Thuy Toàn et la littérature russe, le grand amour
Meilleur
traducteur de poèmes de Pouchkine du Vietnam, traducteur d'avant-garde
de poèmes russes en vietnamien, bâtisseur d'une passerelle de deux
siècles de littérature entre le Vietnam et la Russie..., tels sont les
surnoms de Thuy Toàn, qui traduit des œuvres russes en vietnamien depuis
plus de 50 ans.
Thuy Toàn est parti étudier en Russie à
l'âge de 16 ans, où il y a appris la langue de Pouchkine. Il a commencé
à aimer traduire en vietnamien des poèmes et histoires russes pour
enfants dès la 2e année de ses études universitaires.
À
23 ans (en 1961), il est diplômé de la Faculté de littératures et de
langues de l'École normale supérieure de Lénine (Moscou). Depuis la
parution de sa première traduction d'un petit récit pour enfant, en
1956, dans le journal Nguoi giao viên nhân dân (Enseignant du Peuple),
le traducteur a à son actif plus de 60 livres. Parmi ceux-ci, dix
recueils de poèmes totalisant des milliers d'œuvres russes ont été
présentés aux lecteurs vietnamiens. Certains de deux-ci tels "Je
t'aime", de Pouchkine, ou "J'attends ton retour", de Simonov..., ont
acquis une grande renommée.
Le traducteur explique
simplement le pourquoi de son travail: "Pour que les Vietnamiens ne
connaissant pas la langue de Pouchkine puissent apprécier les poèmes
russes". Thuy Toàn a transmis son amour de la Russie et de la
littérature russe à des millions de Vietnamiens, et parmi les jeunes des
années 1960, rares sont ceux n'ayant pas appris par cœur les vers de
Pouchkine traduits par Thuy Toàn. Son travail a beaucoup inspiré
d'autres poètes et traducteurs qui ont oeuvrés pour faire davantage
découvrir la poésie russe à leurs compatriotes.
Expliquant ce succès, Thuy Toàn indique seulement "avoir eu la chance
d'être l'un des premiers Vietnamiens envoyés faire leurs études à
l'étranger". Et à l'époque de ses premières traductions, les œuvres
étrangères se faisaient rares. En outre, "les poèmes que j'ai traduits
convenaient non seulement à mon état d'âme mais aussi à celui de la
jeunesse de cette époque, ce sont des poèmes d'amour, des vers de
fervents révolutionnaires, des patriotes aspirant à la liberté...",
confie le traducteur.
Pour bien traduire des poèmes
russes en vietnamien, il ne suffit pas d'exceller en russe, il lui faut
encore maîtriser sa langue maternelle, déclare Thuy Toàn qui ne cesse
d'enrichir son vietnamien. Entre deux versions de la traduction d'un
poème réalisées à deux ans d'intervalle, Thuy Toàn voit des mots
différents et des phrases. "Cela signifie que j'ai fait des progrès en
vietnamien, ma capacité de perfectionner, d'épurer ma langue s'est
améliorée", explique-t-il. Une tâche perpétuelle, car la traduction
parfaite n'est pas de ce monde, et le traducteur doit enrichir ses
connaissances perpétuellement aussi.
D'après Thuy Toàn,
"la traduction, c'est comme la création, il faut avoir de la passion".
Car, "la traduction est un travail pénible, sans elle, on ne peut rien
faire". Thuy Toàn ne traduit que les œuvres dont il est épris. "Si mes
traductions ne sont pas acceptées par les éditeurs, je les laisserais de
côté. Et si j'aime trop une œuvre, je la ferai publier à compte
d'auteur, sur mes propres fonds", précise le traducteur. La littérature
et la poésie russes sont toujours "sans précédent et inégalables",
estime Thuy Toàn. "Il y a beaucoup d'auteurs que j'aime bien mais je
n'ai pas de bonnes conditions pour les présenter en détail aux
lecteurs", ajoute-t-il.
Thuy Toàn aime tellement la
Russie que quelques mois après la dissolution de l'URSS en 1991, il a
sorti un recueil de poèmes "Je dois parler de la Russie", publié à
compte d'auteur et offerts gratuitement aux lecteurs. Ce livre de 25
poèmes est considéré comme la proclamation d'une personne éprise de la
Russie.
En 2007, à l'occasion du 90e anniversaire de la
Révolution d'Octobre russe, Thuy Toàn a organisé une série d'événements
dont la soirée "Cinquante ans de poésie russe au Vietnam", une soirée de
fête Vietnam-Russie, une exposition d'œuvres littéraires russes au Café
des livres de la rue Trân Quy Kiên (Hanoi).
Le
traducteur Thuy Toàn est actuellement président du Conseil de traduction
littéraire de l'Association des écrivains vietnamiens, ainsi que
directeur du Centre de culture et de langue Occident-Orient spécialisé
dans la traduction des œuvres littéraires étrangères et la recherche
culturelle sur des auteurs célèbres du Vietnam. Il est aussi membre
d'honneur de l'Association des écrivains russes. En 1987, il s'est vu
attribuer le prix international de l'Association des écrivains russes
pour ses contributions à la traduction d'œuvres littéraires russes. Il
est en outre membre du comité exécutif du comité central de
l'Association d'amitié Vietnam-Russie.
Ces dernières
années, bien que Thuy Toàn soit à l'âge de prendre une retraite méritée,
il continue de traduire sans relâche et publie au moins un livre chaque
année. En 2005, son recueil de poèmes "Les étoiles filantes" a été
primé par l'Association des écrivains vietnamiens, en 2006, son livre
"Cent poèmes d'amour" a connu un grand succès chez les lecteurs.
En 2007, il a sorti l'ouvrage de recherche "Les traducteurs du Carnet
de prison de Hô Chi Minh". À présent, le traducteur se consacre à une
autre recherche, "Plus de 50 ans de poèmes russes au Vietnam".
Le 5 novembre dernier au Kremlin, Thuy Toàn a été l'une des douze
personnes à recevoir l'Ordre de l'Amitié, la plus prestigieuse
distinction de la Fédération de Russie qui lui a été remise en main
propre par le président russe, Dmitri Medvedev. "C'est non seulement une
joie personnelle, mais aussi la joie commune de l'amitié durable entre
le Vietnam et la Russie, et un bon signe pour la coopération littéraire
entre nos deux pays", déclare le traducteur. Selon lui, il y a eu
plusieurs générations de Vietnamiens ayant traduit et présenté la
littérature russe à leurs compatriotes, mais il est le premier à avoir
eu la chance d'être reconnu.
Après une vie consacrée à
la traduction, Thuy Toàn reconnaît que "ce qui compte le plus pour moi,
ce n'est pas la réputation. Mon plus grand bonheur, c'est que je suis
attaché à la littérature russe, que je fais un travail que j'aime et que
je suis capable de le faire. La littérature russe est le seul amour que
je poursuivrai toute ma vie". -AVI