Tout savoir sur le Nouvel An khmer
Au temps de la gloire d’Angkor, les patriarches des Cambodgiens
modernes ont adopté le calendrier lunaire calculé en fonction de la
marche de la lune, laquelle détermine les saisons.
Certains missionnaires étrangers avaient signalé vers la fin du 13e
siècle que la “Nouvelle Année” chez les Khmers tombait le mois de
Mikasira, premier mois du calendrier lunaire. Depuis le 7e siècle, les
Khmers ont adopté un nouveau calendrier qui fait que le Nouvel An tombe
le quatrième mois, soit le 13 avril ou le 14 avril du calendrier
chrétien.
C’est la déesse Thongsak Devi, première fille
de Kabel Moha Prum, qui accompagnera la nouvelle année 2013 à partir du
dimanche 14 avril à 02h12 du matin.
L’entrée de la
nouvelle année, selon l’astrologie, est fixée pendant trois jours; le
premier jour s’appelle “Moha Sankranta”, du sanskrit Sankranti, la
grande marche, le deuxième “Vanapata” et le troisième “Loeung Sak”,
entrée dans le nouveau millésime.
D’ordinaire, les
cloches et des tamtams des pagodes annoncent l’arrivée du Nouvel An mais
les habitants, presque dans tous les villages, commencent par la
célébration de l’accueil, depuis le matin du premier jour, de la
nouvelle Devata, par l’érection des Monts de sable et par l’invitation
des bonzes pour officier le Dharma, la loi bouddhique, bien que le
Nouvel An arrive quelquefois tard dans la nuit, parce qu’aux temps
modernes, le calendrier traditionnel khmer est établi en fonction de la
double marche du soleil et de la lune. Dans la matinée du deuxième jour
ont lieu les offrandes de l’aumône aux moines, et dans l’après-midi du
même jour, on les invite à se baigner, après quoi, trois d’entre eux
prêchent des sermons. Le troisième jour, on invite les parents,
patriarches, guru (maîtres, chapelains) à prendre le bain, on demande
aux bonzes d’officier des vœux aux trois joyaux (le Bouddha, le Dharma,
le Sangha), aux mânes des parents et des défenseurs de la patrie et,
enfin, on élargit des animaux, surtout des oiseaux, qu’on achète au
marché.
A noter que les Cambodgiens ont l’habitude
d’aller célébrer le Chaul Chhnam dans la pagode où l’on organise un
orchestre traditionnel de Pinpeat afin, en double rôle, d’accompagner la
fête et d’accueillir la venue du Nouvel An; cet orchestre n’est pas
obligatoire chez les gens.
Quelques jours avant le
Nouvel An, les Cambodgiens, chef de famille et leurs enfants,
entreprennent chez eux et, en plus, à la pagode, les décorations avec
des fleurs des lanternes multiformes, des bougies et bâtonnets d’encens
fichés sur des Monts de sable, ornés en plus de tentures et oriflammes
multicolores de papier, construits tout près de la maison. En certains
villages du pays, on a la coutume d’établir les monts de paddy au lieu
de ceux de sable, ou bien on en érige tous deux à la fois.
Outre les rites traditionnels durant trois jours, les gens, surtout les
jeunes aiment s’allonger autant de jour que de nuit aux danses et jeux
populaires, tels que l’Angkunh (sorte de jeu utilisant des graines
naturelles servant de billes), le jeu de Chol Chhoung, (lancer de balle
faite d’une écharpe roulée accompagnée de chants), le jeu de Leak
Kansèng (cache de l’écharpe aussi roulée), le jeu de halage de lanière,
de Chap Kaun Khlèng (l’épervier et les poulettes), de Laut Anteak (saut
du filet), de Anteak Kach, (la foudre frappe), de Khsep Ta Prohm, Ta
Prohm désire; parmi les danses, on note le Trot (Troddi) mimant la
chasse d’un cerf par un chasseur; la ronde Roam Vong, de chants alternés
“le Ayaï” et l’interprétation de Yiké, (forme de théâtre chanté connu
au Cambodge depuis des siècles, voire même le 8ème siècle).
Il est à signaler qu’à présent, certains jeux populaires
disparaissaient, tels sont le jeu de Dandoeum Phlè Daung (s’emparer de
la noix de coco graissée), le jeu de polo dans la nuit, le jeu de jet de
l’eau parquée rouge et celui de course de pirogues de bambous.
Et voilà que chaque tradition reflète une société ancienne, c’est ainsi
qu’on peut reconstituer le mode de vie antérieure d’une nation à
travers ses mœurs et coutumes. La nation khmère, tout au long de son
émergence plurimillénaire, s’enrichit de cultures de portes couleurs du
terroir.
De nos jours, par suite des besoins
populaires, apparaissent de nouvelles distractions comme, par exemple le
lancer de flèches, l’orchestre moderne, le cinéma, le théâtre, le
cirque. Dans certains faubourgs, on invite un chanteur troubadour
moderne à guitare à long manche recourbée à raconter tel ou tel autre
épisode soit légendaire, soit d’actualité et parfois même l’orchestre de
Pinpeat ou de Mohori est invité à se produire dans un lieu prévu,
surtout dans la pagode pour servir la Fête. Mais quant au milieu urbain
des fourmilières humaines aux costumes multicolores déambulent dans des
parcs ou bien longent le bord du fleuve, du lac pour se revigorer d’une
bouchée d’air frais et d’un régal des yeux. De plus, elles vont
découvrir et redécouvrir la nature magnifique aux abords des sites
historiques ou bien elles visitent des musées et des établissements
économiques ou culturels.
Fidèles à une habitude en
passe de devenir une belle tradition depuis quelque trois ou quatre
décennies, les Cambodgiens ruraux comme citadins, entreprennent, à
l’occasion du Nouvel An, le pèlerinage de la capitale antique qu’était
Angkor où, par endroits, ils dressent leur tente provisoire pour une
agréable partie de camping ou de pique-nique pendant leur visite des
temples de pierre sous un ciel bleu clair d’avril.
Outre le jeu du lancer de l’écharpe roulée, le plus caractéristique du
Nouvel An, les Khmers aiment aussi d’autres distractions, dont la danse
populaire de “bois de cerf”, la danse de Kap Krâbei Phoeuk Sra (mise à
mort du buffle), celle de Ang-Rè, (danse aux pilons).
Le Chaul Chhnam chez les Cambodgiens est un fait très marquant. Tout le
monde s’efforce à cette occasion de faire de bonnes actions dans son
foyer, dans des voies publiques. On est censé faire un rite d’exorcisme
de l’année passée pour recevoir le bonheur et la prospérité de l’An
débutant.
Les roulements de tamtams, le carillon de
cloches mêlées à des vœux et à des psalmodies saluent l’heure du Nouvel
An tandis que les volutes de baguettes d’encens montent des petites
chapelles de bois éclairées par des bougies aux bords des routes.
Dans certaines provinces ou régions, le Nouvel An est précédé et
prolongé des jeux populaires pendant un mois avant et presque un mois
après l’événement. On va se rassembler dans la pagode, dans les places
publiques, dans les sites historiques ou touristiques pour faire la
“boum”, se distraire et, aux dires des anciens, inviter les mânes des
ancêtres à rejoindre cette atmosphère heureuse et à célébrer la gloire
d’antan. -VNA