Il y a près de 50 ans, la presse internationale a qualifié le soldat-transporteur Nguyên Viêt Sinh de «recordman» pour avoir fait presque un tour de la planète durant ses six années de service dans l’armée. Aujourd’hui à la retraite, notre héros, septuagénaire désormais, mène une vie simple à Vinh (Nghê An, Centre).

Né dans la même province que le Président Hô Chi Minh (Nghê An), Nguyên Viêt Sinh s’est engagé dans l’armée dès 18 ans, comme tous les autres jeunes gens de son époque. C’était alors en 1961, moment où la guerre d’indépendance contre les agresseurs américains se trouvait dans sa phase la plus tendue et que le front du Sud avait besoin plus que jamais des subsides du Nord.

Le jeune engagé et ses frères d’armes ont été envoyés dans la province de Quang Binh (Centre), à proximité du 17e parallèle démarquant le Nord du Sud. Là, les jeunes soldats se sont joints à la force spéciale qui a cherché à ouvrir la voie et à transporter des marchandises vers le Sud. Les travaux étaient pénibles. Chaque jour, les jeunes transporteurs devaient marcher plus de 40 km dans les forêts sombres, sur des pistes boueuses, au milieu des serpents venimeux. Dans de telles conditions, chaque jeune transportait entre 20 et 25 kg de marchandises (riz et essence). Seul Nguyên Viêt Sinh transportait 40 à 50 kg, puis 75 kg même... Un exploit quand l’on sait que Nguyên Viêt Sinh ne mesurait pas plus de 1m70 pour seulement 60 kg !

«Pendant ces années, nous avons marché avec l’âme sereine. Chaque fois que nous transportions lourd, nous pensions à notre slogan : un kilo de marchandise aidera nos compatriotes du Sud à ne pas verser leur sang, une balle tuera un ennemi», explique simplement notre héros Nguyên Viêt Sinh. Lui même ne savait pas qu’avec de tels actes et réflexions si simples, il serait décoré, un jour, du titre de héros.

L’exploit du transporteur Nguyên Viêt Sinh fait l’objet d’une leçon du manuel d’histoire de 5e classe, où sont rapportées les paroles suivantes de Nguyên Viêt Sinh : «Parallèlement au convoi de camions transportant jour et nuit des marchandises vers le Sud, c’était la troupe de transporteurs avec sur leur dos des hottes remplies de riz et d’essence, traversant les forêts, les montagnes et les cours d’eau. Il y avait des pentes tellement abruptes que si nous n’y prenions garde nous pouvions facilement marcher sur la tête de la personne derrière nous». Et d’ajouter : «Pour éviter le guet et les patrouilles ennemies, il arrivait parfois que nous devions nous glisser dans des égouts ou étendre des étoffes de nylon sur la piste et marcher sur cette couche de nylon pour ne pas laisser de traces. Pour communiquer avec les autres, nous devions murmurer».

Plus d’un an après son engagement dans l’armée, Nguyên Viêt Sinh a reçu en 1962 le titre de soldat d’élite. Une fierté pour le jeune transporteur et sa famille. C’était aussi un grand encouragement à faire plus d’efforts encore et encore.

La guerre dans le Sud était de plus en plus atroce. Pour mieux soutenir la lutte de libération nationale, le corps de troupes de Nguyên Viêt Sinh a lancé un programme d’encouragement des transporteurs à augmenter leur rendement. Étant chef d’une escouade de neuf personnes, Nguyên Viêt Sinh a cherché à parfaire son travail et ceux de ses coéquipiers. «Notre escouade comprenait neuf personnes, mais nous essayions de faire le travail de dix ou onze personnes. Si quelqu’un dans le groupe tombait malade, nous nous disions de ne pas cesser le travail. Les personnes en bonne forme aident les malades à transporter plus de marchandises, ceux qui marchent plus vite épaulent ceux qui marchent plus lentement...», se souvient le héros. Grâce à la volonté de Nguyên Viêt Sinh, son escouade et lui même ont toujours été en tête des unités et personnes distinguées.

De nombreux écrivains et journalistes sont montés au front rencontrer Nguyên Viêt Sinh pour écrire des articles sur le héros. L’exploit de Nguyên Viêt Sinh est connu dans l’histoire de la piste légendaire de Truong Son. Il a été l’un des premiers soldats et transporteurs de Truong Son à avoir reçu le titre de héros des forces armées, en 1967. Une décision signée du Président Hô Chi Minh même. Ainsi, Nguyên Viêt Sinh a été l’un des premiers héros décorés durant la guerre anti-américaine.

Dans le livre "Bare feet, iron will" (Pieds nus, volonté de fer), l’auteur James G.Zumwalt – ancien lieutenant-colonel du corps des Marines, a relaté l’exploit de Nguyên Viêt Sinh dans les pages consacrées à la piste légendaire de Truong Son. «Avant que les camions puissent circuler sur la piste, porter les marchandises dans des hottes a été le moyen de transport majeur. Nguyên Viêt Sinh était le modèle exemplaire qui exprime le plus la détermination de ces transporteurs. Chaque fois, il transportait 45 à 50 kg. En quatre années, en 1.089 journées de travail, il a transporté plus de 55 tonnes de marchandises sur son dos et parcouru 41.025 km, soit un tour de la Terre à l’équateur. En moyenne, il transporte son propre poids de marchandises». A côté de ces informations, se trouve un petit portrait de Nguyên Viêt Sinh à 21 ans, souriant en uniforme, portant casque militaire et l’insigne de travailleur d’élite.

En avril 2012, le héros Nguyên Viêt Sinh a reçu le certificat de record du Vietnam de «Transporteur de la piste de Truong Son ayant transporté des marchandises et soldats blessés sur le trajet le plus long, un tour de la Terre».

Le vieux soldat, colonel à la retraite de 71 ans, a souri en recevant ce nouveau certificat. Il a consacré cinquante années de sa vie à l’armée. Aujourd’hui, revenu à la vie civile aux côtés de sa femme, de ses enfants et de ses petits-enfants, son bonheur est de cultiver les bonsaïs et de raconter ces années de la piste de Truong Son à ses petits-enfants. – AVI