Un agronome Viêt kiêu au service des agriculteurs
Depuis quelques années, la commune de Hiêp An, district de Duc Trong,
province de Lâm Dông (Tây Nguyên, hauts plateaux du Centre), a fait peau
neuve. Cette région montagneuse autrefois infertile est désormais
recouverte d’une végétation luxuriante. Sur ses versants des collines
arides s’étendent près de 200 hectares de pépinières d’agrumes :
orangers de la famille de Cara Cara, de Navel ou encore de Tangelo,
citronniers et mandariniers de Tahiti. On y trouve également des
manguiers de Boven, letchis et pommes cannelles australiennes.
Ce changement, Lâm Dông le doit au couple d’agronomes Viêt kiêu Mai
Viêt Phuong et Mai Hông Lac. Rentrés d’Australie il y a une quinzaine
d’années, ils ont créé la société Mai Phuong en y investissant un
capital de 20 milliards de dôngs.
Depuis son bureau
basé sur le mont calcaire Nui Voi (Mont des Éléphants), à 17 km de Dà
Lat, Mai Viêt Phuong reçoit ses invités se félicitant de son travail :
"Toute l’année, l’orangeraie porte des fruits succulents. Il nous a
fallu deux ans pour obtenir cette variété par croisement avec de la Cara
Cara australienne", exulte-t-il.
Issu du Venezuela,
l’oranger Cara Cara avait été introduit d’abord aux États-Unis avant
d’être planté avec succès en Australie. L’arbre fruitier a été un des
sujets de recherche de l’agronome Viêt kiêu, à l’époque professeur en
charge du laboratoire des projets agricoles à l’Université Western
Sydney et responsable de l’agence Paulownia Australie - Vietnam,
spécialisée dans le financement et le transfert des technologies
agricoles au Vietnam.
Originaire de la province de
Long Xuyên, dans le delta du Mékong (Sud), Mai Viêt Phuong s’est
expatrié au début des années 1960 en Australie afin d’y poursuivre une
spécialisation à l’Université Western Sydney.
Après un
brillant parcours sanctionné d’un diplôme d’agronome, il fut retenu par
l’Université où il rencontra sa femme Mai Hông, également agronome
formée dans ce pays.
Au Vietnam, il a initié plusieurs
projets agropastoraux. "J’étais attristé par la vie difficile des
agriculteurs. La faible productivité des cultures et des élevages m’a
motivé à les aider", confie-t-il.
En 1996, il a offert
un cadeau de deux œufs d’autruche au ministre de l’Agriculture et du
Développement rural Nguyên Công Tan. Éclos au Vietnam, les deux bébés
autruches nés en Australie se sont vite accommodés aux conditions
climatiques. Fort de ce succès, il en a envoyé une centaine d’autres,
donnant naissance à cette occasion à la première autruche du Vietnam.
Sur conseil du ministre, il a contribué au lancement
d’une ferme d’autruche à Ba Vi (banlieue de Hanoi) comptant à son début
environ 2.000 têtes importées d’Australie.
Au fil du
temps, il a introduit de nouvelles variétés de plantes à forte valeur
ajoutée : agrumes, cassiers, polonia (arbres produisant du bois de haute
qualité), pins, eucalyptus et théiers exotiques, ainsi que des herbes
odoriférantes.
Sa retraite aussitôt entamée, il est
retourné dans son pays pour ouvrir une ferme agricole à Lâm Dông. "Mon
objectif était de créer des pépinières d’agrumes de qualité afin d’aider
les agriculteurs à combattre la pauvreté", dit-il. Soutenu par son
collègue, le botaniste Graeme Richard, (professeur à l’Université
Hawkesbury en Australie), il est parvenu à introduire de nouvelles
variétés d’orange aux saveurs exquises.
Quoi de plus
extraordinaire que de voir des orangeraies cultivées sur des terrains
basaltiques produire des fruits. Voilà l’effet Mai Viêt Phuong. "C’est
impressionnant. D’habitude ce sol volcanique n’est pas propice à la
culture d’agrumes. Par le passé, on y a planté sans succès des orangers
du delta du Mékong", raconte un agriculteur local.
Comment donc expliquer le suc-cès de la nouvelle Cara Cara ? "Tout
réside au pied de l’arbre", répond-il. "Il nous a fallu une trentaine
d’années de recherches pour transformer le pied d’arbre en carré. La
+méthode+ permet en fait à une plante de germer même sur de la terre
infertile. L’oranger Cara Cara est l’unique au monde à avoir cette
particularité", ajoute-t-il.
À seulement trois ans,
cette variété d’oranger porte déjà des fruits. Et, "dans huit ans, les
orangeraies de Lâm Dông produiront entre 30 et 50 tonnes de fruits par
hectare et par an", assure Mai Viêt Phuong. À cela s’ajoute une
"espérance de vie" pouvant aller de 40 à 50 ans.
Sa
société compte actuellement environ 50 hectares d’agrumes, ses premières
variétés de Cara Cara ont déjà produits leurs premiers fruits. Ce qui
le comble : "Mon plus grand bonheur est de voir enfin les agriculteurs
vietnamiens s’enrichir grâce à leur terre en cultivant des jeunes
plantes issues des pépinières".
Actuellement, sa société se préoccupe de former des agriculteurs aux techniques culturales. -VNA