrée est libre et que c’est le propriétaire lui-même qui fait la visite.

Thanh Tùng a plusieurs cordes à son arc : architecte de formation, il est aussi spécialiste des technologies de l’information. Il est même devenu un expert de la culture et de l’architecture de Huê et adore guider les groupes de visiteurs.

Une Huê ancienne en miniature est née, et ce qu’on lui souhaite c’est de pouvoir elle aussi traverser les siècles. -CVN/VNA